dimanche 8 juillet 2012

Ni valises, ni cerceuils

Il y a 50 ans...
Tahia El Djazaïr !


Il y a 50 ans, je venais d'avoir 14 ans et dans les rues de Constantine, c'était la liesse, les youyous. J'habitais rue Kamel Bendjellit (anciennement rue des frères Durand), juste derrière le cimetière arabe et en contrebas du stade Turpin (aujourd'hui Ben Abdelmalek). Le quartier Saint Jean était essentiellement européen. Les habitants avaient déjà entrepris assez massivement leur exode vers la France. Je savais que j'allais partir en France pour poursuivre ma scolarité. C'était pour le mois de septem-bre et je devais me rendre à Alger par la route pour prendre l'avion. L'ambiance était triste, les visages étaient tendus, la peur régnait sur les adultes. Moi, je ne me rendais pas bien compte. Je n'avais pas pleinement conscience que mon prochain départ était définitif.
Mon billet d'avion
J'ai donc pris l'avion d'Air France le 16 septembre 1962, à Alger (Maison- Blanche, aujourd'hi Dar El Beïda). Décollage : 13 h 55 pour Bordeaux, où mon oncle Norbert devait me conduire en Charente-Maritime, chez ma grand-mère qui m'hébergeait pendant mon internat au lycée de Pons.

Constantine La plaine du Hama
depuis un des tunnels
Un dernier au revoir à la famille et le lendemain de ce périple, me voilà remis aux bons soins d’une charmante hôtesse de l’air. J’en profite allègrement pour me faire dorloter… Les côtes algériennes s’effacent vite et laissent la place à l’immensité de la Méditerranée. Le temps est splendide. Je ne perçois pas du tout le désarroi des autres passagers et pourtant la majorité d’entre eux devait être totalement désespérée et démunie. Je ne savais pas vraiment que je mettrai si longtemps pour faire le chemin inverse. On venait de décider à ma place de mon exil. Ça je ne le réaliserai que bien des années plus tard et ce sera d’autant plus douloureux. Pour l’heure, je me dirige vers une nouvelle vie qui ne sera pas vraiment la mienne. Je ne comprendrai pas trop. Il me faudra m’adapter et découvrir un autre mode de vie.




Pourtant, un an sur deux, nous venions en vacances en France. Nous nous partagions entre la région bordelaise et la Charente-Maritime pour visiter la famille de ma mère. J’avais donc une expérience, un avant goût de la vie métropolitaine, comme on disait à l’époque. Manifestement ça n’a pas suffit et le passage à la vie en France s’avèrera difficile.
Mon ami Driss Dinandier d'art à Souika
Il m’a fallu affronter l’internat et le bizutage que je ne soupçonnais même pas de mon beau Rocher, tout là-bas, de l’autre côté, sur l’autre rive. Heureusement, la journée, je fréquentais le lycée voisin qui ô joie ! avait la bonne idée d’être mixte. Imaginez un gamin de 14 ans qui sort de ce que l’on appelait lâchement les évènements. Imaginez un pré-ado qui, du jour au lendemain, non seulement côtoie les filles, mais se taille un beau succès avec ses trois autres copains algérois qui n’avaient pour seul mérite que d’avoir le goût de l’exotisme. Rien que ce succès auprès des filles suffisait à faire oublier un peu le pays. Nous en profitions sans limites ! Les cours passaient au second plan et nous rattrapions allègrement le temps perdu. Nous avons très vite joui d’une notoriété incontournable, dans ce lycée de province. Nous étions à la fois les joyeux drilles et les garçons avec qui toutes les filles voulaient sortir. Ce rôle nous allait comme un gant et nous ne nous en plaignions pas. Dès lors, tout était bon pour retrouver nos conquêtes du moment. C’est ainsi que je me retrouvais assez régulièrement collé le jeudi, de façon à retrouver ma « dulcinée ». L’année scolaire s’écoula sur ce mode pas très sérieux et c’est sans surprise que j’étais invité à redoubler ma troisième. À la différence près que je devais faire ma seconde année à Puteaux, où mes parents avaient débarqué en décembre 1962, mon père ayant obtenu sa mutation de la SNCFA (ex CFA), en catastrophe [1].

La route de la Corniche de Constantine
En effet, durant le mois d’octobre, des cousins du côté de mon père avaient été assassinés dans leur ferme, à Maelma, par une bande d’incontrôlés. Mes parents virent là un motif pour forcer l’Administration à hâter leur rapatriement. Ils firent comme beaucoup, rassemblèrent les affaires les plus importantes, les mirent dans un cadre, avant de prendre l’avion du retour définitif à l’aéroport d’Aïn El Bey, près de Constantine, devenu aéroport Mohamed Boudiaf, du nom du courageux et éphémère Président algérien, traîtreusement assassiné parce qu’il avait osé refuser de servir de prête-nom aux généraux tout puissants devenus des privilégiés, à la tête de la caste dirigeante algérienne, très loin des idéaux révolutionnaires de la guerre de libération.


