mercredi 10 août 2011

Pourquoi l’Algérie ne peut être un pays de tourisme



Accueil rébarbatif, absence totale d’hygiène…

Notre pays est beau, vaste, diversifié et contrasté. Déployé sur une étendue de 2 381 740 km2, soit quatre fois la France hexagonale, il dispose d’atouts multiples : naturel, géographique, économique, etc. mais que gâchent et défigurent des pratiques sociales dévastatrices que nul discours officiel ne saurait nier ou masquer.

Nos officiels chargés de ce secteur vital ont beau discourir et enjoliver les œuvres accomplies ou à accomplir dans l’avenir en matière du développement d’infrastructures, d’accueil et de services, notre pays demeure pourtant fort arriéré en ce domaine. Là, cependant, où le discours officiel dit vrai, c’est quand il fait valoir la beauté de nos paysages et de nos plages pittoresques et révèle, avec des chiffres à l’appui , des réalisations «grandioses» en termes de structures physiques, d’équipements et de personnel «formé» ou à former dans l’immédiat. De fait, notre pays est beau, si beau et si attachant que les colons européens, à commencer par les Alsaciens Lorrains, les Espagnols, les Italiens, les Corses et les Maltais, ne s’étaient pas imaginé un seul instant l’abandonner un jour. Au lendemain de l’insurrection du 1er novembre 1954, ils furent si affolés et si paniqués qu’ils firent feu de tous bois pour conserver leur «Algérie française» qu’ils chérissaient et regardaient comme un Eden sans pareil au monde. Ils n’avaient point tort.

Car, en effet, et partout, du Nord au Sud, d’Ouest en Est, le pays recèle, outre les plaines fertiles et nourricières de la Mitidja, des Hauts-Plateaux céréaliers, et de bien d’autres, des sites naturels merveilleux, des vues panoramiques extrêmement prenantes qu’illustrent, entre autres, les corniches (Jijel-Bougie), les gorges de Kherrata et de Lakhdaria, naguère baptisées Porte de fer, le golfe d’Oran, de Skikda, la baie d’Alger, les gorges du Rhumel, les merveilleux Balcons de Ghoufi dans les Aurès. Tous ces sites splendides constituent autant de trésors que la nature en a fait un don «spécial» à l’Algérie. Beauté d’un pays sacrifié sur l’autel de l’indifférence et du dilettantisme professionnel.

Des voyageurs européens du XIXe siècle, et parmi lesquels des écrivains illustres, avaient fait une description objective et vivante de l’Algérie et de ses paysages. J’en cite ici qu’un seul parmi eux : Guy de Maupassant. En abordant pour la première fois la baie d’Alger, en 1863, celui-ci ne put s’empêcher d’extérioriser les émotions qui manquèrent de l’étrangler à la vue de cette dernière depuis les hauteurs d’Alger : «Féerie inespérée, écrivit-il, et qui ravit l’esprit ! Alger a passé mes attentes. Qu’elle est jolie, la ville de neige sous l’éblouissante lumière ! (...) De la pointe de la jetée, le coup d’œil sur la ville est merveilleux. On regarde, extasié, cette cascade éclatante de maisons dégringolant les unes sur les autres du haut de la montagne jusqu’à la mer. On dirait une écume de torrent, une écume d’une blancheur folle ; et de place en place, comme un bouillonnement plus gros, une mosquée éclatante luit sous le soleil.»

Alger, ainsi décrite, n’est pas l’Algérie ; elle n’en est qu’une facette parmi bien d’autres : «Féeries» que l’écrivain alors en quête d’exotismes «indigènes» n’avait pas eu l’occasion de découvrir. Car plus au Sud, à quelque trois mille kilomètres environ d’Alger, se dresse majestueusement le massif volcanique du Hoggar, dont le point culminant se situe au Djabal Tahat (2908m). Les paysages lunaires qui l’entourent avec leurs collines en manière de «coupoles» et de têtes de sphinx que l’érosion éolienne a dessinées avec un art consommé à travers les millénaires sont d’une rare beauté de formes et de couleurs. Les intenses lumières qui les baignent au coucher du soleil accentuent et précisent les moindres détails et linéaments qui les traversent de part en part. Chef-d’œuvre exceptionnel du créateur ou du travail spontané de la nature - je ne sais -, ces sites aux paysages extraordinaires offrent au regard fatigué par la monotonie des villes bruyantes et polluées de la «civilisation» urbaine des moments de repos, de méditation et d’exaltation salvatrices.

Le paradoxe d’un beau pays qui repousse plus qu’il n’attire le tourisme
Bien que certains rapports internationaux classent l’Algérie au dixième rang parmi les plus beaux pays du monde en termes de contraste, de beauté et de diversité naturelle et géographique, elle demeure cependant une des nations les moins attractives pour le tourisme étranger. A quoi est due cette répugnance manifestée chez le touriste étranger à venir chez nous, bien qu’il puisse être fasciné et admiratif devant les images qui se présentent à son regard à travers les prospectus des agences de voyage ou à travers l’Internet ? On sait que les étrangers, notamment les Européens et les Américains du Nord, qui se révèlent être de grands voyageurs et qui ressentent du fait de leur culture un grand besoin de découvrir les choses et les objets du monde, y compris les objets «ethniques», connaissent toutes les destinations touristiques du monde les mieux cotées. Or, ils savent tous que l’Algérie figure parmi les pays féeriques de leurs rêves et désirs d’escapades. Pourtant, notre pays ne les tente guère. Pourquoi ? Les raisons en sont multiples et peuvent se ramener à plusieurs facteurs dont les plus saillants sont :

-Un accueil incivique et rébarbatif ;
-un manque flagrant de propreté ;
-des plages saturées et transformées en une immense poubelle.

