samedi 6 mars 2010

Youcef Dris : Les amants de Padovani - Dalimen - 2004

Un récit bouleversant dans l'Algérie Coloniale

Merci à Nassira Belloula de m’avoir procuré ce livre introuvable en France (Par contre on peut télécharger le livre en PDF ici).

C’est une tragique histoire d’amour que nous livre Youcef Dris. Dahmane et Amélie s’aiment depuis leur plus tendre enfance dans cette Algérie des années 30. Un amour très mal vu dans une Algérie coloniale qui sépare les communautés. Ils ont grandi ensemble , côte à côte et ne peuvent se passer l’un de l’autre.

Cette tragédie, fort bien écrite par Youcef Dris sera un calvaire jusqu’au bout pour Dahmane qui ne saura que très tard, après le décès d’Amélie, qu’il a eu un fils Damien. C’est à l’occasion de sa venue en France à Paris pour se soigner et à Aix en Provence qu’il découvrira cette vérité.

Ce roman qui est inspiré d’une histoire vraie, puise sa force dans une narration limpide et sensible. L’auteur n’en rajoute pas au tragique de la situation et il fait toucher du doigt les difficultés qui existaient entre la communauté européenne et les musulmans. Il tire aussi sa force du personnage de Fatma, la grand-mère de Dahmane qui l’a élevé avec beaucoup de courage et d’abnégation.

Cette histoire nous rappelle à la violence des rapports entre les êtres des pays coloniaux. Elle met en lumière, un racisme du quotidien qui ne demande qu’à s’exprimer à la première occasion.

Youcef Dris a écrit là un livre sensible et utile à la compréhension de cette Algérie des années trente et de celles qui ont précédé l’indépendance.


A propos de la polémique concernant l’accusation de plagiat à l’encontre de Yasmina Khadra, auteur de « Ce que le jour doit à la nuit »


Un lecteur de ce blog m’avait alerté sur cette polémique et c’est une des raisons pour lesquelles je tenais à lire l’ouvrage de Youcef Dris.

Je dois dire que même s’il faut constater une inspiration commune (idylle entre deux membres de communautés différentes, tragédie et retour à Aix en Provence pour le dénouement de l’histoire), le livre de Khadra n’est en rien un plagiat de l’écriture de Youcef Dris.

Ce sont deux plumes différentes. Le roman de Khadra a un souffle différent et creuse beaucoup plus les questions périphériques à l’histoire d’amour. Pourquoi ne pas admettre que l’on peut être inspiré par la même histoire réelle ? Le talent indiscutable de Khadra n’a pas besoin d’aller chercher les lignes d’un autre écrivain talentueux.

Pour avoir lu sur la toile les débats plus que passionnés sur la question, je dois dire avoir été frappé par la partialité des adversaires de Khadra. A tel point que nombre d’entre eux n’ont même pas lu le livre de Youcef Dris !

Cette polémique est vaine et n’apporte rien à la littérature algérienne qui compte des talents comme ceux de Youcef Dris et de Yasmina Khadra.

vendredi 5 mars 2010

Tahar Ben Jelloun : Au Pays - Gallimard - 2009

Un conte moderne de l’immigré fidèle à ses traditions


Mohamed, peintre dans une usine automobile, voit sa retraite arriver et il en a peur comme s’il était atteint d’une maladie grave. Il a émigré en France alors qu’il était très jeune et n’a connu que le travail à l’usine. Toute sa vie était rythmée par ses trajets pour se rendre à l’usine, les heures de repos bien méritées, la pratique sourcilleuse de l’islam, le bien être de sa famille et de ses six enfants et les retours au bled pour les vacances et le respect des traditions marocaines.

Mohamed ne comprend pas bien la vie occidentale et met les choses dans des boîtes : ça c’est pour eux et pas pour moi. Il élève ses enfants dans le respect des coutumes du pays. Il ne conçoit pas qu’ils réagissent différemment de lui. Pourtant cette génération ne raisonne pas comme lui. Elle est française et s’est affranchie des lourdeurs des traditions. Sa fille se marie avec un « françaouis », au grand dame de Mohamed qui ne veut plus la voir, Rachid, un de ses fils change de prénom pour s’appeler Richard. Tout cela fait beaucoup pour un seul honnête homme.

