Pierre Chaulet (à gauche) et Réda Malek,
des compagnons de longue date
Pierre Chaulet né le 27 mars 1930 à Alger
et mort le 05 Octobre 2012 à Montpellier
Pierre Chaulet était un médecin Algérien résistant durant la guerre d'Algérie au coté du FLN. Il a effectué des opérations secrètes avec les combattants du FLN sous les ordres de
Abane Ramdane. Il fut expulsé en France mais il arrive a rejoindre avec sa femme, Claudine, le FLN en Tunisie où il a continué ces activités de résistant autant que médecin et d'écrire pour le journal du FLN,
El Moudjahid.
Il fait la rencontre de Franz Fanon a l’hôpital de Blida en 1955. “En février 1955, Abane Ramdane est venu me demander de trouver un psychiatre pour suivre le cas des moudjahidine qui risquaient de parler sous la torture. Et c’est à partir de là que j’ai connu Frantz Fanon qui a hébergé également des malades à l’hôpital de Blida”1.
Après l'indépendance de l'Algérie, Chaulet a rejoint l'hôpital Mustapha Pacha. Il a contribué à l'éradication de la tuberculose en Algérie. Claudine Chaulet est quant à elle devenu professeur de sociologie à l' Université d'Alger. Co-auteur avec sa femme Claudine de leurs mémoires : "Le choix de l'Algérie : deux voix, une mémoires" sortie en 2012 aux éditions [barzakh].
D'après Wikipédia
Le corps de Pierre arrive lundi prochain de Marseille. On organise demain (samedi 06/10/2012) ici
une cérémonie de recueillement. Il sera enterré Mardi au cimetière d'El Mouradia. (info de Omar Bessaoud)
L'hommage de Omar Bessaoud
Economiste-CIHEM-IAM-
Montpellier
Pierre Chaulet vient de
nous quitter ce vendredi 5 Octobre, date symbolique qui a marqué l’histoire
tourmentée de notre pays, et ceci après
une pénible maladie contre laquelle il se sera battu avec un courage et une
lucidité admirables. Il savait dès le début de la maladie le mal qui le
rongeait et se plaisait à dire à ses proches avec une pointe d’humour contrôlé
qu’il était né avec la célébration du centenaire de la colonisation (1930) et
qu’il allait nous quitter alors que nous célébrons l’année du cinquantenaire de
l’indépendance du pays.
Deux autres dates symboles qui
résument aussi parfaitement sa vie. Celle d’ « un monde fini qui
commence » selon la belle formule de Paul Valéry. Le processus de déclin du monde colonial
commence en effet au moment même où le
mouvement national moderne - dans lequel Pierre s’engagera dès le déclenchement
de la Révolution- émerge. Ce mouvement libérateur engagé par les forces
nationales et patriotiques annonce
ainsi dans les faits le début de la fin du système colonial.
Pierre fut pour notre génération
un homme à part. Et cela pour plusieurs raisons.
D’abord son engagement pour la
patrie, pour l’Algérie indépendante fut total et sans réserve. Il avait très
tôt pris conscience des injustices du système colonial, de la violence et de
l’humiliation subies par le peuple algérien. Il fut de ceux parmi les européens
d’origine qui ont brisé les barrières imposées par un régime « d’apartheid
larvé » - la formule lui appartient-, barrières qui le séparait de ses frères algériens.
Lorsque le chahid Mohammed Laïchaoui (qui a dactylographié à Ighil
Imoula l’appel historique du 1er Novembre 1954) l’informe
que l’insurrection qui était déclenchée était une « chose
sérieuse », il s’engagea avec raison et sans faille aux côtés de ceux
qui appellent à la Libération et à l’indépendance du pays. Il savait où était
son camp et comme il le répétait souvent, il n’y avait pas place pour lui pour
une troisième voie. « Il y avait ceux qui étaient pour l’indépendance
nationale et les autres (ultras partisans de l’Algérie française, libéraux
partisans d’une Algérie avec souveraineté française…) ».
Les mémoires écrites à deux voix avec Claudine son épouse, sa compagne avec laquelle il
partagera tous les combats retrace avec modestie et l’intelligence qu’on lui
connaît sa contribution à la lutte de libération. La lutte et le combat pour
une Algérie libre et indépendante trouva en Pierre et Claudine des
porte-parole, des représentants qui donnaient une légitimité politique et
morale indiscutable à la Révolution algérienne. Il mit son expérience, ses
ressources intellectuelles et toutes ses qualités d’homme au service du pays.
Il côtoya les dirigeants les plus prestigieux de la Révolution dont Abane
Ramdane et Ben M’hidi. Il fut le compagnon et l’ami de Fanon,
l’animateur précieux et infatigable d’El Moudjahid et de l’agence
Algérie Presse dont on sait l’influence qu’ils eurent sur la
mobilisation nationale et internationale pour le triomphe de la révolution.