Un accueil rébarbatif et hargneux
Puisque le tourisme ne se limite pas aux complexes de luxe et ne s’intéresse pas forcément à des hôtels de quatre ou cinq étoiles, mais concerne aussi tous les lieux de curiosités et de découverte de l’insolite, du folklorique et du pittoresque, commençons alors par les lieux publics simples et la manière dont ils accueillent le client ordinaire. En effet, partout, et dans quelque lieu où vous foulez des pieds un lieu public (café, restaurant, hôtel, magasin d’alimentation…) l’accueil est exécrable. Le patron ou le garçon de café vous accueille avec une face rébarbative, et heureux si vous ne vous faites pas insulter en lui faisant la remarque sur son attitude peu rassise à votre égard.

Lui demande-t-on gentiment d’essuyer la table encrassée ? Le garçon, et parfois le patron lui-même, vous envoie promener de manière cassante. Si, inversement, le garçon est aimable et de bonne humeur, il opinera de la tête tout en vous faisant attendre une demi-heure ou plus pour nettoyer la table et vous servir. Dans la plupart de ces cafés et restaurants populaires, la politesse, la civilité et la propreté ne sont pas les choses les mieux prisées. Ces traits de conduite vertueuse ne sont pas intégrés dans leur univers mental orienté qu’il est exclusivement vers l’utilitaire et le service «minimal».

 
Un manque flagrant d’hygiène et de propreté
Au mauvais accueil réservé à la clientèle bigarrée, s’ajoute le manque d’hygiène. Comme on le verra sous peu, ce phénomène manifeste n’épargne pas les complexes dits pompeusement «touristiques». Certains hôtels classés quatre ou cinq étoiles ne sont pas à l’abri de la saleté ni de la présence envahissante de ces cafards aussi nuisibles à la santé que répugnants aux regards allergiques. L’exemple des waters (toilettes), illustre de manière frappante le peu de cas accordé à la propreté et au respect du client. En effet, parmi les 802 cafés et restaurants répartis entre le nord (Alger), l’Est (Constantine, Annaba), l’Ouest (Oran) et le Sud (Biskra, Touggourt, Ouargla…) dont je fus un client de passage, il n’est pas un seul qui dispose de waters (WC) propres ou d’une porte qui ferme.

Certains n’en disposent d’ailleurs pas quand d’autres sont bouchés par d’énormes monticules d’excréments aux odeurs pestilentielles. Mais le plus cocasse et qui se répète sous toutes les latitudes du pays, c’est la fermeture à clé des quelques waters fonctionnant tant bien que mal. Si vous n’êtes pas un client familier des lieux, vous ne pouvez pas espérer obtenir du cafetier la clé en question et vous risquez fort bien, dans ces conditions, faire dans votre froc. Il lui indiffère que vous soyez indisposé par quelque crise digestive ou en proie à une diarrhée aiguë.

Le gain facile au détriment de la propreté
Le pire, c’est que beaucoup de restaurants à grillades ne disposent pas de WC ou disposent de toilettes mais mitoyennes avec la cuisine de telle sorte que les vapeurs fétides des unes se mêlent à la fumée et aux odeurs piquantes de l’autre. Les lavabos sont généralement crasseux, faute d’eau mais aussi faute de soin et de propreté de la part des gérants et des patrons dont les soucis majeurs semblent être le gain facile, l’accumulation d’argent. Ne parlons pas des serviettes noires de saleté que l’on trouve accrochées près de ces lavabos dont les robinets sont souvent «secs» ou coulent au ralenti. Ces serviettes servent non seulement à s’essuyer les mains, mais aussi les moustaches souillées de graisses animales ! Gondolées et rêches, il semble qu’elles n’ont jamais été lavées depuis leur mise en service, qui pourrait remonter à quelques années en arrière.

Mais ce n’est pas fini : lorsque les garçons ne portent pas la tenue réglementaire, comme c’est souvent le cas, au point de se confondre avec les clients qu’ils servent, les rares qui en portent sont affublés de tabliers de couleur blanche, mais se trouvant recouverts d’épaisses et larges couches noires d’aliments et de graisses d’origine diverses, végétales et animales. Certains garçons que j’ai pu observer, s’en servent également pour essuyer non seulement leurs mains dégoulinantes de matières visqueuses, mais aussi leurs crottes de nez tout en remuant de leurs doigts aux ongles non moins noirs de crasse les bouts de viande entreposés sur les braises !

Les marchands de pâtisseries, de zlabiyya, de viande, etc. ne sont pas en reste. Ils servent le produit de leurs mains calleuses et moites pendant que leur front ruisselle de sueur dont certaines gouttes viennent s’infiltrer dans les aliments sous le regard du client qui paraît complètement indifférent ou accoutumé à cette pratique d’«hygiène» d’un autre âge. Les mains gluantes de miel et de sucre auxquelles se mêlent les sueurs humaines à force de distribuer des poignées de mains à des dizaines de personnes par jour, le vendeur de zlabiyya ne se gêne pas par ailleurs de lécher ses doigts pendant qu’il vous sert, et certains s’enfoncent même une grosse chique dans la bouche ou la retirent de leurs gencives pourries tout en malaxant le produit de leurs mains horriblement encrassées.

Il en est en effet qui fourrent même leur index dans les narines et en retirent des matières flasques qu’ils plaquent aussitôt sur leurs vêtements déjà repoussants de saleté… Quant aux bouchers, ils ne font pas plus de cas, en matière de soin et d’hygiène, que les marchands de sucreries. Ils manipulent la viande avec des mains imprégnées de tabac, de poussière et d’autres particules invisibles de microbes, et vous rendent la monnaie, en papiers ou en pièces, complètement tachetée de sang et de graisse. Les poissonniers, comme les pâtissiers, font de même. La monnaie qu’ils vous rendent est soit poisseuse, soit visqueuse. Quelle sensation désagréable n’éprouve-t-on pas au toucher de cette monnaie collante!

