vendredi 5 mars 2010
Tahar Ben Jelloun : Au Pays - Gallimard - 2009
dimanche 21 février 2010
Leïla Sebbar : La Seine était rouge Paris octobre 1961 - Babel - 2009
... J'enverrai de l'argent à ma mère, si elle est pas morte. Mes frères, mes sœurs, qu'ils se démerdent, comme moi.
Ils sont venus plusieurs fois 'les calots bleus', les harkis de Papon, on les appelle comme ça, je sais pas pourquoi. Je fais pas de politique. Les autres aussi, les FLN, ils m'appellent 'Frère' pour moi, c'est pas des frères. Je dis rien. 'Pas d'alcool, pas de tabac. interdit de jouer aux cartes, interdit de jouer aux courses. Si tu désobéis, tu sais ce qui t'attend.' L'un d'eux a passé son index sur sa gorge en levant la tête, de gauche à droite. J'ai compris. Ils ont dit aussi : 'Ordre de la Direction, fermeture des commerces le 17 octobre 1961. J'ai pas de rideau de fer. J'ai fermé la porte en planches, à clé."
C'est dans ce style direct, dépouillé que Leïla Sebbar raconte. C'est très efficace et le lecteur assiste au fil des pages et des rencontres avec Omer ou Louis à la révélation de la vérité tant recherchée par Amel. Vérité affreuse illustrée par des témoignages :
"Extérieur nuit
C'était le 17 octobre 1961. Il pleuvait.
J'ai pensé que j'allais mourir, je buvais l'eau de la Seine, j'étais lourd, très lourd. J'ai fait la prière. Je l'avais oubliée, avec le travail on a plus le temps, on va au café, on boit un peu, les tournées, ça fait boire. J'ai pas trop bu, mais j'ai bu et c'est défendu chez nous, les musulmans. J'ai bu et la prière... Ce soir-là, la pluie, les coups, l'eau froide, elle sentais mauvais la Seine... La prière est revenue. J'ai prié, prié... et j'ai été sauvé. Sinon, je me noyais, comme d'autres. on a retrouvé des corps charriés par la Seine. Sûrement la Seine était rouge ce jour-là, de nuit on voyait pas. On a repêché des algériens, ils avaient les mains liées dans le dos et les pieds attachés...
... La Seine les a rejetés. Même la Seine, elle en voulait pas des Algériens. Combien ? On saura peu-être un jour. Et ceux qu'on a retrouvés, pendus dans les bois, près de Paris..."
C'est finalement Louis qui recueillera le témoignage de cette nuit de démence de la part de Noria, la mère d'Amel. C'est comme si c'était un secret de famille que l'on ne peut pas dire à sa fille, mais que l'on finit par confier à l'Autre, comme si on se soulageait.
C'est un véritable hommage à ces martyrs Algériens que rend Leïla Sebbar à tous ces manifestants, ces immigrés opprimés par la France coloniale. Une leçon d'histoire pour les plus jeunes, pour tous ceux qui n'ont pas connu cette guerre et qui n'en ont guère entendu parler à l'école.
Un livre qu'il faut lire absolument !
jeudi 14 janvier 2010
Une belle aventure aux Grammy Awards de Los Angeles (31/01/2010)
C'est une belle histoire qui commence en 2007, lorsque Larry Skoller programme ses artistes pour la première édition du festival Aulnay All Blues. Puis il propose à Mohamed Beldjoudi un projet qui lui tient à cœur : éditer une histoire du Chicago Blues. La ville d'Aulnay-Sous-Bois est partante et co-produit avec Raisin’Music, maison de production dirigée par Larry Skoller et basée à Cognac le double CD. Le conte de fée peut exister : en avril 2009 un double CD "Chicago Blues: A LIVING HISTORY" est dans les bacs aux USA et en France. 40 000 € sont investis pour la plus grande joie des fans de Blues. Depuis, 7000 disques ont été vendus, dont plus de 2000 aux Etats-Unis.
Chicago Blues : A LIVING HISTORY (CLBH) est unani-mement salué par la critique musicale, des musiciens et historiens de la musique dans le monde entier comme l'hommage le plus important de notre temps pour les Blues de Chicago.
