Un récit parsemé de paraboles
Pierre et Farid sont dans la même cellule du quartier des condamnés à mort de la prison de Lambèse.
Pierre Chaumet est né à Vialar (Tisemsilt) et est entré clandestinement en Algérie pour retrouver sa vraie mère Aïcha. Tout au long de son périple, il va découvrir une Algérie bien mal en point et il va remonter au jour bien des aspects très dangereux de la guerre d’Algérie.
Farid a participé aux massacres commis par les islamistes. Entre ces deux personnages un long dialogue va s’établir, alors que la direction de la prison s’apprête à recevoir une délégation internationale.
Dans un style qui n’appartient qu’à lui, généreux et vigoureux, Boualem Sansal nous fait vivre cette quête identitaire et les multiples découvertes qu’elle occasionne. L’auteur ne fait aucune concession aux dirigeants de son pays et nous invite à réfléchir sur le devenir de ce pays. On l’aura compris, ce dialogue entre un « pied noir » et un arabe est hautement symbolique comme l’est tout autant le titre de ce cet ouvrage. Il est d’ailleurs intéressant d’avoir le regard de Boualem Sansal sur ce curieux intitulé, « L’enfant fou de l’arbre creux » :
« Lambèse est emblématique de ce qu’est devenue l’Algérie depuis 62, c’est une grande prison. Jusqu’aux années 80, on ne voyageait à l’étranger qu’avec une autorisation, on ne pouvait rien faire, on n’avait aucune liberté politique, C’était l’enfermement. L’arrivée des islamistes a encore aggravé la situation : non seulement on pouvait nous mettre physiquement en prison, mais intellectuellement, spirituellement aussi, l’algérie était une prison. Hélas, c’est comme ça. En situant mon histoire à Lambèse, c’est l’Algérie. « L’enfant fou de l’arbre creux » peut symboliser le peuple algérien qui était infantilisé par des discours extrêmement primitifs. Il est enchaîné, aveuglé… L’arbre creux c’est cette Algérie dont on a enlevé toute la richesse, toute la substance, c’est un arbre sec. Pourquoi un Français et un Algérien, parce que c’est le centre de la problématique. On a des relations compliquées avec la France. Il y a plus d’un million d’Algériens qui vivent en France, il y a une histoire commune, ses bons côtés, ses mauvais côtés et ses horreurs. C’était pour moi intéressant de mettre le débat, car le roman est un débat, un échange entre un Français et un Algérien. Chacun racontant sa conception de l’Algérie.
Cet enfant enchaîné au milieu de la cour de Lambèse, il n’existe pas : il est clair que c’est un symbole. Et les symboles ne se voient pas. On le voit seulement quand on est préparé, quand on le veut, quand on a les moyens de le voir. Donc moi-même je me pose la question est-ce que les gens de Lambèse, ces prisonniers qui regardent la cour à travers les grilles, voient cet enfant fou, ce peuple rendu fou par cette politique absurde, celle que nous avons menée depuis 62, ce peuple qui est infantilisé qui est aveugle ? A un moment donné, on découvre que cet enfant, en plus d’être fou et de se trouver dans cette position paradoxale, est aveugle. Non, on ne le voit pas mais on le sent. Mais évidemment, lui, Pierre, le Français en prison avec Farid, le voit, car il vient de l’extérieur. Pour l’observateur extérieur, c’est relativement facile de voir que le peuple algérien a été abruti, enchaîné, aveuglé, infantilisé démuni de moyens d’analyser et de discernement, donc en définitive détruit. »
Interview, Le Quotidien d’Oran, 24/09/2000
L’écriture de Boualem Sansal est toujours aussi truculente et porte le récit vers des sommets. Les paraboles se multiplient à travers le récit. La critique est très vive et fait mouche.
Souhaitons que des arbres vigoureux recouvrent l’Algérie et que le peuple algérien soit de moins en moins aveugle pour faire pousser ces arbres d’une Algérie prospère.
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