Quand la propreté se trouve aux prises avec le diable et la violence
Ce n’est pas caricaturer la réalité que de décrire les choses telles qu’elles se présentent à l’œil nu. Il s’agit là, au contraire, d’images vivantes d’un pays qui semble faire fi des règles élémentaires de propreté et d’hygiène et dont les citoyens, marchands et consommateurs, ont l’air de bien s’accommoder de cet état de fait lamentable. On a beau se vanter en effet que l’Islam est la religion la plus propre de toutes les religions célestes, et l’on a beau évoquer le hâdith ou la maxime sainte selon laquelle «la propreté vient de la foi, et la saleté procède du diable» ( an nâdhafâ min al imân wa lawsakh min al chitan), il reste que le chitane semble, en l’occurrence, l’emporter au loin sur la prétendue foi en la propreté… Nos bouchers, entre autres, sont la preuve contraire de cette assertion : en exposant des cadavres d’animaux égorgés, sanguinolents, sur le bord des trottoirs poussiéreux que bordent parfois des caniveaux charriant des eaux verdâtres, sans parler des fumées des pots d’échappement, ils montrent par-là même que la propreté est le cadet de leur souci.

La légende du client roi n’est pas de mise en Algérie

La même insouciance, la même indifférence et les mêmes manquements aux règles de propreté se retrouvent quasiment partagés par la plupart des commerçants, y compris des clients dont l’exigence en matière d’hygiène est presque nulle. Ici, l’on mesure combien l’on sacrifie alors la propreté et la santé du citoyen au seul gain. Quant au citoyen acheteur, il sacrifie tout bonnement le principe du «client roi» à l’acception résignée des règles du jeu du marchand dont le diktat ne laisse d’autre choix que cette pénible alternative : c’est à prendre ou à laisser !

Protester ou émettre des remarques, même discrètes ou bénignes, sur la propreté ou sur la mauvaise qualité de la marchandise relève de la part du marchand d’une suprême insulte, voire d’un sacrilège qui pourrait susciter une réaction violente de sa part à l’encontre du client. Ainsi, une scène parmi bien d’autres, dont je fus témoin, me hante encore l’esprit : un client se fait servir des légumes dont il constate que certains sont pourris et demande calmement au marchand de les lui changer.

Ce dernier rechigne, mais le client, toujours calme, insiste. Puis soudain, le vendeur s’énerve, prend prestement le plateau de la balance et le projette sans crier gare sur la figure du client. Le sang gicle. Des cris et des remous s’élèvent.

Des badauds accourent de toutes parts pour former une masse compacte autour du marchand furieux que l’on tente de maîtriser… Cette scène dramatique est l’illustration parfaite d’une grave crise, d’un cruel déficit en matière d’éducation et de civisme.

Elle dénote un état d’esprit singulier et d’une culture qui n’admet pas la tolérance et le respect d’autrui et qui substitue au principe du dialogue et de compréhension mutuels, la violence comme mode quasi unique de régulation interpersonnel. Des acheteurs mécontents qui se font agresser verbalement ou même physiquement par des marchands irascibles, ce n’est pas chose rare en Algérie, et j’en ai vu à maintes reprises dans les divers marchés du pays profond, du centre et de l’arrière-pays, des bouchers qui brandissent en l’air leurs tranchants instruments et des marchands de légumes et d’échoppes exhibant leur barres de fer ou leur bâton à la pointe ferrée pour asséner des coups à des clients protestataires.

Des plages saturées et transformées en une immense poubelle

Nos plages ne dérogent pas à la règle générale. Ici, comme partout ailleurs, la saleté et la violence semblent marcher de pair. En effet, la plupart de nos plages, dont on célèbre la beauté se transforment en période estivale en des lieux de prédilection pour les jets d’ordures et parfois de violence et de chapardage. Sans citer aucun d’eux, les plages que j’ai pu parcourir d’ouest en est, sont jonchés d’ordures et d’objets divers dont les plus graves sont faits de bouteilles, d’éclats de verres brisés, de boîtes de conserve, de métal ferreux tranchant, de clous et parfois même de carcasses de véhicules échoués là où on ne sait par quel destin. Les pots de yaourt, les mégots de cigarettes, les sacs en plastique, les paires de chaussures et de sandales usées, les bouts de vêtements noircis de graisses, forment de larges tapis et gâchent de ce fait les fins sables dorés.

Des femmes et des hommes ventripotents et adipeux se goinfrent de gâteaux sucrés, de sandwichs graisseux et de frites huileuses, et une fois le ventre plein, ils jettent machinalement les papiers d’emballage et les restes d’aliments autour d’eux. Les sacs en plastique qui auraient pu servir de poubelle sont tout simplement et négligemment jetés autour d’eux et s’en vont grossir les montagnes d’ordures alentour. Parfois ces sacs que le vent emporte s’élèvent dans le ciel, tournoient longtemps au-dessus de la mer avant de retomber à pic sur la plage noire d’une foule bigarrée de personnes qui semblent heureuses de patauger dans l’eau polluée et de se rouler sur le sable imprégné d’aliments aux odeurs fétides.

Au manque absolu de soin et de propreté élémentaire s’ajoute le goût de l’entassement. Comme des animaux rampants, ces vacanciers marchent les uns sur les autres, se bousculent, se piétinent sans ménagement ni aucune forme d’excuse ou de politesse. Tout ce monde bariolé donne l’impression de priser plus la proximité, le bruit, la saleté, le spectacle et l’apparaître que l’ordre, le calme, la contemplation et la discipline nécessaires au repos de l’esprit et de l’âme. On y vient non pas pour apprécier ces bienfaits de la nature que sont l’eau, l’air, l’oxygène, les vagues déferlantes et les galets remués par la mer déchaînée, mais comme pour se donner en spectacle…. Celui qui sait mesurer les choses à leur juste valeur, qui sait apprécier la nature, le beau et l’agréable ne saurait en effet admettre un environnement sale et bruyant.