Ce souffle révolutionnaire qui
était le sien il y a plus de 50 ans est resté intact jusqu’à la fin. Il
consacra ces derniers mois, quand ses forces physiques le lui permettaient,
à communiquer ce souffle et l’idéal de
cette Algérie révolutionnaire dont il fut l’acteur et le témoin. En effet, même
affaibli par la maladie, Pierre tenait à mobiliser et à éclairer avec une
générosité remarquable les générations
nées ici de ce combat libérateur et des sacrifices consentis pour
l’indépendance nationale.
Il présenta son livre et se prêta
en juin à l’exercice de conférences-débat au siège du Consulat d’Algérie à
Montpellier, à Ganges... Il témoignera par le moyen des média aussi (voir
l’interview accordé à Kaina-tv (http://www.kaina-tv.org/new-site/tag/pierre-chaulet/). Il tenait à dire et à éclairer avec toute sa raison et
sa force morale du bien-fondé de la lutte, de sa justesse et ceci contre les
thèses « négationnistes » ou « révisionnistes» qui
ont cours aujourd’hui.
Pierre était en cure de
traitement lorsque le livre écrit avec
Claudine est sorti à Alger [1].
Nous pouvons témoigner de sa joie et de son immense fierté d’avoir accompli
son devoir de mémoire lorsque nous lui avions apporté d’Alger des exemplaires
du livre. Fier parce qu’il pensait qu’il avait contribué utilement à écrire un
chapitre de l’Histoire sociale de la révolution algérienne, qu’il avait aussi
contribué à une réflexion collective sur ce que représentent la citoyenneté
algérienne et la nationalité algérienne aujourd’hui. Quelle joie aussi à la
suite de la lecture de la lettre envoyée par le Président de la République,
lettre qui faisait écho à la dédicace « toute politique »
accompagnant le livre qu’il lui avait adressé : le chef de l’Etat
rappelant le passé glorieux de moudjahid de Pierre le qualifie « non
d’un algérien à part entière, parmi le meilleur des algériens ». La fierté d’être algérien, d’appartenir à son
peuple et à cette terre qui l’a vu naître comme d’autres algériens dont les
origines étaient turques, andalouses, romaines, arabes… était là toujours
présente… Elle expliquait aussi tous ses engagements pour la construction du
pays.
La deuxième raison est donc celle de ses engagements aux
côtés des forces nationales qui ont à cœur l’édification de l’Etat
algérien. Pierre appréciait les
changements opérés dans le pays sur une échelle de l’histoire du pays qui dépasse
les contingences politiques du moment. Il savait distinguer le mouvement
profond de notre société et son engagement patriotique était là aussi sans
faille. Il arrivait à redonner espoir
dans l’avenir de l’Algérie.
Il rappelait ainsi dans ses
dernières conférences publiques qu’en dépit des déchirements de l’été 62, la
rentrée des classes s’était faite dans les écoles, que les terres coloniales
avaient été récupérées, que des comités de l’autogestion agricole et
industrielle avaient conservé et entretenu l’outil de travail, qu’ « El
moudjahid-Le peuple » paraissait… Que si les enfants étaient pieds
nus, que si la pauvreté était immense, que si des maladies comme la tuberculose
(les programmes de lutte contre la tuberculose furent l’une de principales
préoccupations par la suite) sévissaient, et 50 ans après le pays a changé.
Nous le citons : « Scolarisation
massive, plus de 30 000 médecins contre 200 en 1962 grâce à une réforme
des études médicales » (auxquelles il a activement contribué),
des centaines de milliers d’étudiants, d’autres réformes et chantiers
considérables ouverts et qui sont à l’origine de la transformation du pays ces
50 dernières années (réforme de l’enseignement des années 1970, réforme
agraire, bases industrielles qui ont été jetées)… A ses yeux, c’est cela qui
était important. L’Etat national se construit et cela représentait pour lui une
réalité historique inestimable. Le message que nous avons tous retenu en
l’écoutant est que par ces temps de bouleversements et de crise politique et
morale, de menaces qui pèsent sur le monde (il suivait l’actualité
internationale) c’est cette réalité qu’il faut défendre, que si les tâches ne sont certes pas accomplies, il ne faut désespérer de
l’avenir si l’on mesure les changements à une échelle de temps plus longue.
Pierre aura été modeste jusqu’au
bout : soulignons seulement sa contribution avec la rigueur intellectuelle
et la droiture qu’on lui connaît à la formation de générations de médecins ou
à la défense du système de santé publique
du pays au cours de ces 50 dernières années.
