jeudi 18 avril 2019

Le Soir d'Algérie donne la parole aux jeunes...

https://www.lesoirdalgerie.com/
Publié par Sarah Raymouche
le 13.04.2019, 11h00


Ce que vit l’Algérie ces dernières semaines est bien la preuve que la société est encore vivante. Cette jeunesse, pleine d’espoir, a décidé de se réapproprier le pays, y vivre dignement, sans devoir émigrer.
Dans ce numéro, nous avons donné la parole aux jeunes qui refusent aujourd'hui d’être catalogués comme de potentiels harragas*.

Nassim, architecte, 27 ans : « Pour vivre heureux dans son pays »


« C’est vrai que je n’ai pas l’expérience de mes aînés, mais c’est mieux ainsi. Au moins, j’ai encore la naïveté d’y croire et de vouloir que le changement puisse nous apporter du bien. Et je dis haut et fort que je veux vivre, ici, dans mon pays, heureux, sans devoir traverser la Méditerranée et être sous-payé et exploité. Et, pour moi, vivre heureux dans son pays, c'est d'abord vivre heureux dans son quartier, dans sa collectivité, dans sa ville. Et je me pose cette question où je propose plutôt que nous, la jeunesse, force vive de ce pays, on s’implique davantage dans la politique locale. Oui, parce que tout vient de là et c’est la base pour un réel changement vers le meilleur. Et j’en suis sûr, nous y arriverons. Il faudrait juste s’impliquer dans cela, ne pas baisser les bras et continuer à aller de l’avant ! »


Bilel, jeune licencié, chômeur : « Faire son autocritique pour avancer »

Il s'appelle Bilel H., a 30 ans et  a grandi dans un quartier populaire. Il en garde le sens de la fierté et de la dignité à toute épreuve. Passionné de cinéma, il passe son quotidien à observer sa société et à écouter les autres.
Humblement et modestement, avec ses propres mots, il explique que le changement ne pourra venir que s’il y a une étape d’autocritique. « Il faut qu’il y ait la culture de communication entre Algériens, comprendre et écouter l’autre dans toutes les sphères de notre environnement. Sinon, cela ne servirait à rien. Il faut aussi qu’il y ait du respect entre nous, que ce soit le voisin, le camarade, le guichetier. Nous sommes tous dans la même boucle et ce qui me touche, touche autrui. Je voudrais que la jeunesse algérienne réalise ce qu’ont enduré nos parents par manque de culture et, surtout, par ignorance, pour que nous ne fassions pas les mêmes erreurs. Pour cela, il faudrait qu’il y ait de la bonté et de la bonne volonté au quotidien.
»

Riadh, jeune pharmacien : «Je rêve d’une deuxième république !»

Ce témoignage résume, à lui seul, plusieurs autres. Riad est un jeune homme plein d’enthousiasme et de vie  qui résume, à lui seul,  tous les espoirs de la jeunesse algérienne, les porteurs de la Révolution du sourire. 

« Je rêve d'une deuxième république transgénérationnelle, à épithélium jeune et à noyau unique. 
Je rêve d'une deuxième république sans crise d'égos ni susceptibilités dans sa classe dirigeante et politique.
Je rêve d'une deuxième république sans corruption, toutes tailles confondues : ni small, ni medium, ni large, ni extra- large ; c'est un pays, pas un tacos !
Je rêve d'une deuxième république
sans paternalisme, sans langue de bois, sans hogra*, sans harga*.
Je rêve d'une deuxième république sans népotisme.
Je rêve d'une deuxième république sans donneurs de leçons, sans garde-fous garants qui pensent avoir le monopole de l'algérianité, bladna ga3 ou ga3 nsalou fiha* !
Je rêve d'une deuxième république où on n'est pas contraints de se censurer.
Je rêve d'une deuxième république sans mépris, sans twesswiss*, sans procès d'intentions.
Je rêve d'une deuxième république où chacun fait son taff.
Je rêve d'une deuxième république où on n'a pas l'impression que rahom ydirou fina mziya*. Ils sont payés pour.
Je rêve d'une deuxième république où on n'entend pas des phrases du style ‘‘ le gouvernement a consenti des efforts... ’’,