Le respect de la nature, de l’ordre, de l’autodiscipline et de la propreté sont les marques distinctives du civisme et de la citoyenneté active. Or, chez nous, ces vertus n’existent pas ou n’existent qu’au bout des lèvres. Pour intérioriser ces réflexes et en faire un mode de conduite en société, ça suppose une éducation de base nettement précisée et des règles d’éthiques communément admises et uniformément appliquées, faute de quoi, on cheminerait vers l’anomie. Or, ce que l’on constate, c’est que l’Algérien «moyen», et même l’Algérien entiché de «modernité» et de «civilisation», se trouve justement pris dans les réseaux enchevêtrés d’une anomie inextricable. A force de perte de repères et de dédoublement de la personnalité culturelle, on finit par opposer le soi-même à l’autre.

Quand les routes et les autoroutes sont jonchées de détritus
On ne peut pas isoler en effet la propreté, le civisme et la politesse de l’éducation. Une bonne éducation suppose les trois termes, leur intégration dans les réflexes et les conduites individuelle et collective. Chez nous, c’est la forme, l’apparaître qui prime l’être. Exemple de ces contradictions, de ces dédoublements de la personnalité culturelle : sur nos routes et nos autoroutes, on croise des grosses cylindrées conduites par des personnes, jeunes et vieux, qui se donnent des allures de «branchés» et de «modernes». Autrement dit, elles se prennent pour des gens d’éducation ou de rang social «élevé». Pourtant, ces personnes aux figures visiblement ostentatoires jettent et laissent jeter par leurs enfants des pots de yaourt, des bouteilles en plastique sur le long de la route comme si celle-ci était une décharge et non une voie commune à préserver de la pollution. Ces personnes aux prétentions particulières, vaniteuses et altières, n’ont rien à envier en fait d’éducation et de propreté aux citoyens ordinaires que l’on rencontre sur les plages et les places des marchés.

Le tourisme comme culture…
Avant de discourir sur l’éventuelle incitation au tourisme étranger en Algérie, ne faut-il pas tout d’abord s’occuper du tourisme local et lui enseigner la propreté, les règles du civisme, de politesse et du bon accueil ? Avant d’être une forme de loisir, de divertissement ou d’escapade, le tourisme est avant tout une culture, un goût et un plaisir de rencontre et de découverte de l’autre, mais aussi un moyen d’échapper momentanément à la monotonie et à la routine sociale et professionnelle. Or, le tourisme en ce sens n’existe pas en Algérie ; il n’existe que sous la forme «sauvage» dont je viens de décrire les traits les plus pertinents. Un pays qui ne peut pas assurer à ses propres citoyens un tourisme de qualité (propreté, bon accueil, confort et prix adapté à toutes les bourses…) ne saurait prétendre faire venir des touristes étrangers chez lui.

Le plus intelligent serait de rendre le tourisme local plus attrayant, après avoir réuni toutes les conditions nécessaires de propreté et d’accueil, d’en faire un objet ludique à la portée de tous, avant de songer à attirer le tourisme étranger qui rechigne à venir chez nous, non pas pour des raisons d’insécurité, mais pour des raisons qui tiennent plus justement à la triste réputation qu’a notre pays d’être foncièrement antitouristique, peu propre et peu accueillant en ce domaine. Certes, le pétrole a longtemps constitué et constitue encore un motif puissant pour rendre le tourisme et l’argent qu’il pourrait apporter aux caisses de l’Etat un objet d’activité économique secondaire. Mais cela ne justifie plus désormais l’immobilisme persistant dans ce secteur, dès lors que le pays se prétend prêt à entrer de plain-pied dans l’économie de marché…

Dr Ahmed Rouadjia

Note du webmaster : Je ne partage pas tout ce qui exprimé, notamment en ce qui concerne l'accueil desAlgériens dont je n'ai qu'à me félicter, lorsque je retourne au bled.
Par contre, il a le mérite de poser un vrai problème au pouvoir en place, mais aussi aux habitants de ce si beau pays.
N'hésitez pas à réagir à cet article. Merci...
Alors débattons et agissons surtaout.

mardi 9 août 2011

Najia Abeer (1948-2005) : une auteure constantinoise et poétesse

Les * renvoient aux explications en fin de poésie 

Dans l'ombre bleue de tes ruelles

Sommeillent mes rêves

Glissent mes pas

De Sidi Rached à Sidi Bouannaba

Sillonne mon sourire dans les méandres d'un rire

Cuivré

Blotti au fond d'un atelier

Enjouement d'un maillet danseur

Sur le bord d'un s'ni*

Ruisselle l'eau de fleur d'oranger.


Oranges amères

Roses perlières

Gouttent d'un distillateur

Rouge cuivré.

Mousse rose de mon enfance

A une gouttière cendrée

Suspendue

Lèvre rose souriante.


Toits rouges de désir

De soleil et d'azur, voici :

Un pan de firmament

Entre deux minarets, coincé

Sidi Lakhdar, embaumé.


Voilà

Un chaud rayon débrouillard,

Lézard

Cent fois centenaire, toujours étonné

Noyé, heureux, dans le nil* de tes pierres

De plaisir frissonnant

Fier.

Yeux turquoise d'un zélidj*

Du Wast ed Dar*, où, dans le zigzag de son souffle

La fontaine

Chuintements

Murmures

Quiétude intime d'un hammam en fleurs

Henné à l'eau de rose sous le nacre d'un qabqab*

Dans une paume fiévreuse, l'ambre d'un s'khab.*

Yeux vermeille d'un zélidj

D'un arc-en-ciel volé

Du Wast ed Dar

L'arôme poivré d'un café dans la cendre endormie

Brasero en quête de fraîcheur

Ebloui.