Une autre raison enfin de notre
admiration pour l’homme généreux dont la fidélité à ses idéaux de jeunesse
étaient sans cesse renouvelée. Les derniers messages de Pierre, ses propos
échangés à l’occasion de visites à l’hôpital ou chez Anne et Pierre son gendre
sont chargés d’espoir et d’un esprit de combat pour que les générations futures
poursuivent les objectifs portés par la Révolution de Novembre 1954 ou les
principes adoptés lors du Congrès de la Soummam (dont les textes ont été cachés
dans les langes de Luc et acheminés par Claudine). Pierre avait la conviction
que la révolution démocratique et
sociale pour laquelle il s’était engagé toute sa vie est dans le fond
inéluctable et sa certitude est que l’Histoire inspirée des principes de
Novembre reprendra son cours.
Notre grand frère Pierre avait
exprimé la volonté de revoir le pays où il voulait fermer les yeux. Toutes les
autorités (celles du consulat ici à Montpellier mais aussi les plus hautes
autorités du pays) s’étaient mobilisées il y a une semaine pour son transfert à
Alger. Il fut annulé son état s’étant subitement aggravé. Nous pensons à ses
proches, sa vieille tante Colette Reveill-Tamiato (dont il conservait
précieusement la photo sur lui), ses
frères et sœurs (Yves, Jean François, Marguerite et Christiane), ses enfants (Eve, Anne et Luc) et
petits enfants (le petit Yahia, Victoire, Céleste, Alice), Ghania et
Pierre et à tous qui ont été toujours présents et qui l’ont entouré de
leur immense affection et qui l’on aidé à vivre.
Nous avons aussi une pensée mêlée
de reconnaissance et d’émotions pour Claudine- « l’autre voix »
- dont on mesure la douleur après la disparition de celui, dont elle a, dès les
premières rencontres, épousé la cause, partagé la vie et poursuivi les combats pour « la
conquête de la citoyenneté » algérienne.
Montpellier, le 5 Octobre 2012
Pierre Chaulet avait 82 ans
Par Kamel LAKHDAR-CHAOUCHE - Samedi 06 Octobre 2012
Il (Réda Malek ndlr) avait connu Pierre Chaulet, aux premières heures de la Guerre de libération. Reda Malek, ancien chef du gouvernement et ancien directeur du quotidien El Moudjahid, organe central du FLN, relate dans cet entretien les qualités de celui qui a sacrifié toute sa vie au service de l'Algérie.
L'Expression: Le moudjahid Pierre Chaulet est décédé. Vous qui l'aviez connu, quel était son rôle pendant la guerre de Libération?
Réda Malek: Encore une fois, l'Algérie perd l'un de ses dignes fils. Un brave et valeureux, qui a défendu l'Algérie durant toute sa vie. Très jeune, il était épris de justice. Tôt, il manifesta sa prise de conscience et ses positions pour défendre le peuple algérien, broyé par la machine coloniale. Il faisait partie de ces Français d'origine, qui militaient aux côtés du peuple algérien, et aux premiers rangs, contre le colonialisme français. Il faisait partie de cette mouvance menée avec bravoure par l'archevêque d'Alger, le Cardinal Duval, Henri Alleg, André Mandouze, professeur à l'Université d'Alger, qui fonda en 1954 la revue «Consciences maghrébines», dans laquelle Chaulet avait affiché ses positions anticolonialistes. Fidèle à ses engagements humanistes et chrétiens, il dénonça les effets du colonialisme sur les colonisés mais aussi les survivances de l'idéologie coloniale et ses effets bien réels sur la société française actuelle.
Que dire de Pierre Chaulet en tant qu'homme et militant de la cause algérienne?
C'est un humaniste, un militant des causes justes. Un intellectuel averti et avisé. Que c'était, dès son jeune âge, un militant politique anticolonialiste, honnête, fermement engagé et responsable, qui a mis toute sa vie au service de l'Algérie pour son indépendance, mais aussi pour que l'Algérie des justes soit bâtie. Très jeune, Pierre Chaulet manifestait déjà son identité politique. Ainsi, bien avant la Révolution, il s'est montré un militant politique anticolonialiste, honnête, fermement engagé et responsable, faisant partie de ceux qui, par leur engagement dans l'action politique auprès du FLN, sont arrivés à conduire le destin du peuple algérien à son émancipation. Ne s'arrêtant pas là, Chaulet a continué son combat politique. Il était aux côtés des Algériens durant toute sa vie. Arrive le 1er Novembre, il rejoint les rangs de la Révolution algérienne à Alger en véritable militant de la cause algérienne s'engageant corps et âme. Ainsi, tôt, il se retrouva aux premiers rangs de la Révolution. Aux côtés d'Abane Randane, Benyoucef Benkhedda, et le docteur Lamine Debaghine, il se distingua par sa présence et son utilité avérée.