CBLH réunit deux générations de musiciens vivants, parmi les plus grands, de Chicago. Dans une collaboration sans précédent du Chicago Blues, le légendaire Billy Boy Arnold, John Primer, Billy Branch et Lurrie Bell - héritiers de la tradition du Chicago Blues - se sont réunis pour célébrer et rendre hommage à l'évolution du genre depuis ses tout premiers jours à travers le présent.
Le groupe s'est uni pour témoigner de l'histoire du genre dans sa forme la plus puissante de ces artistes extraordinaires qui sont le pont entre les auteurs du genre et le Chicago Blues d'aujourd'hui - à travers eux le Chicago Blues reste une tradition vivante.
Aulnay-sous-Bois aux Grammy Awards
envoyé par Europe1fr. - L'actualité du moment en vidéo.
France3 IDF - Aulnay sélectionnée aux Grammy Awards
envoyé par suaudeau1. - L'info video en direct.
Les prix et nominations
Nomination aux Grammy :
Best Traditional Blues Album 2009
Meilleur Album 2009
Meilleur Album Traditionnel 2009
Lauréat du Meilleur Album traditionnel 2009
L'Académie du Jazz de France :
Lauréat du Meilleur Album Blues 2009
Je suis très heureux de cette nomination aux Grammy awards. Larry le mérite bien ainsi que tous les musiciens embarqués dans cette magnifique aventure. Bravo également à Aulnay-sous-bois pour son courage et sa prise de risques.
Je tiens à saluer chaleureusement et particulièrement Billy Flinn, Kenny "Beedy-eyes" Smith (Mister Mac Do !), Felton Crews, Matthew Skoller et Lurie Bell que j'ai eu la chance de cotoyer.
Ce band est extraordinaire. Le double CD est fabuleux. J'ai hâte de les voir en live lors de leur prochaine tournée en France !
Blues is Beautifull...
lundi 26 octobre 2009
Nouveau site pour Souad Massi
Devant l'indigence d'Universal pour la maintenance du site officiel, j'ai proposé à Souad de créer un site qui pourrait servir de référence. Elle a accepté et c'est donc ainsi que j'en suis venu à construire le site :
http://s.massi.free.fr/
Merci de le consulter et surtout, si vous avez des infos, des compte-rendus de concerts envoyez-les moi à : yahia.jmp@free.fr
Yahia
dimanche 14 juin 2009
Valence - La Fabrique : Bleu Blanc Vert - 22 mai 2009 - Compagnie « El Ajouad »
Au travers du cheminement de Lilas et Ali, c'est 30 ans de l'histoire algérienne qui sont balayés (1962-1992). 30 ans d'espoirs, d'épreuves, de déceptions, de souffrances. Une saga magnifiquement écrite par Maïssa Bey et magistralement adaptée par Christophe Martin, superbement mise en scène par Kheireddine Lardjam, astucieusement scénographiée par Émily Cauwet et sompteusement interprétée par la splendide Malika Bel Bey, Larbi Bastam et Samir El Hakim.
Pour mémoire, rappel de l'argument du Roman et donc de la pièce : "1962. Lilas et Ali apprennent brusquement qu'il est interdit d'utiliser le crayon rouge : le papier reste blanc, l'encre reste bleue, mais les corrections se feront dorénavant en vert.Il n'est pas question de maintenir le bleu blanc rouge, couleurs haïes de la colonisation. Nos deux héros, au moment de l’indépendance, un garçon et une fille, rentrent ensemble de l'école ; ils habitent le même immeuble. Ils se précipitent chez eux pour raconter ce premier symbole de l'indépendance : ils sont fiers, et se sentent les pionniers d'un acte fondateur. À partir de cet acte fondateur, les deux héros de “Bleu blanc vert”, roman ironique et amer de Maïssa Bey, racontent trente ans d'Algérie indépendante, de 1962 à 1992 où tout bascule avec la victoire du Front Islamique du Salut aux élections. " (http://www.comediedevalence.com/)
Sans aucun doute, comme le dit Maïssa Bey, cette pièce est " une création à part entière ". Dans le même temps, la pièce est d'une fidélité absolue au roman. À tel point que l'on a l'impression d'avoir sous nos yeux et dans les oreilles la totalité du roman. Pourtant le spectacle est exlusivement constitué des monologues, des dialogues des deux protagonistes, avec un plus non négligeable : les chants de Larbi Bastam qu'il interprète de sa voix puissante et profonde. Ces illustrations musicales ponctuent le spectacle et lui donnent une couleur particulière. Nos deux amoureux sont toujours sur scène simultanément, ils sont inséparables comme ils le sont dans l'histoire, malgré tous les aléas de la vie qu'ils rencontrent dans une Algérie bouleversée.