Femmes, faites tinter vos r'dif*

Agitez votre khalkhal*

Ce soir, nous irons compter les étoiles

De la fenêtre

Du menzeh.*

Les petites, les grandes

Les plus proches, les plus éloignées

Les filantes, les voilées

Puis, nous irons nous les partager

A égalité.

Que vos rires en cascades roulent jusqu'à la s'qifa*

Que vos velours génois étales

Montrent l'or de vos doigts !


De Sidi Bouannaba à Saïda

Sillonne mon sourire dans les méandres d'un rire

Doré

Blotti au fond d'un atelier

Ballade d'une aiguille trotteuse

Brodeuse

Qattifa annabi.*


Sillonne mon sourire dans le creux d'un rire

En offrande argentée

Pour ce pan de mur

Mille baisers

Milles bras embrassés.


Du Chatt à El Bat'ha

Sillonne mon sourire dans l'éclat d'un rire

En échos

Dispersés.


Sillonne mon sourire dans la joie d'un rire

Aux senteurs de henné

Dans une main câline

Du haut d'un quinquet

Sourire d'une Médine

A ne jamais offenser

Oublier


Amis de Constantine

D'hier

D'aujourd'hui

Entendez-vous ces bruits ?

Cliquetis de chenilles

Les monstres de la nuit.


Pour ce pan de mur nili*

Milles baisers

Mille bras embrassés.


S'arrête mon sourire dans l'agonie d'un rire

Trahi.


Najia Abeer, 11/04/05

* S'ni : grand plateau en cuivre pour les repas



* * Nil : indigo


* Zélidj : carré de faïence mauresque


* R'dif :  bracelets en or à tête de serpent portés autour des chevilles


* Khalkahl : autre appellation du r'dif


* Menzeh : grenier dont l'unique fenêtre s'ouvre sur un toit


* S'kifa : entrée d'une maison de la Souika


* Qabqab mules en bois, souvent décorées de nacre, portées dans les hammam


* S'khab : long collier fait de plusieurs rangs de perles d'ambre étranglés par espaces réguliers de tubes en or ciselé


* Wast ed Dar : patio central de la maison


* Qattifa annabi : velours couleur de jujube


* Nili : couleur indigo


Lettre à Constantine

J’ai réussi à rattraper un pan de ton histoire Constantine. Et dire que tu avais failli m’échapper !

Avec tes amis, aujourd’hui, une nouvelle histoire commence.

Ma Belle, de moi, tu n’en auras plus assez.

Cette fois, je promets.

Enfin Constantine, tu m’as rendu mes amis, mes voisins, ma maison.

Mieux encore, tu m’en as offert d’autres.

L’exilée, c’est ainsi que me nomme mon père.

L’exilée, c’est ainsi que je me voyais.

Me reconnaissais.

Je ne le suis plus, enfin !

Depuis que je suis revenue au pays

J’ai compris.

Je t’aime toi, vieux Rocher

Ta barbe couleur rouille, henné, s’en va puiser sa sève dans cet oued qui t’enlace depuis une mémoire aussi profonde que tes gorges.

Ô combien de fois j’ai tenté l’approche, le retour.

Et toutes ces fois tu n’as pas daigné me regarder.

Je ne voulais pas plus d’un bras, d’un simple geste.

Un regard aurait suffi.

Et j’aurais avancé.

Non, pas une fois tu m’as regardée.

Puisque je te le dis !

Ne t’en fais pas ma Belle, ne t’excuse pas.

Je sais.

Tu aimes trop tes enfants.

C’est moi qui cherche à me faire pardonner.

Tu dis m’avoir cru partie pour toujours ?

Et bien, pour une fois, tu te trompes Constantine.

Je t’aime moi aussi, toi, vieux Rocher

Solitaire qui porte mon monde en chapeau.

Je te fais la révérence

Et dépose le reste de ma vie à ton pied.


Najia Abeer

dimanche 7 août 2011

El Watan - Edition du 07/08/2011 : Vieilles maisons de Souika

Les effondrements plus rapides que la réhabilitation

A la rue Abdellah Bey, plus connue sous le nom Essayeda, située dans le vieux quartier de Souika, le décor planté depuis longtemps au nez et à la barbe des riverains et des passants est inqualifiable. Cela fait plus d’une année que des travaux ont été entamés pour la réhabilitation d’une vieille bâtisse. Ils sont à l’arrêt depuis des mois. La maison qui devait être restaurée dans le cadre du fameux plan de réhabilitation de Souika, s’est effondrée après les pluies qui se sont abattues sur la ville au mois de février dernier. Il s’agit de celle connue par les anciens du quartier sous l’appellation de Dar Bendali, avant de devenir Dar Benbakir.

Située en contrebas de la mosquée Essayeda Hafsa, à quelques pas seulement de celle de Sidi Moghrof, la construction, au style arabo-mauresque, a fait l’objet d’une opération de réhabilitation qui semble prendre beaucoup de temps. Selon les habitants du quartier, la bâtisse s’est complètement dégradée depuis quelques semaines au point où des pans entiers des murs extérieurs qui se sont effondrés ont complètement endommagé l’échafaudage toujours en place. «Cette maison représente un réel danger aussi bien pour les résidants que pour les passants; vous voyez bien que les décombres n’ont laissé qu’un petit passage dans la rue devant la porte d’une maison située juste en face; nous prions Dieu chaque jour pour qu’il n’y ait pas de catastrophe», dira un habitant du quartier. «Malgré nos appels lancés en direction des autorités de la ville, aucun responsable n’est venu voir la situation dans laquelle nous vivons; faut-il qu’il y ait mort d’homme pour qu’on daigne intervenir ?» poursuit-il.