L’approche de « l’entraite », comme il dit, lui fait très peur. C’est comme une maladie qui ne le fera plus exister. Brutalement il n’aura plus aucun but dans la vie. Finalement et logiquement cet homme dévoué à sa familles et au coutumes ancestrales décide de rentrer au bled pour finir de construire la maison familiale qui doit regrouper ses six enfants et leurs progéniture. Il ne demande l’avis de personne et un beau matin prend la route du Maroc. Une très grande maison, démesurée, à la hauteur des rêves de Mohamed, va attendre ses occupants.

Tahar Ben Jelloun nous livre là un superbe roman traité comme un conte. Il décrit la problématique de cette immigration qui a donné des générations d’enfants intégrés et en décalage avec leurs parents. Au passage, il jette un regard sur l’enflamement des cités et le comportement des jeunes beurs en butte avec la société française. Ce travail de décryptage de la problématique immigration/intégration, Ben Jelloun le mène avec un vocabulaire simple et efficace, sans tomber dans le pathos. Il nous interpelle fortement car c’est la vie quotidienne qu’il exprime, en oubliant les idéologies. Il montre également que la pratique de l’islam ça n’est pas l’islamisme.

Un très beau roman que l’on dévore du début à la fin.

dimanche 21 février 2010

Leïla Sebbar : La Seine était rouge Paris octobre 1961 - Babel - 2009

Nous ne sommes pas très loin de la fin de la guerre d'Algérie. Nous sommes le 17 octobre 1961 et le FLN organise une manifestation pacifique en réponse au couvre-feu imposé par Maurice Papon, Préfet de police, aux Algériens. La police charge, matraque agresse des gens sans défense, commet des exactions insupportables, jette des Algériens dans la Seine et arrête des milliers de personnes.

Voilà pour les faits historiques. Mais Leïla Sebbar veut nous faire comprendre cette triste période où c'était encore la sale guerre d'Algérie qui ne disait pas son nom et où pourtant il était déjà admis pour De Gaulle, Président de la République, que l'Algérie serait très prochainement algérienne.

L'auteur choisit de raconter l'histoire d'Amel, 16 ans qui entend sa mère, Noria et sa grand-mère, Lalla, discuter en arabe de choses qui lui paraissent graves. Mais elle ne parle pas cette langue et se trouve en dehors de ces discussions, d'autant qu'elle ne trouve aucune réponse aux questions qu'elle pose. Amel veut savoir et elle va y parvenir grâce à Omer, journaliste algérien immigré et grâce au film, sur les porteurs et les porteuses de valises, que veut tourner Louis, le fils d'une Française qui a adopté la cause algérienne.

Le livre est bâti  autour d'allers et retours incessants entre ces trois personnages. Certains chapitres sont écrits comme s'il s'agissait d'un scénario : Extérieur jour, extérieur nuit, intérieur jour, intérieur nuit.

"Intérieur Jour
On allait à l'école pieds nus, dans la neige, l'hiver... Alors la boue du bidonville, ça me fait pas peur. Mon père est mort dans la boue des rizières, en Indochine, sa pension a disparu avec lui et sa compagnie. Travailler pour ma mère oui, pour la smala non. J'ai pas eu le certificat d'études, je sais compter. Je tiens ce café dans la merde, mais ça marche
... J'enverrai de l'argent à ma mère, si elle est pas morte. Mes frères, mes sœurs, qu'ils se démerdent, comme moi.
Ils sont venus plusieurs fois 'les calots bleus', les harkis de Papon, on les appelle comme ça, je sais pas pourquoi. Je fais pas de politique. Les autres aussi, les FLN, ils m'appellent 'Frère' pour moi, c'est pas des frères. Je dis rien. 'Pas d'alcool, pas de tabac. interdit de jouer aux cartes, interdit de jouer aux courses. Si tu désobéis, tu sais ce qui t'attend.' L'un d'eux a passé son index sur sa gorge en levant la tête, de gauche à droite. J'ai compris. Ils ont dit aussi : 'Ordre de la Direction, fermeture des commerces le 17 octobre 1961. J'ai pas de rideau de fer. J'ai fermé la porte en planches, à clé."