jabli rebbi* ce n'est pas du bénévolat, ni une maraude des restos du cœur, ils ne sont pas en train de distribuer les budgets men jioubhoum*.
Je rêve d'une deuxième république où les responsables n'engueulent pas publiquement les citoyens et les subordonnés.
Je rêve d'une deuxième république qui lutte contre les lenteurs administratives, contre la médiocrité, contre la caducité des procédures. Je rêve d'une deuxième république qui ne consacre pas un budget annuel de 224 milliards de dinars au ministère des Moudjahidine, contre seulement 35 milliards de dinars au ministère de la Jeunesse... pourtant population majoritaire et bien vivante.
Je rêve d'une deuxième république où on ne glorifie pas les personnes, mais où l'on soutient les idées. Je rêve d'une république où les directeurs n'attendent pas ‘‘ des directives d'en haut ’’.
Je rêve d'une république où les responsables peuvent réellement prendre des décisions, qui ne se braquent pas aux discussions et qui ne sautent pas de leurs sièges pour avoir fait leur boulot.
Je rêve d'une deuxième république où chaque décideur prendra conscience que chaque réalisation fait partie de ses prérogatives, de ses objectifs et de son taff, kheddemtou* !
Je rêve d'une deuxième république où on ira à l'hôtel pour dormir, où on ira à la mosquée pour prier, où on ira au bar pour échanger, où on ira au restaurant pour se restaurer, où on ira au cinéma pour regarder un film, où on ira à la plage pour nager, où on ira au parc pour respirer, où on ira à la bibliothèque pour étudier et où koul wa7ed yetehred be7yatou* !

Je rêve d'une deuxième république
où on peut sortir son appareil photo dans la rue sans se faire interroger par la police, où il n’ y aura pas de barrage tous les 2 mètres.
Je rêve d'une deuxième république
où les réseaux de transport couvrent toute les villes et où les personnes en situation de handicap ma yetmermedouch*.
Je rêve d'un pays où on n'est pas contraints de refaire les pneus de sa voiture tous les 6 mois parce que eddeniya ga3 7fari*.
Je rêve d'une deuxième république où l'on prend conscience de la valeur du temps, où l'on bannit le " welli ghedwa "*, où l'on bannit la bureaucratie pour basculer à l'ère du numérique !
Je rêve d'une Algérie démocratique et populaire qui prend en compte toutes les composantes de son identité et qui accepte notre multiculturalité, qui ne s'efforce pas à mettre tout le monde dans un moule et où chacun d'entre nous, malgré ses différences, pourra se sentir chez lui, sans jamais se sentir forcé d'aller ailleurs.
Je rêve d'une deuxième république à notre image. Au final, rana ga3 ray7ine net9ibsou*, autant faire ce petit bout de chemin ensemble avec un minimum de ra7et el bal*.
Je rêve d'une deuxième république. »
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Glossaire (grâce à mon ami Samir
de Constantine que je remercie)

    - harga : émigration clandestine par divers moyens.

    - harragas : littéralement "brûleurs de routes", émigrés clandestins


    - sans hogra : sans mépris 

     
    - bladna ga3 ou ga3 nsalou fiha : c'est notre pays et nous avons
     
    - sans twesswiss : sans stress 
     
    - rahom ydirou fina mziya : ils s'imaginent nous rendre service. 

    - jabli rebbi : je crois bien 
     
    - men jioubhoum : de leurs poches 
     
    - kheddemtou : son boulot
     
    - koul wa7ed yetehred be7yatou : chacun s'occupe de sa vie
     
    - ma yetmermedouch : ne souffrent pas (n'ont pas de difficultés) 
     
    - eddeniya ga3 7fari : tout est cabossé 
     
    - welli ghedwa : revenez demain 
     
    - rana ga3 ra7ine net9ibsou : nous allons tous mourir un jour 

    - ra7et el bal : l'esprit en paix 
     

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