Grâce à lui, les dirigeants du CCE, direction centrale du FLN, se sont frayé un chemin durant la «Bataille d'Alger», pour fuir la capitale et rejoindre le maquis. En effet, c'était lui qui avait fait sortir Abane Ramdane d'Alger pour rejoindre le maquis avant de prendre le chemin vers la Tunisie. Ses activités ne s'arrêtaient pas là, il avait même rejoint la rédaction d' El-Moudjahid en 1956, où nous avions beaucoup travaillé ensemble. Il était d'un apport considérable. En plus de ce travail à l'intérieur des rangs de la Révolution algérienne, Pierre Chaulet, en compagnie d'André Mandouze, avait surtout servi de pan pour lier et renforcer les relations entre le Gouvernement provisoire de la république algérienne (Gpra) et l'église catholique que dirigeait l'archevêque, le Cardinal Duval, plaidant tous ensemble pour l'indépendance de l'Algérie. C'est dire, à l'évidence, que Pierre Chaulet se trouvait sur tous les fronts du combat mené par le peuple algérien pour le recouvrement de son indépendance. Son refus de l'arrogance, de l'oppression et l'injustice du système colonial sont autant de facteurs qui l'ont poussé, ainsi que son épouse Claudine Chaulet, à s'engager dans la Révolution. Ils étaient des progressistes et des militants de gauche. L'injustice révoltante est ce qui a guidé Pierre et Claudine à faire leur choix. C'est ce qui les a poussés à agir, à travailler dès le début dans le cadre du FLN, et à faire le choix de l'Algérie. Ils étaient Algériens à part entière.
Peut-on dire, donc, que Pierre Chaulet a inscrit son combat pour les causes justes même après l'Indépendance?
Après l'Indépendance, Pierre Chaulet resta en Algérie et décida lui et ses compagnons de lutter contre la tuberculose et se sont lancé le défi d'éradiquer cette maladie. Ils ont, en effet, réussi à relever ce défi.
Et encore, il a milité pour une médecine publique et gratuite. Il en a toujours mis son art et son génie au service de la médecine publique. Il l'un des membres fondateurs de l'APS, à Tunis en 1961.
Le Pr Chaulet a acquis la nationalité algérienne en 1963 conformément aux principes du FLN contenus dans l'appel du 1er Novembre 1954, qui a déclenché la guerre de Libération. Puis arriva, le terrorisme, le révolté, l'homme aux causes justes ne savait pas se taire. Il ne cachait pas ses positions, c'était même impossible pour lui d'assister indifférent au mal qui frappait de plein fouet l'Algérie. Il s'est toujours senti le devoir d'agir et de servir l'Algérie. D'où, les groupes terroristes lui ont adressé des menaces de mort.
C'était à la Rue Didouche Mourad que les terroristes lui ont bien signifié qu'il sera, à son tour, assassiné. Il quitta l'Algérie, mais sans tarder il y revient. Avec sa femme Claudine, ils ont d'ailleurs immortalisé leur combat et leur choix pour défendre et vivre en Algérie. Ainsi, ils ont co-écrit leurs mémoires: «Le choix de l'Algérie: deux voix, une mémoire», (sortie en 2012 aux éditions Barzakh). Dans ce livre, l'Algérie se retrouve elle-même, se reconnaît comme dans un miroir en ce qu'elle a de meilleur. Peut-on être plus Algérien que ce couple de souche française dont la rectitude, le courage et le sang-froid restent indissociables de l'une des plus prodigieuses insurrections nationales du XXIe siècle? Et enfin, il faut bien dire et le répéter que pour l'Algérie, Pierre Chaulet constitue un symbole de la Révolution algérienne et son ouverture sur le monde universel.
Décès à
Alger du professeur Pierre Chaulet
le
05.10.12 | 11h08 | mis à jour le 05.10.12 | 19h06
© Souhil Baghdadi (El Watan)
Le professeur Pierre Chaulet
Photo : Souhil
Baghdadi (El Watan)
Le
professeur Pierre Chaulet, est décédé vendredi à l'âge de 82 ans à Alger des
suites d'une longue maladie a annoncé la radio nationale algérienne.
Pierre Chaulet est né à Alger en 1930. Il est
médecin résistant durant la guerre d'Algérie au coté du FLN. Il a effectué des
opérations secrètes avec les combattants du FLN sous les ordres de Abane
Ramdane.
Le Pr Chaulet a réussi, avec sa femme Claudine
qui avait également épousé la cause algérienne, à rejoindre le FLN en Tunisie
où il a continué ses activités à la fois comme médecin et comme journaliste au
journal du FLN, El Moudjahid. Il est l'un un des membres
fondateurs de l'agence de presse algérienne APS, à Tunis en 1961.