C'est dans ce style direct, dépouillé que Leïla Sebbar raconte. C'est très efficace et le lecteur assiste au fil des pages et des rencontres avec Omer ou Louis à la révélation de la vérité tant recherchée par Amel. Vérité affreuse illustrée par des témoignages :
"Extérieur nuit
C'était le 17 octobre 1961. Il pleuvait.
J'ai pensé que j'allais mourir, je buvais l'eau de la Seine, j'étais lourd, très lourd. J'ai fait la prière. Je l'avais oubliée, avec le travail on a plus le temps, on va au café, on boit un peu, les tournées, ça fait boire. J'ai pas trop bu, mais j'ai bu et c'est défendu chez nous, les musulmans. J'ai bu et la prière... Ce soir-là, la pluie, les coups, l'eau froide, elle sentais mauvais la Seine... La prière est revenue. J'ai prié, prié... et j'ai été sauvé. Sinon, je me noyais, comme d'autres. on a retrouvé des corps charriés par la Seine. Sûrement la Seine était rouge ce jour-là, de nuit on voyait pas. On a repêché des algériens, ils avaient les mains liées dans le dos et les pieds attachés...
... La Seine les a rejetés. Même la Seine, elle en voulait pas des Algériens. Combien ? On saura peu-être un jour. Et ceux qu'on a retrouvés, pendus dans les bois, près de Paris..."

C'est finalement Louis qui recueillera le témoignage de cette nuit de démence de la part de Noria, la mère d'Amel. C'est comme si c'était un secret de famille que l'on ne peut pas dire à sa fille, mais que l'on finit par confier à l'Autre, comme si on se soulageait.

C'est un véritable hommage à ces martyrs Algériens que rend Leïla Sebbar à tous ces manifestants, ces immigrés opprimés par la France coloniale. Une leçon d'histoire pour les plus jeunes, pour tous ceux qui n'ont pas connu cette guerre et qui n'en ont guère entendu parler à l'école.

Un livre qu'il faut lire absolument !

jeudi 14 janvier 2010

Une belle aventure aux Grammy Awards de Los Angeles (31/01/2010)





Chicago Blues: A LIVING HISTORY


C'est une belle histoire qui commence en 2007, lorsque Larry Skoller programme ses artistes pour la première édition du festival Aulnay All Blues. Puis il propose à Mohamed Beldjoudi un projet qui lui tient à cœur : éditer une histoire du Chicago Blues. La ville d'Aulnay-Sous-Bois est partante et co-produit avec Raisin’Music, maison de production dirigée par Larry Skoller et basée à Cognac le double CD. Le conte de fée peut exister : en avril 2009 un double CD "Chicago Blues: A LIVING HISTORY" est dans les bacs aux USA et en France. 40 000 € sont investis pour la plus grande joie des fans de Blues. Depuis, 7000 disques ont été vendus, dont plus de 2000 aux Etats-Unis.

Chicago Blues : A LIVING HISTORY (CLBH) est unani-mement salué par la critique musicale, des musiciens et historiens de la musique dans le monde entier comme l'hommage le plus important de notre temps pour les Blues de Chicago.

CBLH réunit deux générations de musiciens vivants, parmi les plus grands, de Chicago. Dans une collaboration sans précédent du Chicago Blues, le légendaire Billy Boy Arnold, John Primer, Billy Branch et Lurrie Bell - héritiers de la tradition du Chicago Blues - se sont réunis pour célébrer et rendre hommage à l'évolution du genre depuis ses tout premiers jours à travers le présent.





Le groupe s'est uni pour témoigner de l'histoire du genre dans sa forme la plus puissante de ces artistes extraordinaires qui sont le pont entre les auteurs du genre et le Chicago Blues d'aujourd'hui - à travers eux le Chicago Blues reste une tradition vivante.









