vendredi 28 novembre 2008

Visa pour la haine : Nassira Belloula - Éditions Alpha - 2008


C'est l'histoire de Noune, jeune Algérienne de Bab El Oued, qui va être happée par la violence, victime d'évènements qu'elle ne domine pas. Avec elle nous retrouvons la décennie noire qui a tant fait de mal à l'Algérie et nous parcourons le monde de l'l'Afghanistan, à l'Iran en passant par la Syrie, l'Irak, le Pakistan pour finir à New York où la vie de Noune s'écroule complètement.

Nous assistons aussi, de 1994 à 2004, à la destruction d'une famille entière, victime de la violence, du terrorisme, de l'extrémisme et de l'embrigadement. Une famille modeste comme il y en a tant et que rien ne prédestinait à cette descente aux enfers. Elle va être broyée par un intégrisme implacable qui se saisit de la misère humaine et de la grande détresse des petites gens pour recruter ses martyrs qui, finalement, ne choisissent pas de l'être.

Noune était une étudiante comme tant d'autres qui avait ses rêves pour se défendre du malheur social et s'échapper de l'enfermement de son pays. Les livres, puis les images du monde véhiculées par la parabole lui seront retirés. Elle sera dès lors confrontée à une extrême violence, qu'elle n'a pas choisie, par le biais de ses frères qui seront tous fanatisés par l'extrémisme et par le mari de sa sœur Souha, "émir" féroce qui, après la mort de celle-ci, entraînera Noune qui a promis à sa sœur de veiller sur son fils Hanouni, dans ses aventures terroristes à travers le monde. Ainsi elle connaîtra le pire de la violence et sera confrontée au malheur, au désastre, à la détresse, au désespoir et à la mort omniprésente. C'est comme cela qu'elle va être récupérée par l'Organisation et qu'elle fera l'impensable.

Nassira Belloula, à travers cette fiction nous oblige à voir comment cette violence peut ronger un être humain. Elle pose un regard très cru sur une réalité que nous sommes tentés d'ignorer. La force de son roman est là, dans ce cercle infernal qui conduit tout droit au néant. Elle nous met en garde contre finalement la banalité de la haine et l'endoctrinement qui en résulte. Elle nous rappelle ainsi que n'importe qui peut en être victime.

mercredi 26 novembre 2008

Djemina : Nassira Belloula - Média-Plus - 2008


Je peux parler de ce livre parce que son auteure me l'a fait parvenir. Qu'elle en soit ici remerciée car sans cela je ne pouvais pas l'acheter en France.

Cette remarque est d'importance pour l'ensemble de la littérature algérienne. Si on trouve Maïssa Bey, Yasmina Khadra et Assia Djebbar, par exemple, c'est parce qu'ils ont une notoriété et sont édités par des maisons françaises. Les jeunes auteurs algériens sont plus nombreux qu'on le pense et de talent. Il serait grand temps de leur faire justice. À ma connaissance, un seul titre de Nassira est disponible en France : Algérie, le massacre des Innocents (2000), aux éditions Fayard. Un seul titre sur une liste d'ouvrages déjà conséquente :

- Les portes du soleil (Poésie) - Enal, 1988

- Algérie, le massacre des innocents (Recueil) - Fayard ISBN : 2213605432, 2000

- Rebelle en toute demeure (Récit) - Éditions Chihab, Alger, 2003

- La revanche de May (Roman) - Éditions ENAG, Alger, 2003

- Conversations à Alger (Entrevues) - Éditions Chihab, Alger, 2005

- Femmes dites (Nouvelles) - Éditions Apic, Alger, 2006

- Les belles algériennes. Confidences d'écrivaines (Récits) - Éditions Media Plus, Constantine, 2006

- Djemina (Roman) - Éditions Media Plus, Constantine ISBN : 9961-922-02-6, 2006

- Visa pour la haine (Roman) - Éditions Alpha, Alger, 2008

Nassira, j'en ai parlé dans l'article Algérie-News s'en prend à Nassira Belloula, sur ce blog. C'est aussi une journaliste qui s'engage et qui prend des risques. C'est une journaliste de convictions et une auteure qui écrit aussi bien des essais que de la poésie et des romans.

Désormais, Nassira prend place aux côtés de Maïssa Bey et Assia Djebar, en ce qui concerne la défense des femmes de son pays.

Djemina c'est 22 chroniques à travers les âges, sur des destins de femmes réelles ou imaginaires. C'est aussi une ville des Aurès d'où est native Nassira Belloula. Les contes et légendes sont le terreau de ces récits qui parlent de l'histoire de l'Algérie à travers des femmes comme la vierge de Tifelfel (an 115), Sophonisbe (203 avant J-C), Dehia (an 860), Lallia (1546), Zerda (1849), Hadda (1998), Djrouta (1970), Zerfa (1980), La marquée (1970), La fille à marier (1967), La fille de la montagne Jalis (1998), l'Aïeule (2003), La femme miracle (1955), Zara (1995), La femme martyre (1997), Melha (1973), La belle des beaux quartiers d'Alger (1980). Des femmes courageuses, passionnées, martyres, violentées, rebelles, admirables.

Il faut les découvrir, au travers de ces récits parfois très courts, tous très bien écrits avec beaucoup de poésie, en même temps que plein de réalisme. Il faut aller à la rencontre de cette Algérie là, si nous voulons la comprendre mieux encore.

Djemina est le premier livre de Nassira que j'ai pu lire. Je vais de ce pas continuer de la découvrir avec "Visa pour la haine" des éditions Alpha dont je parlerai dans une prochaine chronique.