A l'indépendance de l'Algérie, il obtient la
nationalité, puis occupe de nombreuses fonctions. Il a été professeur de
médecine de 1967 à 1994. Chargé de mission pour la santé auprès du chef du
gouvernement (1992-94) et vice-président de l’Observatoire national des droits
de l’homme (1992-96), il a été également expert de la tuberculose auprès de
l’OMS depuis 1981 et consultant en santé publique auprès du Conseil national
économique et social (CNES) depuis 2006.
Avec Claudine, qui a été professeur de
sociologie à l'université d'Alger, il a co écrit un livre relatant leurs
mémoires : "Le choix de l'Algérie : deux voix, une mémoire",
sortie en 2012 aux éditions Barzakh.
Le regretté sera inhumé samedi au carré
chrétien du cimetière de Diar Saada (Alger).
Chaulet fervent militants de la cause algérienne.
C’est
un monument de la cause algérienne qui s’en est allé hier. Il s’en est allé
subrepticement, avec cette nette et étrange impression que la patrie ne lui a
pas été assez reconnaissante. C’est une pépite à la valeur inestimable du
combat émancipateur du peuple algérien, un juste parmi les justes que l’Algérie
vient de perdre à jamais.
Pierre Chaulet est décédé hier, à Montpellier, des suites d’une
longue maladie. Il sera rapatrié lundi et inhumé mardi à Alger (conformément à
sa volonté), la ville qui l’a vu naître, où il a vécu et combattu sa vie
durant. Jusqu’à ses ultimes instants de vie, le professeur Chaulet a voulu et
désiré ardemment sa patrie. Hospitalisé depuis plusieurs mois en France, le
professeur Chaulet demandait à rentrer chez lui pour dormir enfin du sommeil du
juste. Avec Claudine, son épouse et compagne de lutte, Pierre Chaulet a frayé
toute sa vie avec le mouvement national, a connu et fréquenté ses «grands» hommes,
chevilles ouvrières et anonymes porteurs d’eau ; il était acteur et témoin de
ses événements charnières. Le couple mythique de la Révolution algérienne
abhorrait les feux des projecteurs et la rhétorique patriotarde ; il cultivait
dévotement la discrétion, la modestie. Leur engagement pour l’indépendance de
l’Algérie et au-delà, authentique et désintéressé, a forcé le respect de
plusieurs générations d’Algériens.
«Non-musulmans, ils avaient, eux, de manière
spécialement vitale, besoin d’une nation algérienne», écrivait l’historien
Gilbert Meynier à propos de cette «mince frange» de pieds-noirs et de juifs
d’Algérie engagés dans la lutte de Libération nationale. Car du point de vue de
l’identification nationale, les pieds-noirs nationalistes algériens FLN,
«furent d’authentiques Algériens, étrangers qu’ils étaient tant au
communautarisme de base des Arabo-Berbères qu’au communautarisme mahométan
universel ; et parce qu’ils avaient pratiquement rompu avec leur communauté
originelle tant leur engagement était exceptionnel».
Pierre Chaulet n’aimait pas cette présentation un
tantinet cajoleuse mais biaisée aux entournures. «Gilbert (Meynier) écrit ce
qu’il veut», nous répondit, excédé, le professeur qui aimait se définir comme
un «militant FLN, canal Abane» (lire l’entretien paru dans El Watan en avril
2011). Pour Pierre Chaulet, leur engagement «naturel» était «l’illustration que
la guerre n’était pas raciste, confessionnelle ; que des gens génétiquement pas
Algériens se considéraient comme tels, en tant que partie prenante de l’Algérie
en combat».
En parlant de lui, son vieil ami et compagnon de route, Rédha Malek, ne
tarissait pas d’éloges : «Son sens précoce de la justice face aux inégalités
s’est aiguisé au fil des ans et s’est épanoui au cours de la Révolution»,
disait le négociateur des Accords d’Evian.
«Militant FLN, canal Abane»
1er Novembre 1954 au soir. Pierre Chaulet apprend de
son ami Mohamed Laichaoui, journaliste et militant du MTLD, le déclenchement de
la lutte armée. Contrairement à Camus et aux centaines de milliers d’Européens
d’Algérie, Chaulet n’avait pas choisi le parti de sa «mère», mais l’Algérie, le
parti de la justice. «Il était clair pour moi que j’étais non seulement
solidaire d’un camp, mais dans un camp : je n’avais pas à faire de choix»,
racontait-il. Pierre Chaulet avait 24 ans. Il venait de terminer ses études de
médecine.
Dans Majallat Et Tarikh (édité par le Centre
national d’études historiques, 1984), il se dit «né à Alger de parents nés
eux-mêmes en Algérie, élevé à Alger. Responsable dans des mouvements de
jeunesse chrétiens, je n’appartenais à aucun parti. Je ne parlais pas arabe.