La pièce souligne très efficacement le poids de la tradition, les dysfonctionnements de la société, sous l’angle du quotidien. Avec beaucoup d'humour, d'ironie et d'amertume, elle expose les rêves du peuple algérien, jusqu’au moment ou il est totalement broyé par une guerre civile dévastatrice qui va durablement et durement marquer les Algériens dans leur chair et dans leur tête.
La mise en scène sensible de Kheireddine Lardjam est au millimètre : il n'y a rien de trop ! La scénographie très sobre et si symbolique d'Émily Cauwet est efficace et permet de bien circuler dans l'histoire de Lilas et Ali, mais aussi dans l'Histoire de la toute jeune Algérie.
Nous finirons par les acteurs, sans qui évidemment rien ne serait possible. Au risque de me répéter Malika Bel Bey est éblouissante, elle est vraie et sans doute que ses larmes ne sont pas loin, en dehors des besoins du jeu d'acteur. Larbi Bastam lui donne une réplique du même niveau et crédibilise parfaitement les intentions des auteurs (roman et pièce).Quant à Samir El Hakim, il se livre à un exercice extrêmement difficile en chantant à capella, souvent après de longue stations debout, immobile sur la scène. Sa voix traverse la salle et ajoute incontestablement à l'émotion.
Nous étions 4 amis à nous rendre ensemble à cette représentation. Je me sens autorisé à dire que nous étions tous les quatre bouleversés. 3 d'entre nous n'avaient pas encore lu le roman. Ils se sont promis de le faire le plus rapidement possible. Ne passez pas à côté de ce que je considère comme un authentique évènement. Consultez la vidéo ci-dessous qui vous donne les dates de la tournée en France. Cette pièce va également tourner en Algérie. Je sais qu'elle sera jouée à Constantine vers le mois de janvier 2010 (confidence du metteur en scène). Dès que je trouve les dates algériennes, je les mets en ligne sur le blog.
jeudi 28 mai 2009
Alger : Panaf 2009
mardi 26 mai 2009
Festival Arabesques de Montpellier (23 mai 2009) : Souad Massi
Finalement, Souad me donne deux pass, afin que nous soyons libres sur le site. Nous discutons comme si nous allions rattraper ces deux années sans que l'on puisse se voir. Le lien est toujours aussi fort ainsi qu'avec Abdel, son mari et manager et bien sûr Jeff, Rabah et David le batteur à la jolie casquette. Le bassiste est nouveau et très sympa. Malheureusement Hamid ne sera pas là pour cause de budget. On fera donc sans le oud.
À la fin du spectacle je rejoignis Kaïna TV
J'ai raconté ma rencontre avec Souad, un matin au volant de ma voiture... C'était sur France Inter, en 1999, et je me suis dit instantanément : " Ce sera une grande dame de la chanson " C'est ce qui s'est passé puisque Souad a eu très vite le prix Charles Cros et récemment la Victoire de la musique du Monde (2008). Puis Souad est venu à l'Avant-Scène de Cognac, en première partie de Charlebois. C'est là que nous avons parlé la première fois. Elle était transie de trac, seule sur scène avec sa guitare et le désormais célèbre " Raoui ". Sa voix était et reste sublime. L'année d'après, elle est veue pour son spectacle. Je venais faire des photos pour le théâtre pendant la balance et, à peine rentré dans la salle, elle m'interpelle :" Jean-Michel ! " Elle arrête tout, descend de scène et vient m'embrasser... Voilà notre histoire d'amour artistique et humaine, sous le contrôle d'Abdel a Khouya ! Depuis chaque fois que je le peux, je vais la voir et chaque fois c'est un enchantement !