Nomination aux Grammy :

Best Traditional Blues Album 2009




Nomination aux Blues Music Award :

Meilleur Album 2009


Meilleur Album Traditionnel 2009



Blast Blues Award :

Lauréat du Meilleur Album traditionnel 2009


L'Académie du Jazz de France :

Lauréat du Meilleur Album Blues 2009



Je suis très heureux de cette nomination aux Grammy awards. Larry le mérite bien ainsi que tous les musiciens embarqués dans cette magnifique aventure. Bravo également à Aulnay-sous-bois pour son courage et sa prise de risques.


Je tiens à saluer chaleureusement et particulièrement Billy Flinn, Kenny "Beedy-eyes" Smith (Mister Mac Do !), Felton Crews, Matthew Skoller et Lurie Bell que j'ai eu la chance de cotoyer.

Ce band est extraordinaire. Le double CD est fabuleux. J'ai hâte de les voir en live lors de leur prochaine tournée en France !

Blues is Beautifull...

lundi 26 octobre 2009

Nouveau site pour Souad Massi

Souad Massi méritait un site régulièrement tenu à jour.

Devant l'indigence d'Universal pour la maintenance du site officiel, j'ai proposé à Souad de créer un site qui pourrait servir de référence. Elle a accepté et c'est donc ainsi que j'en suis venu à construire le site :

http://s.massi.free.fr/

Merci de le consulter et surtout, si vous avez des infos, des compte-rendus de concerts envoyez-les moi à : yahia.jmp@free.fr

Yahia

dimanche 14 juin 2009

Valence - La Fabrique : Bleu Blanc Vert - 22 mai 2009 - Compagnie « El Ajouad »

Un superbe spectacle, beau comme le roman de Maïssa Bey

J'avais consacré un billet au très beau roman de Maïssa Bey et j'avais dit tout le bien que j'en pensais.

Cette fois, c'est du spectacle dont je vais vous parler. J'ai fait le voyage de Cognac à Valence pour ne pas rater cette création de la compagnie « El Ajouad » qui était en résidence à la « Comédie de Valence ».




Au travers du cheminement de Lilas et Ali, c'est 30 ans de l'histoire algérienne qui sont balayés (1962-1992). 30 ans d'espoirs, d'épreuves, de déceptions, de souffrances. Une saga magnifiquement écrite par Maïssa Bey et magistralement adaptée par Christophe Martin, superbement mise en scène par Kheireddine Lardjam, astucieusement scénographiée par Émily Cauwet et sompteusement interprétée par la splendide Malika Bel Bey, Larbi Bastam et Samir El Hakim.


Pour mémoire, rappel de l'argument du Roman et donc de la pièce : "1962. Lilas et Ali apprennent brusquement qu'il est interdit d'utiliser le crayon rouge : le papier reste blanc, l'encre reste bleue, mais les corrections se feront dorénavant en vert.Il n'est pas question de maintenir le bleu blanc rouge, couleurs haïes de la colonisation. Nos deux héros, au moment de l’indépendance, un garçon et une fille, rentrent ensemble de l'école ; ils habitent le même immeuble. Ils se précipitent chez eux pour raconter ce premier symbole de l'indépendance : ils sont fiers, et se sentent les pionniers d'un acte fondateur. À partir de cet acte fondateur, les deux héros de “Bleu blanc vert”, roman ironique et amer de Maïssa Bey, racontent trente ans d'Algérie indépendante, de 1962 à 1992 où tout bascule avec la victoire du Front Islamique du Salut aux élections. " (http://www.comediedevalence.com/)

Sans aucun doute, comme le dit Maïssa Bey, cette pièce est " une création à part entière ". Dans le même temps, la pièce est d'une fidélité absolue au roman. À tel point que l'on a l'impression d'avoir sous nos yeux et dans les oreilles la totalité du roman. Pourtant le spectacle est exlusivement constitué des monologues, des dialogues des deux protagonistes, avec un plus non négligeable : les chants de Larbi Bastam qu'il interprète de sa voix puissante et profonde. Ces illustrations musicales ponctuent le spectacle et lui donnent une couleur particulière. Nos deux amoureux sont toujours sur scène simultanément, ils sont inséparables comme ils le sont dans l'histoire, malgré tous les aléas de la vie qu'ils rencontrent dans une Algérie bouleversée.