Pour certains habitants de cette artère, ce qui se passe depuis des mois au quartier populaire d’Essayeda est un véritable gâchis. «C’est l’argent du contribuable qu’on est en train de jeter par les fenêtres au nom d’une soi-disant opération de réhabilitation qui s’est avérée un véritable fiasco », s’indigne un commerçant. C’est la vie des voisins et des passants qui est mise en danger dans une artère qui connaît un flux important, sachant qu’elle constitue un passage obligé pour les citoyens qui veulent rejoindre la rue Mellah Slimane dans le quartier de Souika, à partir de la rue Larbi Ben M’hidi. Pour rappel, Dar Bendali fait partie d’un lot de maisons qui ont été choisies pour être réhabilitées, à l’instar des bâtisses de Bab El Djabia et du quartier de Chatt. Finalement, la construction connaîtra un autre sort qui ne diffère guère de celui réservé à toute la vieille médina de Constantine où les maisons s’écroulent les unes après les autres.

Arslan Selmane

vendredi 5 août 2011

Chicago Blues : A living History

Chicago Blues : A living History

Dans un post précédent je vous avez signalé la sortie de cet album et sa nomination aux Grammys awards 2010.
Voici la traduction du livret ainsi que la sortie du second album avec son livret.
Ils sont diffusés par la FNAC. Ne les ratez pas, si vous aimez le Chicago Blues !


Couverture de l'album
Chicago Blues : A Living History
Le Chicago Blues : A Living History est un hommage au passé, au présent ainsi qu’à l’avenir du Chicago Blues. Il rend hommage à ses créateurs, à sa riche histoire, à ses représentants actuels et à sa place très singulière dans la (r)évolution de la musique américaine du 20ème siècle. Cet album apporte un témoignage sur l’histoire de ce genre dans ce qu’il a de meilleur, puisque les artistes qui jouent sur cet album sont quatre des plus grands musiciens vivants de cette tradition. Billy Boy Arnold, John Primer, Billy Branch et Lurrie Bell sont la passerelle entre ceux qui étaient à l’origine de ce genre et le blues actuel de Chicago ; chacun d’entre eux a un pied dans une génération de l’histoire du Chicago Blues jusqu’à nos jours. C’est à travers eux que le Chicago Blues reste une tradition et vit encore.
Parce qu’il nous est impossible de savoir si ces artistes seront le dernier maillon de la chaîne de cette tradition, si d’autres pourront la perpétuer, cet enregistrement est un document qui tombe à point nommé et il est par conséquent essentiel.

C’est parce qu’il s’agit de ces quatre artistes que cette occasion est exceptionnelle et sans eux, il n’aurait pas été possible de réaliser ce projet. Il était donc important de saisir ce moment.

Cela n’est en rien une anthologie ou une compilation de ce qui s’est passé avant. L’histoire, avec ce CD se fait en même temps qu’elle est représentée. Il ne s’agit pas d’un enregistrement « rétro », il s’agirait plutôt de l’inverse. Bien que la musique a été enregistrée sur bande analogique et que l’on a prêté une attention toute particulière au son du studio d’enregistrement ainsi qu’aux techniques de micros utilisées alors dans les différentes périodes des premiers enregistrements, il ne s’agit ni de célébrer les techniques ou les technologies du passé, ni même de tenter une approche d’anthropologie ou d’archives pour photocopier cette musique du passé. Ce serait en contradiction avec la tradition et l’esprit dans lequel elle a été crée.

Plus important encore, je ne voulais pas être limité par les contraintes inhérentes au concept de ce projet qui aurait pu ne pas mettre en valeur les styles très accomplis de chaque artiste. Au contraire, nous avons choisi les chansons ensemble et ils ont compris qu’ils avaient la liberté de s’approprier chaque chanson comme ils l’entendaient.

Ce CD n’a pas pour but d’être une histoire détaillée du Chicago Blues. De part la nature même de ce projet et de part l’histoire très riche de cette musique, il a été tout simplement impossible de rendre hommage à tous les artistes qui ont contribué à façonner ce genre. Ce fut peut-être l’aspect le plus difficile et le plus frustrant dans la production de cet enregistrement.

Les artistes que j’ai choisis pour figurer dans ce CD en tant que pionniers incontestables du son Chicago Blues se sont imposés par leur contribution totale comme innovateurs du son, dans la mesure où leur contribution a influencé le reste.

En faisant ce choix, j’ai dû laisser de côté de nombreuses figures importantes de cette musique qui ont aussi laissé leurs empreintes indélébiles sur le son. Néanmoins cet enregistrement, sur deux disques, permet aux auditeurs d’entendre l’évolution du son Chicago Blues par ordre chronologique - des années 1940 jusqu’à nos jours dans lequel jouent 4 musiciens, héritiers de cette tradition.

Une autre décision que j’ai dû prendre a été de n’inclure aucune femme artiste de blues dans cet hommage. Bien qu’il y ait eu des artistes femmes de blues qui ont très certainement eu un impact sur le son Chicago Blues dans l’histoire de la musique et qui avaient un style remarquable, étant donné le concept du projet aucune ne pouvait être considérée comme innovatrice ou créatrice du son. Tout comme la période du blues dans les années 20 et 30 a été dominée par des chanteuses de blues classique qui étaient des innovatrices de cette époque, ceux qui ont innové le Chicago Blues des années 40 jusqu’à nos jours sont des artistes masculins.

Le disque n°1 commence avec My Little Machine de John Lee Williamson et est considéré comme le premier enregistrement de Chicago Blues qui a introduit la batterie dans une formation. Ensuite il nous mène sur les traces du piano des années 40 qui domine jusqu’à la fin de cette décennie et où la popularité de Muddy Waters a aidé à mettre en scène la guitare électrique pour remplacer le piano comme instrument de base qui dominait l’ensemble. Le disque n°1 continue avec l’évolution du son électrifié au sein du groupe au début des années 1950 avec également la mise en lumière du son de l’harmonica électrifié.

