C' | Ma maison natale : rue Sassy
| est l'histoire d'un petit
gars du Rocher qui a bien grandi. Certains s'y reconnaîtront, d'autres
comprendront peut-être mieux ce
qui s'est réellement passé, ce qui se passe
de l'autre côté de la méditerranée.
En 1962, personne ne
m'a demandé mon avis, comme pour beaucoup d'autres adolescents il n'y
avait rien à comprendre, rien à demander. C'était dans
l'air du temps, tout le monde, ou presque, ne pensait qu'à une chose
: partir ! Pourquoi ? Essentiellement, parce que la déception était
énorme, la peur de l'après indépendance était la
plus forte et, ce qu'on appelait les Pieds Noirs étaient persuadés
qu'ils ne pourraient désormais plus vivre avec la communauté arabe.
Et pourtant... Aujourd'hui, avec le recul, une meilleure connaissance des faits,
à l'abri de l'intox, on réalise combien cet exode était
infondé. Et pourtant... je me souviens, lorsque mes frères arabes
étaient dans la rue en liesse pour fêter leur indépendance,
je me souviens que nous étions enfermés chez nous, stupidement
inquiets, plus décidés que jamais à partir…
Qu'aurais-je fait si j'avais été
en âge de décider ? Ça je ne le saurai jamais ! Il me faut vivre avec cette interrogation
et le sentiment d'avoir été privé de mon Pays, de ma terre natale, de ma ville,
de cette belle Cirta, de Ksentina fièrement perchée sur son rocher, avec son Rhumel
qui la transperce et ses multiples ponts qui sont un des charmes de cette ville
dont on parle trop peu.
J'entreprends ce journal, en janvier
2004, après avoir retrouvé un ami d'enfance perdu de vue depuis 50 ans. 50 ans
si proche et si loin… En effet, comme nos chemins se ressemblent ! Comme nos racines
nous manquent ! Comme nos goûts se ressemblent ! Quelle surprise pour nos épouses
de constater combien nous partageons nos enthousiasmes, nos idéaux, comment nous
magnifions nos souvenirs !
Je décide de coucher sur le papier
cette quête si précieuse, ce témoignage d'un déraciné, d'un immigré français-algérien
parmi mes frères arabes-algériens, alors que 20 ans se sont écoulés depuis mon
premier retour en Août 1984.
Je me livre à ce travail de mémoire,
alors que je suis en train d'aboutir sur un vieux projet de festival de musiques
maghrébines et par ce biais, un acte concret pour aider mon pays, pour faire partager
une culture si riche et si généreuse, pour faciliter l'accès à la musique, aux
musiques si précieuses pour nos vies.
Il n'y a pas de hasard. Sans doute
fallait-il attendre la maturité pour passer à l'acte et profiter d'un second retour
qui revêt un vrai travail de quête pour faire le bilan, retrouver des émotions,
des moments, des êtres !
Cette écriture est d'abord destinée
à mes enfants, petits enfants, afin qu'ils n'oublient jamais qu'ils ont quelque
chose de « là-bas » quelque part. C'est aussi un hommage à mes parents, qui eux
ne sont pas retournés au Pays, mais qui en ont rêvé secrètement. Quelles seront
les retombées ? Ma vie sera-t-elle changée à mon retour de Ma belle Cirta ? Qui
peut le dire aujourd'hui ? Il me faut attendre le mois de Juin qui verra mon retour,
après un mois de bain constantinois pour le savoir. Je suis déjà impatient et
je sais déjà que j'y retournerai encore et encore, parce que décidément être constantinois,
c'est pour la vie.
Jean-Michel Pascal
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