C'était il ya 50 ans, j'avais 14 ans, je n'avais pas choisi, j'étais imprégné de l'Algérie Française, je réaprenais la vie et il m'a fallu rencontrer des personnes précieuses, surtout mon prof de Français (Maurice), qui ont su me faire acvancer et sculpter de vraies opinions personnelles. J'ai découvert Charonne, les Français de métropole engagés aux côtés du mouvement de libération. J'ai appris l'Histoire de la libération de l'Algérie. J'ai ressenti ce vide immense au fond des tripes de ne plus voir mon Pays. Je suis enfin retourné, me suis fais de nouveaux amis, ai retrouvé des amis d'enfance. J'ai enfin réglé le contentieux avec l'Histoire.

Le Blog
Je veux que ce qui m'est arrivé, arrive à d'autres. Je veux du plus profond de moi-même que nous ayons une Histoire partagée, dans des relations saines et enfin apaisées.

Je veux enfin que l'on reconnaisse le droit du sol aux personnes qui n'ont pas choisi de partir et que l'on a exilées sans rien leur demander. Nous sommes nombreux à nous battre sur ces questions (http://dalgerie-djezair.viabloga.com/cgi-bin/display_archive.pl?site_id=dalgerie-djezair&category_id=s_felicitations) et nous interpellons le Président de la République Algérienne. Quand serons-nous entendus et pris au sérieux. Nous souffrons encore de ce drame de la séparation, nous voulons vivre dans notre authenticité et dans la PAIX. Boutef, entends nous !


Tahia El Djazaïr !
تحية ش Djazair!


Pour prendre connaissance du texte fondateur de d'Algérie-Djezaïr, cliquez ici





[1] La Société Nationale des Chemins de Fer Algériens avait beaucoup de demandes de mutation à examiner et il fallait absorber les effectifs sur l’Hexagone.

mercredi 4 juillet 2012

Algérie, je pense à toi !

الجزائر، وأعتقد أن من أنت!

Cadeau de mon ami Abdeslem et
de mon ami Dinandier d'art Driss de Constantine
Algérie, El Djezaïr, tu vas fêter tes 50 ans d'indépendance le 5 juillet.
Algérie, je pense à toi qui m'a vu naître.
Algérie, tu me manques tellement et tu souffres.
Algérie, tu peux être heureuse.
Algérie, c'est ton cinquantième anniversaire.
Algérie, il y a 50 ans tu explosais de joie dans les rues.
Algérie, poursuis ta route.
Algérie, je t'aime !

dimanche 1 juillet 2012

Souad Massi au Kennedy-Center le 30/06/2012

Une belle émotion !
The Algerian singer, songwriter, and guitarist blends musical styles such as rock, country, and Portuguese fado, often employing acoustic guitar and multiple languages in the same song. Presented in cooperation with Embassy of Algeria, Ambassador Abdallah Baali, and US-Algeria Business Council.

samedi 30 juin 2012

Les Femmes du Bus 678 - Mohamed Diab - mai 2012

Un premier film fort et juste

Un film inspiré par des faits réels

L'affiche du film
de Mohamed Diab (Egypte)
Les Femmes du Bus 678 ne reprend que des faits réels. Tous les exemples de harcèle-ment sexuel montrés dans le film sont inspirés de témoignages d'agresseurs, recueillis par le réalisateur. Ce dernier s'est surtout inspiré de l'affaire Noha Rushdi en 2008, qui représente le premier procès pour harcè-lement sexuel en Égypte. Victime agres-sée par un inconnu dans les rues égyptiennes, cette femme a été la première à oser affronter son agresseur et porter plainte contre lui. Elle a finalement réussi à le faire condamner à trois ans de prison. Mohamed Diab aborde cette affaire dans la partie du film qui concerne le personnage de Nelly, interprété par Nahed El Sebaï : "Quand j'ai commencé le script, Noha Rushdi ne voulait plus parler aux médias ; je ne l'ai rencontrée que plus tard, elle a vu le film chez moi, elle était très émue", confie-t-il.

L'histoire 


De gauche à droite Nelly, Seba et Faïza
Trois femmes, magnifiques, issues de milieux sociaux différents, subissent la loi des hommes, sont harcelées chaque jour et ne supportent plus le machisme et l'impunité masculine. Chacune à leur manière, elles décident de se battre, de refuser les mains aux fesses, les frottements appuyés dans le bus, les viols impunis, le dictat familial.

Elles choisiront chacune leur façon de lutter, mais se trouveront réunies, solidaires.