Le disque n°2 nous plonge dans la période classique et fertile de la moitié des années 1950 quand le Chicago Blues est en pleine effervescence. Il continue jusqu’aux années 1960 alors que le son du Chicago Blues, généralement qualifié d’après-guerre, a laissé place à un style électrique plus moderne. Il continue encore avec des exemples des années 1970, 80 et 90 et montre l’influence que les formes musicales plus nouvelles, plus populaires ont eu sur le son de Chicago. Ces exemples démontrent comment les formes musicales les plus contemporaines que le Chicago Blues a généré ont influencé les artistes actuels. Peut-être que plus que tous, Carlos Johnson, invité d’honneur, est la preuve de cette influence et représente le Chicago Blues contemporain du nouveau millénaire. Alors que les générations se succèdent et que les musiciens du Chicago Blues s’éloignent de plus en plus des auteurs et des héritiers directs de cette musique, ce sera cette forme d’adaptation et ce souffle de nouveaux sons issus du présent qui détermineront le chemin que prendra la tradition.

Quand j’ai apporté cette idée de CD à chaque artiste, aucune question n’a été posée. Tous voulaient en faire partie. Cet enregistrement est un vrai labeur d’amour venant de tous ceux qui y ont participé. La passion, la ferveur et l’engagement qu’ils y ont apporté sont la preuve de leur dévouement inconditionnel à cette musique et à son héritage. Les pères du passé, les fils et les filles d’aujourd’hui passeront le flambeau aux nouvelles générations du Chicago Blues et ce quelle que soit la forme qu’il prendra.

Larry Skoller,
Producteur, Chicago Blues: A living History

En vente à la FNAC :

 Couverture de Chicago Blues
A Living History
The (R)evolution

Avec The (R)evolution Continues, Chicago Blues : A Living History continue son hommage au Chicago Blues en sortant un deuxième album qui célèbre l'évolution de cette musique qui était à l'avant-garde d'une révolution de la musique américaine du XXème siècle. Cette évolution a non seulement jeté les fondements du Rock & Roll et de la Pop music que nous connaissons aujourd’hui, mais a exercé un effet incalculable sur la société américaine dans son ensemble, et a finalement influencé la vie des gens à un niveau global autant que n'importe quelle autre forme d'art américaine.

Comme avec Chicago Blues : A Living History, notre premier album, The (R)evolution Continues couvre le Chicago Blues avec le piano comme instrument principal dans les années 1940 jusqu’à la période classique des années 50 avec l’électrification de la guitare et de l’harmonica. The (R)evolution Continues accentue encore l’ éloignement du son classique du Chicago Blues, qui a été décrit comme «country-blues électrifié», vers la musique qui deviendra le Rock & Roll.

1955 a été une année clé et décisive pour le Chicago Blues. Il marque l'année où les principaux artistes afro-américains ont croisé le public blanc, ayant pour résultat des succès commerciaux pour les compagnies discographiques qui avaient précédemment vendu des disques de Blues à un marché principalement afro-américain. Ce fut également le début du déclin du son classique du Chicago Blues. Les entreprises discographiques avaient commencé à s’éloigner de ce son au profit de rythmes plus rapides de ce rock & roll que le jeune public blanc américain achetait massivement. En 1955, les ventes ont explosé grâce aux hits de Bo Diddley et de Chuck Berry sur le label Chess Records à Chicago, et le Rock & Roll en a émergé ; par la suite, cette période sera reconnue comme «l’âge d'or » du Chicago Blues.

Les événements de 1955 avaient même conduit Muddy Waters, roi régnant sur le Chicago Blues, à un quasi-éloignement. Ce n'est qu'au début des années 60 qu'il a commencé à gagner la notoriété en dehors de la communauté africaine-américaine ; au milieu des années 60, un nouveau public blanc a relancé sa carrière. Ce même public a été exposé au Chicago Blues par les enregistrements des Rolling Stones et autres groupes de rock britanniques qui reprenaient des chansons de Muddy Waters, Billy Boy Arnold, Howlin' Wolf, et Willie Dixon, entre autres. Bien que le Blues soit né aux Etats-Unis, il a été en grande partie (re)introduit auprès de l’Amérique blanche par ces groupes britanniques qui faisaient des reprises de Chicago Blues. Par la suite, les auditeurs américains se sont rendus compte que derrière cette nouvelle musique britannique, le Rock était en fait un «Enfant du Blues».

Peu d'innovations dans la musique contemporaine sont le résultat d'un « big bang. » Elles évoluent lentement de facteurs géographiques et sociaux, de changements des conditions de vie qui peuvent se réunir à n'importe quel moment. Les artistes du Chicago Blues, la plupart venus du Sud et qui étaient les héritiers des field hollers et du Blues du Delta du Mississippi, ont été la passerelle musicale à l'âge d'or du Chicago Blues. A l’image des bluesmen du Delta tels que Charley Patton, Son House et Robert Johnson avant eux, ces artistes ont été les innovateurs de leur temps, et au milieu des années 50 ils ont ouvert la voix au son électrique d'ensemble qui a été la base dont le Rock et la musique pop ont surgi. Bien que cet âge d'or ait connu son pic au milieu des années 50, leur musique demeure essentielle et maintient la tradition vivante à ce jour.

Pendant les années 60, des artistes comme Buddy Guy et James Cotton s’envolaient vers leur succès individuel et produisaient des enregistrements de Chicago Blues plus modernes et plus explosifs. Avec Otis Rush, Magic Sam et d'autres, ils ont été pionniers du son qui a incorporé plus de volume, plus de virtuosité, ajoutant les éléments soul, funk et jazz et, ironiquement, le son naissant du Rock qui était déjà redevable au Chicago Blues. Ces influences contemporaines ont marqué l'évolution de la musique afro-américaine pendant cette ère post-classique du Chicago Blues de manière similaire que les sons sophistiqués du jazz big-band qui ont dominé la scène musicale afro-américaine des années 30 et 40, ont influencé des musiciens de Chicago Blues comme Little Walter, Dave et Louis Myers, Robert Lockwood, Jr. et Fred Below ; ceux-ci ont ensuite introduit ces éléments dans le son du Chicago Blues des années 50.