Kateb rentre sur scène et déjà les drapeaux kabyles et amazigh font leur apparition. à peine assis sagement sur un gradin du magnifique amphithéâtre d'O que les jambes me démangent et je vais me frayer un passage parmi les danseurs et surtout les magnifiques danseuses au pied de la scène. C'est très vite du délire et Kateb assure grave : " Le pouvoir au femmes algériennes Inch'Allah. Y'en a marre des généraux avec les moustaches en plastique ! " Tonnerre d'applaudissements, youyous magnifiques, les poils se dressent sur tout mon corps, j'ai les larmes aux yeux.
Mon pass me permet toute liberté et c'est bien agréable. Muni de mon appareil photo, je passe du backstage à la fosse et je ne me prive pas de mitrailler tout ce qui bouge.
Les techniciens ont quelques problèmes de son et sont plongés dans leurs faisceaux invraissemblables de fils.
Finalement, Manu le régisseur de Souad fait signe que tout est ok. Les guitares sont accordées. C'est le temps du concert ! Me voilà donc posté pile poil face au micro, au ras de la scène, comme d'hab'. Un clin d'œil lorsque Souad me repère, elle sourit et parle avec les fans au pied de la scène et le concert démarre comme un bolide, dans une ambiance de feu. Pas de round d'observation. Jeff fait toujours merveille à la guitare. Les gens sont déchaînés et dansent d'emblée.
" Ghir Enta " et " Ech Dani " relancent le public dans des danses endiablées. Tout le monde chante en arabe. Souad elle-même en est impressionnée puisqu'il y a beaucoup de Français qui se livrent à l'exercice. A un moment, j'avais la stéréo : ma voisine kabyle, de sa belle voix faisait les chœurs et je l'ai encouragée à continuer.
Comme d'habitude, la scène se vide et Souad reste seule avec sa guitare : c'est le moment sacré de " Raoui ". Les bruits se calment, l'exitation baisse d'un cran et aux premières notes de l'arpège, c'est le silence et le recueillement. La voix cristalline de Souad nous envoûte. C'est le grand frisson et les larmes qui montent aux yeux. Le public reprend " Hadjitek, Madjitek ", sans que la magnifique Souad fasse quoi que ce soit. Et ça peut durer longtemps, toute la nuit tellement c'est beau. Les musiciens trempés de sueur viennent saluer. Souad serre des mains à volonté. Tout le monde en veut encore. Ils reviendront sur scène trois fois sous les bis du public conquis et finalement je vais les rejoindre en compagnie de mon amie Maryline, qui n'en revient pas de m'avoir vu si actif pendant le concert, backstage. On tombe dans les bras l'un de l'autre avec Souad et elle discute un moment avec Kateb qui vient la féliciter. Puis c'est au tour de Monsieur le Consul de bavarder avec Souad.
tous, d'ici un mois Un nouveau site sera en ligne. Les amis du Groupe Yahoo! en seront prévenu et les autres seront alertés sur ce blog.
lundi 25 mai 2009
Les années algériennes : Le retour de Madame Stora à Constantine (1990)
dimanche 17 mai 2009
Je tipase
Tipasa solitaire se veut gardienne de la mémoire. Vigile aux aguets, elle épie les moindres mouvements des fantômes qui errent.
© Aziz Fares - mai 2009
samedi 2 mai 2009
Reggane : la population sous la menace de la radioactivité
Pourtant, l’équipe de l’AIEA, qui avait inspecté en 1999 les champs de tirs, avait conclu à la faiblesse des risques de contamination, sauf dans quatre zones, qui doivent être interdites d’accès. Chose qui a été faite par la partie algérienne en 2006 en procédant au bornage du point zéro. Curieusement, les autorités algériennes, qui, depuis 2005, demandaient à cor et à cri la repentance de la part de l’ancienne puissance coloniale pour les crimes commis en Algérie, se sont imposé un silence assourdissant sur ce dossier. La raison ? Une bonne partie des essais nucléaires français s’étaient déroulés après l’indépendance du pays. Bien plus, il semble que les accords d’Évian, qui ont mis fin à une colonisation de plus de 132 ans, contenaient des clauses secrètes accordant à la France le droit d’utiliser des sites sahariens pour des essais nucléaires, chimiques et balistiques pendant cinq années supplémentaires.