J’avais un avenir, simplement tracé, de promotion sociale par les études
universitaires. Un Européen algérois ordinaire ? Pas exactement, car au-delà du
milieu étudiant, j’avais des amis algériens dont, depuis deux ans, j’étais
devenu étroitement solidaire. En rappelant comment ces amitiés ont pu se nouer
et se transformer en solidarité de lutte, on peut espérer faire comprendre
pourquoi mon engagement paraissait naturel en tant qu’aboutissement d’une
évolution personnelle et exceptionnel, puisque, en situation coloniale, les
rencontres à égalité sont contraires à l’ordre des choses».
Un engagement «naturel» qui n’a pas toujours été
apprécié à sa juste valeur par ses frères d’armes.
A l’indépendance, nombre d’Européens d’Algérie qui avaient rallié avec armes et
bagages la «cause» ont obtenu la nationalité algérienne… par décret ! Suprême
humiliation. Le code de la nationalité (1963) a laissé cette catégorie
d’Algériens en rade.
«Je ne regrette rien… surtout pas d’avoir
espéré»
Bien avant, en 1960, les prémices de cet affront
fait à ces militants se manifestaient déjà. Lors du congrès de l’Ugema à Tunis,
les Chaulet protestaient devant Ferhat Abbas contre l’annulation de l’élection
d’une étudiante algérienne d’origine juive par la section de Berlin, la future
psychiatre Alice Geronimi-Cherki. Leur lettre adressée au président du GPRA
restera dans les annales pour avoir mis le doigt sur une de ces blessures
mortelles infligées à des militants non musulmans qui avaient rejoint la lutte
sur la seule base de la Déclaration du 1er Novembre, proclamation imperméable
qu’elle était aux marqueurs éthique et religieux. «Dire à Madame Cherki,
écrivent les Chaulet, qu’elle est d’origine européenne alors qu’il s’agit d’une
indigène algérienne authentique est une grossièreté gratuite qu’il est
difficile de croire involontaire. A tout moment un Algérien non musulman peut
être considéré comme un citoyen de seconde zone, un Européen libéral
sympathisant, un étranger toléré.»
La lettre est restée sans suite. Un demi-siècle
après l’indépendance, la même injustice frappe cette catégorie d’Algériens. «Je
pense que les termes de cette lettre, disait Pierre Chaulet, sont d’actualité
quand on constate la dérive communautariste de l’opinion de la majorité de nos
concitoyens, en particulier des plus jeunes qui ignorent l’histoire du
Mouvement national et pour qui des gens comme nous sont vus davantage comme des
‘’amis de l’Algérie’’ (donc en quelque sorte ‘’extérieurs’’) que comme des
concitoyens égaux en droits et en devoirs.»
L’enfer de l’été 1962, les luttes fratricides pour le pouvoir, le débarquement
de l’armée des frontières qui ont suivi ne le laisseront pas indifférent.
Perplexe plutôt. «Je n’avais pas à prendre partie. J’étais simple militant de
base (…). On disait ce qu’on pensait jusqu’au moment où le FLN nous a
abandonnés : il y avait une coupure due aux querelles d’appareils. Il n’y avait
aucune raison de faire du suivisme. On nous a dit : rentrez chez vous, on vous
appellera dès qu’on aura besoin de vous. On avait tout de suite compris.»
A l’indépendance, Pierre Chaulet reste sur le pied
de guerre. Dans la santé publique, l’aura du professeur Chaulet frise le mythe.
L’organisation de la lutte contre la tuberculose, son éradication presque,
c’est essentiellement lui. Il ne quittera son pays (pour la Suisse) que forcé,
en 1994. Son nom figurait sur une liste de personnalités à abattre par les
groupes islamistes armés. «Deux phénomènes, plaisantait-il, m’ont poussé à
quitter l’Algérie : les paras et les barbus.» Au crépuscule de sa vie, Chaulet
disait ne rien regretter de ses choix et engagements : «Je ne regrette surtout
pas d’avoir espéré (conférence à Alger, 19 décembre 2006). Grâce aux
compétences acquises, à l’engagement et à la vigilance d’hommes et de femmes
conscients des réalités actuelles, issus des nouvelles générations formées
après l’indépendance et grâce à elles, j’espère encore. Malgré tout.»
Bio express :
Né à Alger le 27 mars 1930, de parents catholiques
sociaux engagés dans le syndicalisme chrétien, eux-mêmes nés en Algérie, il
effectue ses études primaires et secondaires au collège Notre-Dame d’Afrique,
puis des études de médecine à Alger. C’est à l’université, entre 1947 et 1950,
qu’il prend conscience des limites du réformisme social ainsi que de la puissance
du juste mouvement d’émancipation des peuples anciennement colonisés. Devenu
responsable de mouvements de jeunesse éducatifs catholiques (notamment par le
scoutisme), il participe aux contacts entrepris en 1951 entre les responsables
de mouvements de jeunesse en Algérie. Il contribue à la création de
l’Association de la jeunesse algérienne pour l’action sociale (AJAAS) en 1952
et devient membre du comité de rédaction de la revue Consciences Maghrébines
(1954-1956).