La pièce souligne très efficacement le poids de la tradition, les dysfonctionnements de la société, sous l’angle du quotidien. Avec beaucoup d'humour, d'ironie et d'amertume, elle expose les rêves du peuple algérien, jusqu’au moment ou il est totalement broyé par une guerre civile dévastatrice qui va durablement et durement marquer les Algériens dans leur chair et dans leur tête.


La mise en scène sensible de Kheireddine Lardjam est au millimètre : il n'y a rien de trop ! La scénographie très sobre et si symbolique d'Émily Cauwet est efficace et permet de bien circuler dans l'histoire de Lilas et Ali, mais aussi dans l'Histoire de la toute jeune Algérie.


N
ous finirons par les acteurs, sans qui évidemment rien ne serait possible. Au risque de me répéter Malika Bel Bey est éblouissante, elle est vraie et sans doute que ses larmes ne sont pas loin, en dehors des besoins du jeu d'acteur. Larbi Bastam lui donne une réplique du même niveau et crédibilise parfaitement les intentions des auteurs (roman et pièce).Quant à Samir El Hakim, il se livre à un exercice extrêmement difficile en chantant à capella, souvent après de longue stations debout, immobile sur la scène. Sa voix traverse la salle et ajoute incontestablement à l'émotion.


Nous étions 4 amis à nous rendre ensemble à cette représentation. Je me sens autorisé à dire que nous étions tous les quatre bouleversés. 3 d'entre nous n'avaient pas encore lu le roman. Ils se sont promis de le faire le plus rapidement possible. Ne passez pas à côté de ce que je considère comme un authentique évènement. Consultez la vidéo ci-dessous qui vous donne les dates de la tournée en France. Cette pièce va également tourner en Algérie. Je sais qu'elle sera jouée à Constantine vers le mois de janvier 2010 (confidence du metteur en scène). Dès que je trouve les dates algériennes, je les mets en ligne sur le blog.



jeudi 28 mai 2009

Alger : Panaf 2009

Panaf 2009 consacré au festival panafricain de cet été se tiendra à Alger


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mardi 26 mai 2009

Festival Arabesques de Montpellier (23 mai 2009) : Souad Massi


Une soirée extraordinaire et bien imprévue !

Quelle belle surprise m'a réservé Montpellier ! Alors que je consultais la newsletter de Mondomix, je clique sur le lien Arabesc ouisque l'affiche est magnifique et voilà que je me rends compte que Souad Massi fait partie de la fête. Son spectacle étant prévu le 24, tout est ok puisque je serai effectivement sur la ville. Je rentre d'un autre magnifique spectacle qui avait lieu à Valence. Il s'agissait de la création de la pièce Bleu, Blanc, Vert, d'après le roman de Maïssa Bey. Je vous en parlerai dans un autre article. Ne déflorons pas le sujet...

Revenons au spectacle de Souad. Dès que j'ai eu pris connaissance de la nouvelle, je me précipite au téléphone pour m'assurer auprès de Maryline qui me reçoit que nous étions bien libre. Je tente ensuite de joindre le festival pour obtenir deux places. Finalement, le 24, alors que nous étions sur la route, j'ai Manu, le régisseur de Souad, au téléphone qui me dit mettre deux invitations à la billetterie et nous invite à la balance que nous ratons de très peu.

Finalement, Souad me donne deux pass, afin que nous soyons libres sur le site. Nous discutons comme si nous allions rattraper ces deux années sans que l'on puisse se voir. Le lien est toujours aussi fort ainsi qu'avec Abdel, son mari et manager et bien sûr Jeff, Rabah et David le batteur à la jolie casquette. Le bassiste est nouveau et très sympa. Malheureusement Hamid ne sera pas là pour cause de budget. On fera donc sans le oud.
Souad part coucher Inji, ce merveilleux petit trésor. Pendant ce temps j'assiste à la balance d'Amazigh Kateb qui vient de Gnawa diffusion dont la réputation n'est plus à faire.

Ils assurent grave et laissent présager d'un show à la hauteur du talent de Souad Massi.

