FFA 2023 LA VIE DE MA MÈRE
En
compétition
Moteur demandé FFA 2023 Entretien avec Julien Carpentier (Réalisateur)Genre
: Comédie dramatique Date de sortie : 6 mars 2024 |
Une œuvre délicate, tendre, juste et hommage aux amours douloureuses...
On peut dire que c'est un film vérité, même si tout n'est pas montré. En tous cas, moi qui suis aussi concerné (sauf qu'il ne s'agit pas de ma mère mais de mon épouse), je l'affirme, tellement sa vérité saute au visage du spectateur. Tout est exact, fidèle à la réalité, y compris les passages romancés qui ne diminuent en rien le témoignage que nous livre Julien Carpentier avec une infinie tendresse et une délicatesse immense.
Julien (William Lebghil, à l'écran) est ce que l'on appelle un aidant, comme il en existe tant en France, et pas seulement dans le domaine psychiatrique. Il a su nous épargner les tours de clé, lorsque la porte se referme à l'HP et il a eu la pudeur d'éviter les scènes qu'il a sans doute vécues lorsqu'il a fallu hospitaliser sa maman et celles de l'isolement systématique lorsque le patient rentre en HP et je ne parle pas des contentions qui sont plus fréquentes qu'on ne veut bien nous le dire...
Il a évité avec intelligence et talent l'écueil du documentaire qui, lui, aurait été insoutenable pour les personnes qui n'ont pas traversé ça. Cette façon de romancer son récit, à la fois ne trahit pas la réalité, mais permet au spectateur de réaliser combien la bipolarité est une maladie très particulière, déroutante pour le commun des mortels qui marque à vie les protagonistes. Merci à Julien d'avoir pris tout ce temps pour mûrir ce projet qui est une réussite totale sur tous les plans.
Sachez que c'est seulement grâce à son talent et sans nul doute à l'amour qu'il porte à sa maman qu'il a pu se lancer dans cette course poursuite avec la maladie, au risque de s'épuiser (rappelez-vous sa remarque adressée à sa maman, à un moment clé du film : « Ça fait du bien de dormir ! »). Dans mon expérience personnelle, il m'a fallu, avec l'aide des psychiatres, renoncer à ce genre d'obstination pour protéger mon intégrité.
Enfin, je veux remercier le public qui a fait le choix de décerner ce prix à cette œuvre remarquable. En effet, cette maladie est mal connue parce qu'elle ne se voit pas forcément (sauf aux changements de cycles : up et down, comme on l'exprime en psy) et que l'on ne comprend pas forcément. Mais aussi cette maladie, lorsque l'on a quelques clés fait peur et on a tendance à en repousser l'image, lorsqu'on est extérieur. C'est inattendu pour moi et bien sûr quelle satisfaction de voir une telle évolution !
Bien que bouleversé, les yeux humides (pour ne pas dire plus), tout au long de la projection, j'ai beaucoup pensé à mon fils qui a toujours autant de mal à accepter la maladie de sa maman, alors qu'il a passé la quarantaine. J'espère qu'il aura l'audace et la force d'aller voir ce film, à sa sortie en salles. Je suis persuadé que ça l'aidera, car La Vie de ma Mère a vraiment, entre toutes ses qualités, celle d'être un excellent outil thérapeutique ! Malgré la dureté de ce que je vis, je suis sorti de ce moment d'amour suspendu, renforcé, malgré toutes les remontées qu'il a suscitées en moi. Encore merci Julien Carpentier (vous avez le même prénom que mon fils...) : vous êtes une très belle personne !
Un dernier mot pour Marie-France Brière et Dominique Besnehard, sans qui tout ça n'aurait sans doute pas connu le même destin : ne changez rien, vous apportez beaucoup au cinéma et plus largement à la Culture et à son accessibilité !
Rendez-vous pour la 17ème édition qui sera à nouveau un grand moment.