A partir de décembre 1954, Pierre Chaulet milite à
Alger dans le FLN (transport et hébergement de militants et responsables
clandestins – dont Ramdane Abane et Larbi ben M’hidi –, soins aux malades et
aux blessés, diffusion des tracts du FLN et d’El Moudjahid clandestin).
Correspondant du journal l’Action (Tunis) de décembre 1955 à février 1957, il
est arrêté une première fois en novembre 1956 en même temps que sa sœur, puis
relâché faute de preuves ; il est encore arrêté et emprisonné à Serkadji en
février 1957, puis expulsé d’Algérie en mai 1957. En décembre 1957, il soutient
sa thèse de doctorat en médecine à Paris et rejoint Tunis, où son épouse
Claudine et son fils Luc l’ont précédé. Il participe alors régulièrement,
jusqu’en juillet 1962, à la rédaction d’El Moudjahid (en langue française) et à
diverses activités développées dans le cadre du ministère de l’Information du
GPRA (centre de documentation, commission cinéma-son) tout en poursuivant son
activité professionnelle de médecin spécialiste dans la santé publique
tunisienne et au service de santé de l’ALN-FLN (base de Tunisie). Il participe
aux groupes de travail chargés de préparer des dossiers pour les pourparlers
algéro-français qui aboutiront aux Accords d’Evian.
Après l’indépendance, sa carrière professionnelle
est consacrée à la santé publique. La nationalité algérienne lui ayant été
officiellement reconnue en juillet 1963, il est d’abord médecin spécialiste à
temps plein, puis assistant et enfin maître de conférences agrégé à la clinique
de pneumo-phtisiologie du CHU Mustapha jusqu’en 1971, avant de devenir
professeur chef de service de pneumo-phtisiologie au CHU de Beni Messous de
1972 à 1994. C’est à ces postes qu’il contribue, avec ses collègues, à
l’organisation de la lutte contre la tuberculose au niveau national et qu’il développe,
par l’enseignement et la recherche, des stratégies de prise en charge des
principales maladies respiratoires en Algérie. Parallèlement, il est élu
délégué à l’Assemblée populaire communale d’Alger de 1967 à 1971, et
vice-président de l’Observatoire national des droits de l’homme de 1992 à 1996.
De juin 1992 à février 1994, il est chargé de
mission (pour le secteur de la santé) auprès du chef du gouvernement (Belaïd
Abdesselam, puis Rédha Malek).En février 1994, directement menacé par le
terrorisme islamiste, Pierre Chaulet s’exile à Genève où il travaille pendant
quatre ans et demi comme médecin de l’OMS dans le Programme mondial de lutte
contre la tuberculose, accomplissant à ce titre de nombreuses missions en
Afrique, au Moyen-Orient et en Asie. De retour à Alger depuis 1999, il fait
partie du Comité national d’experts de la tuberculose et des maladies
respiratoires auprès du ministre de la Santé et devient consultant en
stratégies de santé publique auprès du Conseil national économique et social depuis
2006.
La
dernière interview du professeur Pierre Chaulet
«Je suis
Algérien à part entière»
L’équipe du journal El Moudjahid à l’imprimerie de La Presse de Tunisie
(M’hammed Yazid, Mahieddine Moussaoui et Pierre Chaulet), avril 1959, collection Kouaci....
Dans
un entretien qu’il nous avait accordé, resté inédit, le professeur Chaulet
s’exprimait au sujet de la place des Européens qui se sont engagés dans la
lutte de Libération nationale et refusait d’enfermer ces militants dans leur
origine, comme cela a été souvent le cas. Nous publions ici l’interview en
hommage au défunt.
-Les Algériens d’origine européenne jouissent-ils pleinement de
leur citoyenneté algérienne ?
Je n’ai pas qualité pour répondre au nom de cette
catégorie de citoyens.D’ailleurs, je trouve discriminatoire de citer les
personnes en fonction de leur origine, ce qui était une pratique coloniale.
Parle-t-on des Algériens d’origine turque ou kurde ou tcherkesse ou maltaise ou
andalouse ? Il se trouve que, historiquement, le peuplement colonial, constitué
à la suite de l’occupation française du pays au XIXe siècle, a laissé en
Algérie des descendants dont certains ont choisi non seulement de participer à
la lutte de Libération nationale, mais aussi de s’intégrer à l’Algérie
indépendante, dans le respect des valeurs culturelles et civilisationnelles de
la nation, en participant à leur place et selon leurs compétences aux tâches de
l’édification nationale ainsi qu’aux débats et aux luttes politiques,
professionnelles ou syndicales, avec les autres Algériens et comme d’autres
Algériens.