Un petit tour sur le site nous révèle combien ce lieu est formidable pour ce festival, quatrième édition d'Arabesc qui en appelle bien d'autres. Là je rencontre l'équipe de Kaïna qui est la chaîne télé qui couvre le festival. Après avoir bavardé avec eux à propos de Souad, ils sont intéressé par mon témoignage d'ami. Nous convenons de nous voir après l'hommage à Mahmoud Darwich.

L'hommage à Mahmoud Darwich, grand poète palestinien a été un moment très fort. Souad Massi a accepté au pied levé de lire un de ses poèmes en arabe et là encore les larmes me sont venues aux yeux. L'accompagnement musical, aussi discret que beau a bien soutenu ctte lecture.

Puis ce fut le tour d'autres artistes et personnalités parmi lesquelles Kateb Amazigh et son groupe, un rapeur et un artiste local dont le nom m'échappe qui ont lu des poèmes de paix et d'espoir. La musique était omniprésente et l'ensemble était très réussi.

À la fin du spectacle je rejoignis Kaïna TV


J'ai raconté ma rencontre avec Souad, un matin au volant de ma voiture... C'était sur France Inter, en 1999, et je me suis dit instantanément : " Ce sera une grande dame de la chanson " C'est ce qui s'est passé puisque Souad a eu très vite le prix Charles Cros et récemment la Victoire de la musique du Monde (2008). Puis Souad est venu à l'Avant-Scène de Cognac, en première partie de Charlebois. C'est là que nous avons parlé la première fois. Elle était transie de trac, seule sur scène avec sa guitare et le désormais célèbre " Raoui ". Sa voix était et reste sublime. L'année d'après, elle est veue pour son spectacle. Je venais faire des photos pour le théâtre pendant la balance et, à peine rentré dans la salle, elle m'interpelle :" Jean-Michel ! " Elle arrête tout, descend de scène et vient m'embrasser... Voilà notre histoire d'amour artistique et humaine, sous le contrôle d'Abdel a Khouya ! Depuis chaque fois que je le peux, je vais la voir et chaque fois c'est un enchantement !

Galerie photos

Les affiches des 4 éditions


La scène
La déco
La déco : le gombri

La déco : la mandoline

La déco : le oud
Puis est venu le temps de la musique, de la fièvre du live.

Kateb rentre sur scène et déjà les drapeaux kabyles et amazigh font leur apparition. à peine assis sagement sur un gradin du magnifique amphithéâtre d'O que les jambes me démangent et je vais me frayer un passage parmi les danseurs et surtout les magnifiques danseuses au pied de la scène. C'est très vite du délire et Kateb assure grave : " Le pouvoir au femmes algériennes Inch'Allah. Y'en a marre des généraux avec les moustaches en plastique ! " Tonnerre d'applaudissements, youyous magnifiques, les poils se dressent sur tout mon corps, j'ai les larmes aux yeux.

Le terrain est prêt pour Souad et ses musiciens. Ça va barder, d'autant que j'apporte à Souad un délicieux coktail au gingembre par une superbe malienne, en échange d'une photo après le spectacle.

Mon pass me permet toute liberté et c'est bien agréable. Muni de mon appareil photo, je passe du backstage à la fosse et je ne me prive pas de mitrailler tout ce qui bouge.

Les techniciens ont quelques problèmes de son et sont plongés dans leurs faisceaux invraissemblables de fils.

Finalement, Manu le régisseur de Souad fait signe que tout est ok. Les guitares sont accordées. C'est le temps du concert ! Me voilà donc posté pile poil face au micro, au ras de la scène, comme d'hab'. Un clin d'œil lorsque Souad me repère, elle sourit et parle avec les fans au pied de la scène et le concert démarre comme un bolide, dans une ambiance de feu. Pas de round d'observation. Jeff fait toujours merveille à la guitare. Les gens sont déchaînés et dansent d'emblée.

Souad a un nouveau bas-siste. Je vou-lais qu'elle chante " Bla-di ", mais il ne la connaît pas. Elle m'a pro-mis de me faire ce plaisir à Jonzac le 19 juillet.


J'attends donc ce jour avec impatience.