Seba et Essam, le commissaire de police
Seba, célibataire, issue de la classe aisée égyptienne, donne des cours d'autodéfense à destination des femmes harcelées. Elle a échappé de peu au viol, lors d'un match de football.


Faïza dans le bus 678
C'est lors de l'une de ses séances d'information qu'elle fera connaissance de Faïza, la plus modeste des trois, mariée à un militaire et mère de deux enfants. Elle porte le voile et prend le bus tous les jours pour aller travailler dans une agence notariale. Elle n'en peut plus et malgré les difficultés financières, décide de prendre, un temps, le taxi pour fuir les assauts masculins.

 
Nelly est issue de la classe moyenne
Nelly est la plus virulente (dans la réalité c'est Noha Rushdi ). Elle porte plainte et entend bien aller au bout de sa démarche, malgré les pressions familiale. Elle est fiancée avec Omar qui la soutient, mais ne veut pas trahir l'honneur des deux familles. Il a du mal à se situer et tout au long du film, est interpellé par Nelly qui "ne lâche rien". Nous assistons à son long cheminement.

Troisième personnage important du film, le commissaire Essam va mener l'enquête sur les agressions à l'encontre des hommes entreprenants du bus 678. Il va jouer un rôle déterminant auprès des trois femmes.

Mohamed Diab réussit un premier film très juste et sans pathos. Il signe un film courageux qui lui a déjà valu quelques agressions. Il souligne avec force un problème récurrents que vivent les femmes égyptiennes et mets le doigt sur le poids de la culture arabe. Au travers des différents personnage, il montre bien combien les préjugés pèsent, y compris sur les plus progressistes.
 

Faïza
Le combat que mènent les femmes égyptiennes est essentiel et le réalisateur montre bien que ce sont elles, et elles seules, qui changeront leurs destins et qui entraîneront une réflexion plus globale sur la société. Le poids des "traditions" pèsent, quel que soit le milieux social, et l'on est surpris de constater que même les femmes les plus avancées vivent des contradictions très importantes. Le poids de la famille est très important et il freine considérablement les évolutions.

Ce film, antérieur au printemps arabe, est essentiel et il faut le voir absolument. Les cinéphiles y trouveront quelques maladresses. Mais là n'est pas l'important. Mohamed Diab a choisi une fin optimiste, annonciatrice de l'espoir né du printemps arabe. La place Tahir est aussi celle des femmes !

vendredi 2 septembre 2011

Le Monde : Alger est prêt à reconnaître le CNT libyen

Alger est prêt à reconnaître le CNT libyen
LEMONDE.FR avec AFP | 01.09.11 | 11h17 • Mis à jour le 01.09.11 | 14h48
Mourad Medelci, le ministre des affaires étrangères algérien,
à Sarajevo, en décembre 2010.AFP/ELVIS BARUKCIC

jeudi 1 septembre 2011

El Watan : Alger refuse l’entrée à El Gueddafi

Il voulait franchir la frontière
Alger refuse l’entrée à El Gueddafi
le 01.09.11 | 01h00
El Gueddafi, qui se trouverait à Ghadamès (Libye) en compagnie du reste de sa famille, aurait tenté de négocier avec les autorités algériennes son passage à la frontière. Le leader libyen a tenté de joindre par téléphone le président Bouteflika qui aurait refusé de prendre la communication.
Selon des sources proches de la présidence de la République, Mouammar El Gueddafi se trouverait à Ghadamès en compagnie du reste de sa famille, il aurait tenté de négocier avec les autorités algériennes son passage à la frontière et pénétrer sur le territoire national.«El Gueddafi a tenté de joindre par téléphone le président Bouteflika qui a refusé de prendre la communication. Ainsi, un conseiller du Président s’est excusé auprès du leader libyen, prétextant que le président était absent et occupé par les derniers événements survenus sur le territoire national», confie notre source à la présidence. Allusion faite au double attentat kamikaze de Cherchell. «Ce n’est pas la première fois qu’El Gueddafi et quelques-uns de ses émissaires ont tenté d’entrer en contact avec le Président pour d’éventuelles négociations, mais la position algérienne est claire et neutre et nous refusons de nous immiscer dans les affaires internes libyennes», ajoute notre source.


Concernant les conditions de l’entrée de la famille El Gueddafi en Algérie, notre source est formelle : «Pensez-vous que le CNT n’est pas au courant du passage de la famille El Gueddafi en Algérie ? Je puis vous assurer que tout cela s’est fait avec l’accord et les assurances de certains membres du Conseil de transition libyen. Aujourd’hui, nous essuyons les critiques acerbes de ce même CNT. Sans l’aide et le consentement du CNT lui-même, la famille El Gueddafi n’aurait jamais atteint les frontières.»