Pour ma part, depuis l’indépendance, j’ai joui
pleinement de la citoyenneté algérienne qui m’a été reconnue dès 1963,
conformément aux principes contenus dans l’appel du 1er Novembre 1954,
renouvelés dans la Charte de la Soummam en 1956. Il faut souligner que dans
l’histoire générale de la décolonisation, l’Algérie est le premier pays à avoir
offert la citoyenneté et la nationalité aux personnes issues du peuplement
colonial qui accepteraient l’égalité des droits et des devoirs de tous les
citoyens.
C’est ainsi que je suis devenu fonctionnaire de
l’Etat algérien en qualité d’enseignant puis de professeur de médecine, que
j’ai été élu à la première Assemblée populaire communale de la ville d’Alger,
et élu comme vice-président de l’Observatoire national des droits de l’homme,
puis chargé de mission pour la santé auprès du chef du gouvernement. Ces
engagements m’ont valu d’être menacé de mort, comme d’autres Algériens au cours
de la décennie noire, et un exil de plus de 4 ans. A mon retour, ayant pris ma
retraite, j’ai participé bénévolement à l’enseignement universitaire et apporté
ma contribution d’expert OMS et de consultant en santé publique au ministère
chargé de la Santé et au Conseil national économique et social. Je m’excuse de
raconter tout cela parce que je n’aime pas parler de moi, mais je le fais pour
vous confirmer que je suis un citoyen algérien à part entière.
-L’engagement de ces Algériens «d’origine
européenne» en faveur de l’indépendance de l’Algérie est-il reconnu par
l’histoire officielle ? Si ce n’est pas le cas, pourquoi, selon vous ?
Tout d’abord, je voudrais bien savoir ce qu’est
l’histoire officielle. Il y a épisodiquement, à l’occasion de dates
anniversaires, des rappels historiques plus ou moins complets. On lit
maintenant de plus en plus souvent des témoignages d’acteurs de ce bouleversement
social et politique énorme qu’a été la Révolution algérienne. Il me semble que
l’engagement de la petite poignée de militants issus de la minorité de
peuplement colonial ou de la minorité juive d’Algérie n’est ni mieux ni moins
connue que l’engagement et le sacrifice de milliers d’autres militants
anonymes, hommes et femmes, des villes et des campagnes. C’est la tâche immense
des historiens de rétablir les faits, de recouper les témoignages et d’écrire
la véritable histoire sociale de la Révolution. Progressivement, ce travail est
en train de s’accomplir.
-Mais il y a le cas de Félix Collozi…
Ce militant anticolonialiste a été condamné aux
travaux forcés à perpétuité en raison de sa participation à la lutte de
Libération nationale. C’est à ce titre que la nationalité algérienne lui avait
été reconnue. Il a été déchu de la nationalité algérienne par décret
présidentiel en 1968, apparemment pour des raisons politiques, puisque, à ma
connaissance, il n’a pas mené d’action subversive contre l’Etat ni préconisé
l’assassinat d’autres Algériens. Je pense que son cas mérite d’être pris en
charge par les instances ou institutions en charge de la protection, de la
défense ou de la promotion des droits de l’homme en vue du réexamen de sa
situation et d’une réparation amplement méritée après plus de 40 ans, alors
qu’il vit en Algérie et que je le rencontre chaque fois que nous honorons la
mémoire des martyrs condamnés à mort et exécutés.
-Pourquoi, quand on parle d’eux, on utilise
souvent la formule «amis de l’Algérie» ?
Je pense que c’est le résultat de l’amnésie et de
l’inculture politique et historique, entretenues par la dérive
«communautariste» de la conception de la nation algérienne, actuellement
dominante à l’école et dans la majorité des discours «commémoratifs» officiels.
Parmi les amis de l’Algérie, on classe tous ceux qui, tout en gardant leur
nationalité d’origine, ont aidé notre lutte : je pense aux amis du réseau
Jeanson et aux autres amis de Belgique, de Suisse, d’Allemagne, souvent
qualifiés de «porteurs de valises» ou encore de «porteurs d’espoir». Cette
classification est commode pour certains de nos compatriotes, souvent encore
attachés à une conception étroite et réductrice de la nation algérienne, qui
n’était pas celle des rédacteurs de l’Appel du 1er Novembre 1954. Cela évite
d’avoir à considérer ces personnes non seulement comme des concitoyens, mais
aussi comme des compatriotes, égaux en droits et en devoirs, subissant les
mêmes contraintes et participant aux mêmes espoirs et aux mêmes combats que les
autres Algériens. Mais heureusement, les pratiques sociales dépassent les
préjugés idéologiques et la vie, comme l’Algérie, a des visages multiples..
Hacen Ouali