Yawlidi déclenche un triomphe, toute le monde saute. Puis une succession de chansons douces et l'incontournable partie de manivelle entre Rabah aux percussions (en l'occurence la derbouka) et le batteur. Triomphe absolu, tout le monde en redemande.

" Ghir Enta " et " Ech Dani " relancent le public dans des danses endiablées. Tout le monde chante en arabe. Souad elle-même en est impressionnée puisqu'il y a beaucoup de Français qui se livrent à l'exercice. A un moment, j'avais la stéréo : ma voisine kabyle, de sa belle voix faisait les chœurs et je l'ai encouragée à continuer.

Comme à l'habitude Jeff assure com-me un malade et il est bien aidé par ses copains musi-ciens avec qui il a une gran-de compli-cité. Je re-marque au passage qu'il a une six cor-des et une guitare électrique. Il a laissé de côté la douze cordes avec son charme si particulier.

Souad filmée par Kaïna Tv
Nécessite Réal Player


Mais il faut bien, finir... Les quatre musiciens tapent très fort et mettent avec Souad une ambiance de feu.
 
En me retournant je vois Inji, 3 ans et demi qui danse avec papa Abdel qui, pour une fois, va voir le spectacle de sa femme depuis les gradins.

Comme d'habitude, la scène se vide et Souad reste seule avec sa guitare : c'est le moment sacré de " Raoui ". Les bruits se calment, l'exitation baisse d'un cran et aux premières notes de l'arpège, c'est le silence et le recueillement. La voix cristalline de Souad nous envoûte. C'est le grand frisson et les larmes qui montent aux yeux. Le public reprend " Hadjitek, Madjitek ", sans que la magnifique Souad fasse quoi que ce soit. Et ça peut durer longtemps, toute la nuit tellement c'est beau. Les musiciens trempés de sueur viennent saluer. Souad serre des mains à volonté. Tout le monde en veut encore. Ils reviendront sur scène trois fois sous les bis du public conquis et finalement je vais les rejoindre en compagnie de mon amie Maryline, qui n'en revient pas de m'avoir vu si actif pendant le concert, backstage. On tombe dans les bras l'un de l'autre avec Souad et elle discute un moment avec Kateb qui vient la féliciter. Puis c'est au tour de Monsieur le Consul de bavarder avec Souad.

Une fois détendue, Souad consent à penser à manger. Abdel et l'infatigable Inji nous rejoignent et nous partageons un succulent repas : salade variée, cury de poulet gargantuesque et dessert surprise fait acvec des concombres, du sucre et de la fleur d'oranger. C'est délicieux. Il est plus de 2 h du matin, il est grand temps d'aller dormir. Avant, je me mets d'accord avec Souad pour développer un site Internet digne de ce nom puisque celui fait par Universal est laissé à l'abandon, malgré ses protestations. Donc avis à
tous, d'ici un mois Un nouveau site sera en ligne. Les amis du Groupe Yahoo! en seront prévenu et les autres seront alertés sur ce blog.
 
Je ne terminerai pas sans dire combien la direction, les bénévoles de ce jeune festival sont sympathiaques et compétents. Ils ont la chance d'avoir un lieu magnifique et j'espère bien que l'on continuera de leur donner les moyens de faire du si bel ouvrage. Rendez-vous l'an prochain : je couvrirai le festival en tant que correspondant de la revue l'IvrEsQ, jeune revue littéraire algérienne, dirigée par Nassira Belloula.
 
Salam et vive la fraternisation des Peuples et des Cultures !
 
 
 

lundi 25 mai 2009

Les années algériennes : Le retour de Madame Stora à Constantine (1990)

Extrait du film de Benjamin Stora
" Les années Algériennes " 1990

Merci à Benjamin Stora de m'avoir indiqué
le lien sur mon courriel privé. Atek Saha !

dimanche 17 mai 2009

Je tipase

Difficile ! Difficile d’oublier son passé. De faire table rase d’une Chronique portée en soi depuis des millénaires.

Et puis pourquoi oublier, Oublier quoi ? Qui ?

Trier les souvenirs, choisir les bons moments, ne garder que le meilleur en rejetant le pire.

Oublier pour mieux vivre demain.