C’est vrai qu’en février 2007, le ministère des Moudjahidine a organisé un colloque pour demander à la France une réparation pour toutes les séquelles causées par ses essais nucléaires au Sahara algérien.
En décidant une réparation matérielle des victimes françaises, peut-être même algériennes, des essais nucléaires de Reggane, le gouvernement français aurait-il pour autant réparé définitivement le tort commis ?
Non. Car les habitants de Reggane mettent en avant deux revendications essentielles : d’abord la reconnaissance par la France de ses tirs nucléaires comme étant un crime contre l’humanité et contre l’environnement. Ensuite, la décontamination totale de Hamoudia pour en finir définitivement avec le danger des irradiations.
Malheureux destin que celui de Reggane
Perdue au fin fond du Sahara algérien, cette localité n’en avait été pas moins embarquée dans un épisode de la longue et douloureuse histoire de la colonisation française en Algérie, qui n’a pas fini de livrer ses secrets : les essais nucléaires de triste mémoire. Son nom restera à jamais accolé à la bombe atomique française.
Quelques détails sur les jours d’avant l’explosion de la bombe
C’était le 13 février 1960. Il y a quarante-neuf ans. Mais les préparatifs avaient commencé bien avant. Les autorités coloniales avaient installé, en novembre 1957, à Reggane une base militaire où étaient affectés 6 500 militaires français, au grand dam de certaines sociétés pétrolières qui faisaient alors de la prospection, avant d’être invités à quitter les lieux. Car, avec la décision des militaires français, Reggane était considéré alors comme une zone fermée.
La journée d’avant l’explosion, les militaires français avaient donné quelques consignes à suivre aux habitants de Reggane et des localités environnantes quitter leurs maisons, fermer portes et fenêtres, et surtout ne pas ouvrir les yeux au moment de l’explosion… Les femmes des militaires et les Français habitant à Reggane avaient été déplacés en dehors de la région.
Les officiers, eux, s’étaient retranchés à Reggane. Seuls les appelés et les ouvriers algériens étaient restés dans la base de Hamoudia, à 20 km du point zéro. Valet de chambre auprès de plusieurs colonels français depuis 1957, Ali Ben Didi Ben Salem était à Hamoudia la veille de l’explosion. « Ils nous avaient mis au courant plusieurs jours à l’avance. Certains appelés étaient fous furieux. Ils pleuraient et vociféraient des jurons contre leurs supérieurs », se rappelle-t-il, amer.
Du matériel militaire (chars, hélicoptères…) étaient disséminés çà et là aux alentours du champ de tir. Différentes sortes d’animaux avaient été exposés à différentes distances du point zéro et, selon les dires de certains, quelques-unes de ces bêtes auraient été récupérées par les habitants de la région, égorgées puis consommées.
Un vieux raconte le jour de l’apocalypse
Le 13 février donc, à 7h04 du matin, ce qui devait arriver arriva : la bombe explosa. Quelques instants avant, un hélicoptère tournoyait dans le ciel en survolant toute la région et en émettant des signaux sonores. Un sinistre avertissement de l’approche de l’instant fatidique. « Tout le monde s’était mis à plat ventre en fermant les yeux des deux mains. Cette précaution ne m’avait pas empêché de percevoir la lumière. Ensuite, j’avais senti la terre trembler sous mon corps. Puis j’avais entendu un son que je n’oublierai jamais. Des portes et des fenêtres de certaines maisons que les propriétaires, dans leur fuite, avaient oublié de fermer, avaient été emportées par le souffle de la bombe », se souvient le vieux Ali Ben Didi. Et de poursuivre son récit : « Un militaire français et d’autres gens saignaient du nez. Beaucoup de fouggarras avaient été détruites. Quelque temps après, le ciel était recouvert d’un nuage de poussière qui restera au-dessus de la région jusqu’aux environs de midi. Les appelés français étaient montés sur la terrasse pour suivre du regard le nuage aller vers Tanezrouft, du côté de Bordj Badji Mokhtar. » L’éclat de la bombe avait été observé de Béchar, de Bordj Badji Mokhtar et même des frontières maliennes, poursuit notre interlocuteur.