Concernant le sort du leader libyen, les autorités algériennes seraient inquiètes quant à la possibilité que Mouammar El Gueddafi ne s’allie avec AQMI pour sa survie, «son dernier recours». D’autant que l’Algérie vient d’annoncer l’arrivée de plus de 400 Touareg qui ont fui la rébellion libyenne.
Zouheir Aït Mouhoub

Le Figaro : «Le régime algérien fait preuve de myopie» - B. Stora

«Le régime algérien fait preuve de myopie»
Benjamin Stora, spécialiste de l'Algérie.
Crédits photo : Paul DELORT/Le Figaro

Pour Benjamin Stora*, universitaire spécialisé sur le Maghreb, les dirigeants algériens donnent l'impression de ne pas tenir compte de la nouvelle donne géopolitique.

LE FIGARO Comment expliquez-vous l'ambiguïté du pouvoir algérien à l'égard du conflit libyen?
Benjamin STORA Elle n'est pas le produit d'une doctrine clairement définie au sommet de l'État. Elle révèle plutôt des atermoiements, des peurs dissimulées sur la conduite à suivre. Il y a aussi des raisons historiques. La matrice culturelle du régime algérien a peu changé depuis l'époque Boumediene. Le fer de lance de la diplomatie algérienne, c'est encore en grande partie l'anti-impérialisme des années 1970. Cela peut paraître difficile à croire, mais les dirigeants algériens donnent l'impression de ne pas tenir compte de la nouvelle donne géopolitique, qu'il s'agisse de la chute du mur de Berlin, de la fin de la guerre froide, de l'élection de Barack Obama… Ils analysent les relations internationales à l'aune de critères révolus, ils se veulent en quelque sorte fidèles à un monde disparu et du même coup font preuve de myopie. À cela s'ajoute la personnalité du président Bouteflika, qui a été longtemps le chef de la diplomatie de Boumediene et qui, à ce titre, a très bien connu Kadhafi. Même si les deux hommes ont eu des différends importants ces derniers temps, en particulier sur les rébellions sahariennes, ils appartiennent à la même génération de combat politique. Le deuxième facteur qui explique cette ambiguïté, c'est un nationalisme exacerbé qui rejette le principe du droit d'ingérence. Enfin, un certain nombre de responsables algériens redoutent que ce printemps arabe ne fasse le jeu d'un islam radical qu'ils ont combattu tout au long des années 1990.
Mais la chute de Ben Ali, de Moubarak, de Kadhafi et bientôt peut-être de Bachar el-Assad a de quoi ébranler les dirigeants algériens…
Il est clair que le pouvoir est divisé sur la conduite à adopter. Le courant conservateur tient la corde, mais il ne représente pas forcément l'armée. Il y a des islamo-conservateurs ou de vieux nationalistes arabes qui sont toujours au pouvoir, qui s'accrochent au passé et qui ne comprennent pas les aspirations aux changements de la jeunesse arabe, en particulier de la jeunesse berbère, nombreuse, éduquée et à l'affût des bruits du monde.
L'Algérie peut-elle échapper au printemps arabe?
Pour la plupart des Algériens, les réformes promises régulièrement par le gouvernement relèvent de l'effet d'annonce. Face à l'immobilisme du régime, il y a une aspiration très forte au changement. Mais le rythme de ce changement ne sera pas le même. Les Algériens ont déjà beaucoup donné dans le passé. La guerre d'indépendance, le printemps berbère, l'instauration du multipartisme en 1988… Le traumatisme de la guerre civile des années 1990 pèse toujours sur la société algérienne. Les Algériens savent aussi par expérience que la chute d'un chef d'État n'entraîne pas forcément la chute de l'appareil qui le soutient. C'est encore plus vrai en Algérie, où le pouvoir est beaucoup plus opaque, complexe et sophistiqué qu'ailleurs à cause notamment de la manne pétrolière, des groupes d'intérêts qui en vivent et du clientélisme qu'elle génère. Et puis l'Algérie est un grand pays, cinq fois la France, 36 millions d'habitants contre moins de 8 millions en Libye. Un espace immense et une population hétérogène qui se compose de Sahariens, de Mozabites, de Kabyles, d'Algérois, d'Oranais qui ne marchent pas forcément du même pas. En outre, l'Algérie est un pays très riche et le pouvoir dispose de ressources financières considérables de nature à empêcher qu'un mouvement de revendications sociales ne se transforme en contestation politique. Malgré cela, les Algériens sont de plus en plus choqués par la répression en Syrie, suivent avec intérêt le processus de démocratisation en Tunisie, et craignent également un possible isolement de leur pays sur la scène internationale. Comment, dans ces conditions, ne pas croire à un changement démocratique en Algérie?
*Auteur de Le 89 arabe, réflexions sur les révolutions en cours, aux Éditions Stock