Est-ce là que réside l’espoir tant attendu ?

Une visite dans le temps m’a permis de remettre ma pendule à l’heure. Figé depuis des siècles, j’attends comme tant d’autres, le signal du départ.

J’étais, hier encore, encore une fois, à Tipasa. Dans ces ruines que visitent toujours des âmes en détresse à la recherche de leur ombre. Tout, oui tout, a été dit, raconté, écrit, commenté, chanté sur Tipasa louée comme une reine vénérée.

Tipasa dont la mer flatte sans cesse les flancs dans un mouvement langoureux, presque charnel. Tipasa et ses ruines qui enfoncent plus profondément des racines chaque jour. Des ruines qui racontent, des arbres qui bercent des illusions fragiles. Des pierres qui parlent une langue inconnue.

Je triomphe, je ris, j’exulte, je jouis et je hurle de plaisir dans une communion parfaite.
Tipasa solitaire se veut gardienne de la mémoire. Vigile aux aguets, elle épie les moindres mouvements des fantômes qui errent.

Le décor est planté. Le Théâtre peut enfin ouvrir ses portes sur une pièce en un acte. Un acte décisif, fondateur, sublime, sexuel, bestial, primaire, primitif. Acte de naissance d’une cité qui réclame ses droits comme un dû exigé.Tipasa c’est hier, c’est demain, c’est toujours, c’est jamais, c’est ici, c’est nulle part ; c’est aussi la vérité, le mensonge, l’espoir étouffé, le dernier désespoir, la crainte, la violence, la force, le pouvoir, la pudeur et l’excès, la démesure, la culture, la campagne, la ville, la cité, la famille, le peuple, la liberté, la prison, l’honneur, l’ignorance ; c’est la mort, c’est la vie.

Et puis il y a ces bras qui se tendent, ces mains qui se tournent vers Soi pour une prière rituelle, ce soleil qui rougit de plaisir, ce ciel qui aspire, ce souffle imperceptible, régulier, saccadé, ces rugissements lointains, ces appels qui résonnent dans le silence de la nuit.

Tipasa, la belle, la douce, se veut parfois violente, dure, terrible, agressive, méchante. Elle impose son rythme, ordonne, juge, condamne et accorde son pardon dans un geste lent, magique, imperturbable souveraine.J’ai découvert Tipasa il y a bien longtemps. Bien avant qu’elle n’existe ! Je l’ai enfantée après avoir consommé une nuit de Noces épiques. Je l’ai aimée comme on aime vraiment, libre d’être enchainé, fasciné par une aura dont je me suis nourri.

Je l’ai aimée comme on aime une idée aux contours parfaits, humaine, inaccessible déesse.

J’ai aimé le vent qui courtise les nuages dans les branches des arbres, les oiseaux qui frôlent la crête des vagues, l’écume éblouissante, les remous incertains, la terre qui repose.

Je vagabonde, je marche, je cherche, j’appelle et l’écho me donne les réponses que j’attends, patient tranquille.

J’aime ce mouvement régulier, rectiligne, ordonné, agencé, rassurant ; cette précision mathématique, ce dosage précis, voulu, cette perspective improbable.Je maitrise, mais oui, cet espace-temps dans lequel se nichent les mots discrets de ma destinée.

Oui ! Je fais tout cela, consciemment, sciemment, appliqué comme un enfant studieux qui a compris depuis toujours, instinctivement, que là, se logeait, peut-être, l’objet de ses désirs.

Alors les souvenirs se mettent en marche, se dressent vaillamment, heureux de pouvoir dire enfin une Vérité pure. Et la ville s’anime, les marché se remplissent, les étals sont chargés de porter des péchés inavoués ; les roues font gronder les routes encombrées ; les enfants pleurent, rient, jouent, se chamaillent et les regards des mères se font plus doux. Les amants de la nuit se séparent tendrement et je m’endors fourbu pour retrouver mes rêves.

Tipasa m’a donné ce que je donne à mon tour, héritage sans prix, qui se transmet sans un mot, de père en fils, de mère en fille, de génération en génération.

Je Tipase.

© Aziz Fares - mai 2009