Site non sécurisé, pillage et business du cuivre
Laissé à l’abandon, le site avait fait l’objet, quelques années plus tard, entre 1968 et 1970, d’un véritable pillage. Tout ce qui pouvait être vendu ou utilisé avait été saccagé. Ignorant tout du phénomène de la radioactivité, des citoyens de Reggane avaient récupéré des tôles de zinc pour être utilisées comme toitures pour leurs maisons. Des tuyaux de la conduite d’eau de la base militaire de Hamoudia avaient été subtilisés pour être utilisés dans les seggias. Le site, une véritable mine d’or pour certains adeptes du gain facile qui y venaient de partout, y compris de la lointaine Béchar, à bord de leurs semi-remorques. Ils y restaient plusieurs jours en dressant des tentes sur les lieux mêmes de l’explosion. Le moindre objet ferreux ou ayant une quelconque valeur était ramassé pour être ensuite écoulé dans un quelconque marché. Objet de prédilection, c’étaient certains tubes enrobés dans du caoutchouc, qu’ils faisaient fondre pour récupérer leur cuivre. Une fois les camions bien remplis, ils regagnèrent alors Béchar pour écouler leur marchandise au Maroc, voire même en Europe !
Le tabou qui a entouré le dossier ? Peut-être. Surtout que depuis l’Indépendance, cette séquence de l’histoire contemporaine de l’Algérie a fait l’objet d’une véritable omerta. Personne n’osait aborder le sujet. Ce n’est qu’en 1995 qu’une poignée d’étudiants de la région a enfin cassé le tabou en décidant de commémorer l’événement, non sans quelques difficultés. Mais le premier officiel à briser le silence est l’actuel secrétaire général de l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM) Saïd Abadou qui, en 1998, du temps où il était ministre des Moudjahidine, s’était rendu jusqu’aux abords du point zéro pour inaugurer une stèle. Les habitants de la région en sont d’ailleurs gré. « Avant 1998, ce dossier était frappé du sceau du secret. C’est Saïd Abadou qui l’a mis au cœur du débat public », affirme le président de l’APC de Reggane, Abdoullah Mebarek. « Sans une quelconque protection mais seulement escorté, Saïd Abadou s’est déplacé jusqu’au point zéro », renchérit M. Lehbab.
Impact des irradiations : entre réalité et affabulation
En plus du black-out de plus de 35 ans qui l’entoure, ce dossier a une autre face cachée : les émanations radioactives des déchets nucléaires enterrés à Hamoudia. Les habitants vivent, ces dernières années notamment, dans la hantise des irradiations. Ils savent que la menace radioactive, diffuse mais réelle, est suspendue comme un épée de Damoclès au-dessus de leur tête. On raconte que des enfants seraient nés avec de vilaines malformations et des animaux auraient donné naissance à de véritables petits monstres ! Des affabulations ? Peut-être. Mais les habitants de Reggane, eux, croient dur comme fer que les déchets radioactifs enfouis ont commencé déjà à produire leurs effets néfastes sur leur santé, celle de leur bétail, sur la production agricole et sur l’environnement. Pour le maire de Reggane comme pour beaucoup d’autres, il n’y a pas l’ombre d’un doute : les émanations radioactives dégagées par les déchets nucléaires y sont pour beaucoup dans le développement vertigineux de certaines pathologies, comme le cancer, le diabète, la tension artérielle, etc.
C’est, non sans un pincement au cœur, que les gens de Reggane déplorent la baisse de la production agricole dans la région. Un brin de nostalgie émaille d’ailleurs leurs propos quand ils évoquent l’âge d’or de leur agriculture. Ces temps pas très lointains pourtant où la tomate de Reggane envahissait les marchés européens. « Chaque jour, on embarque des tonnes de tomates sur des camions qui sont ensuite acheminés à l’aérodrome de Reggane pour être emmenées, à bord d’avions militaires, au nord du pays ou exporté vers l’Europe », se souvient un citoyen. Selon les dires de certains, même la localité de Zaouïa El-Kounta, à 80 km de Hamoudia, est confrontée, quoiqu’à un degré moindre, au problème de la baisse de la production de la tomate. « Mais ces dernières décennies la production a baissé et la seule usine que nous avions ici a mis la clé sous le paillasson en 1991. » Comme la production de la tomate, celle des dattes ne serait pas en reste. Elle aurait baissée et la qualité se serait détériorée. « Autrefois, la récolte des dattes était très bonne. Bien plus, on exportait au Mali et au Niger. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Même la qualité s’est détériorée. La cause ce sont les irradiations », souligne M. Kaazaoui.
Quel crédit accordent les responsables locaux des secteurs concernés (santé, agriculture et environnement) à ces scénarios-catastrophes ?
Ils refusent de succomber à l’alarmisme ambiant et préfèrent aborder la question des effets des irradiations avec une grande circonspection. Ils mettent tous en avant l’absence d’une quelconque étude pour justifier leur prudence. « Il n’y a aucune étude sérieuse et approfondie quant aux effets des irradiations sur l’environnement, la santé ou l’agriculture. Seuls les Français en ont fait », explique M. Tabek.
« Les pathologies médicales existent. Mais les lier aux irradiations, ce n’est pas une chose évidente. Il faut avoir des données fiables sur la période d’avant et d’après l’explosion de la bombe. En l’absence d’études, la question reste toujours posée. Il se peut que les irradiations aient eu un impact sur la flambée des pathologies mais d’autres facteurs peuvent aussi en être à l’origine », assure Dr Abdelli Mohamed, président du conseil médical. « On sait qu’il y a des irradiations mais personne ne peut circonscrire les limites du danger. Rien de sérieux n’a été fait alors qu’on parle de la question depuis six ans. Avant c’était tabou », insiste, pour sa part, Dr Mustapha Oussidhoum.
Avant d’ajouter : « Pour faire ce genre d’étude, il faut avoir des laboratoires spécialisés et un personnel qualifié. Il faut disposer d’un centre pour le diagnostic et d’un autre pour le traitement. Ce qui n’est pas le cas chez nous. »
« Certes, il y a augmentation du nombre de cancéreux mais techniquement on ne peut pas dire que cela est dû aux irradiations. Il n’y a aucune étude sur le nucléaire ni dépistage. Il se peut qu’il soit dû à l’élargissement de la couverture médicale », dit-il.
Quant à M. Boudifa Abdelwahed, subdivisionnaire de l’agriculture à la daïra de Reggane, il ne sera pas plus disert que les responsables des autres secteurs. « Cela fait quinze ans qu’on vient ici pour me poser la même question : l’impact des irradiations sur la production agricole. Je suis un agronome et non un spécialiste du nucléaire.
Ce que je sais c’est que les essais atmosphériques dégagent toujours des irradiations. La durée de vie des éléments radioactifs peut être de quelques secondes ou de plusieurs siècles.
Ce qu’il faut savoir aussi c’est que chaque plante a un seuil de radioactivité naturelle. En l’absence d’une étude sérieuse, on ne peut pas être catégorique. La baisse de la production est peut-être due au morcellement des terres, à la sécheresse… », affirme-t-il.
L’association du 13 Février 1960 interpelle la France
C’est donc le flou le plus total. Personne n’est en mesure, aujourd’hui, de dire la vérité à une population légitimement inquiète. Le salut lui viendrait-il peut-être de l’association du 13 février 1960 qui, avec son action revendicative, pourrait un jour faire bouger les choses.
Créée en 1997 et agréée en 2000, elle s’est toujours employée à la sensibilisation des écoliers et des citoyens quant aux dangers des irradiations. Depuis 2002, elle commémore l’événement en organisant, la nuit de chaque 13 février, une marche de scouts qui, les bougies à la main, sillonnent la ville de l’entrée jusqu’à la place des Martyrs jouxtant le siège de l’APC où un sit-in est observé. Des activités sportives et des conférences sont aussi organisées.
« Pratiquement rien sur les populations de la région, la flore et la faune, les retombées sur toute la région et les pays voisins et les compteurs qui grésillent même aujourd'hui ... Mais des réflexions inutiles et gratuites sur l'Algérie française, le FLN, etc... » m'écrira Djamel, un de mes amis Algériens.