En produisant un hommage qui traverse l'histoire d'un genre musical innovant, il était important pour nous de ne pas être coincé par une notion purement d’archivage. Bien que la plus grande part ait été ordonnée selon l’année de sa version initiale, comme sur notre premier album, l’ordre des pistes ne suit pas une chronologie stricte. C'est surtout une expérience d’écoute qui veut s’articuler autour de l'évolution dynamique du son du Chicago Blues.

Par tradition, le genre est défini par une musique qui vit ; elle respire, elle prolifère. The (R)evolution Continues n'est ni une anthologie ni une compilation des enregistrements par période ; c'est un nouvel enregistrement, y compris des interprétations contemporaines de certaines chansons, qui célèbre le passé, le présent, et le futur du Chicago Blues.

The (R)evolution Continues

Le succès lors des débuts de Chicago Blues: A Living History --y compris une nomination aux Grammy Awards dans la catégorie Meilleur Album Traditionnel de Blues--nous a donné l'occasion d’amplifier ce projet essentiel. Il nous a permis d'atteindre encore plus notre but de supporter cette musique en augmentant et en élargissant la sensibilisation du public sur sa tradition, son histoire et ses plus grands artistes.

La clé à la suite du premier volume était d'inviter des artistes majeurs et émergents qui pourraient non seulement apporter une contribution musicale importante mais, de manière plus significative, compléteraient les principaux artistes exceptionnels de l'enregistrement précédent --Billy Boy Arnold, John Primer, Billy Branch, Lurrie Bell et Carlos Johnson—autour desquels ce projet a été élaboré.

Cela n'a pas pris longtemps pour savoir qui seraient ces artistes sur le nouvel enregistrement.

En haut de notre liste était M. Buddy Guy, roi incontesté du Chicago Blues. Peut-être plus que n'importe qui d’autre vivant, il personnifie la tradition du Chicago Blues, et il est l'un des plus grands représentants vivants du genre, un trésor de la musique américaine.

Une autre légende parmi nous, et un des artistes de Chicago Blues les plus importants et les plus innovateurs ayant une place indéniable dans l'histoire de cette musique, c’est l’exceptionnel leader et maître d’harmonica, Mr. ''Superharp'' James Cotton. Il a non seulement aidé à mettre en avant l'harmonica dans le Blues aux côtés de Muddy Waters pendant les années 1950, mais ses groupes pleins d’énergie, funky, avec une base de boogie ont contribué à définir le Chicago Blues contemporain après les années 60.

Naturellement, la gloire du Chicago Blues profond dans ce qu’il a de plus simple devait être représenté sur cet enregistrement. Avec sa fusion des styles urbains rugueux et du country Blues électrifié qui sont le noyau du genre, M. Magic Slim était le seul choix possible.

Nous avons su qu'il n'y a personne de plus qualifié pour représenter la présence importante des divas du Chicago Blues du début des années 80 au présent que Zora Young ; elle est présente sur la scène du Chicago Blues depuis plus de trente ans. Parente éloignée de Howlin' Wolf, elle est arrivée du Mississippi à Chicago à l'âge de sept ; elle y a eu pour mentor Sunnyland Slim. Rendre hommage à Sunnyland Slim sur cet enregistrement prend tout son sens.

Enfin, nous avons demandé à Ronnie Baker Brooks, fils du grand Lonnie Brooks, d’y participer. Ronnie est à la tête d’artistes de Chicago Blues qui combinent le vieux avec le nouveau, le passé avec le futur, menant la nouvelle génération du genre dans le XXIème siècle.

Non seulement ces icônes du Chicago Blues ont accepté notre invitation, mais ils ont apporté leur passion et leur générosité extraordinaires au projet. Par leur enthousiasme débordant, il est devenu clair que l'occasion de participer à cet hommage à la musique dont ils sont les pionniers, signifie quelque chose très spécial à chacun d’entre eux.

Bien que le Chicago Blues et ses représentants n’auront peut-être jamais la chance de faire partie de la culture pop actuelle, ils ont eu une si grande influence dans sa création, que nous espérons qu’en plus du premier album, Chicago Blues: A Living History - The (R)evolution Continues servira non seulement d'expérience musicale passionnante pour les amoureux du Blues, mais contribuera également au patrimoine de la musique pour les générations de fans à venir.



Larry Skoller, producteur

En vente à la FNAC :

Il l'aimait (6 et fin)

Un combat pour vivre ses origines ou un passeport pour Mon pays…

Depuis son retour de mai 2004, il ne pense plus qu’à ça : obtenir la nationalité algérienne. Il écrit au ministre de la justice en Algérie. Dans le même temps il trouve sa place dans le mouvement associatif pour développer les échanges culturels, les entraides entre les deux rives de la Méditerranée. C’est sa façon d’attendre. C’est sa petite contribution à la vie algérienne.

Mais ça ne lui suffit pas ! À plus de 57 ans, il a pris la décision de demander la nationalité algérienne, car il considère que sa terre natale est SON Pays et qu’à l’époque où il a été expatrié, il n’avait pas le choix et, les années passant, il lui semble temps de mettre fin à une situation qu’il n’a jamais souhaitée et qu’il ne supporte plus.

À la retraite depuis septembre 2003, il peut à présent se rapprocher plus encore de SON pays et de SA ville, Constantine. Il peut enfin venir plus souvent partager la vie de ses frères algériens.

Avant de terminer sa vie, il voudrait inscrire ce symbole, afin que ses enfants et petits enfants se souviennent que c’est la fraternité qui fait la richesse des hommes et des femmes qui vivent sur cette Terre.

Mais la réponse tarde à venir ! Alors Il fouille les sites officiels sur Internet et essaie de s’y retrouver. Il s’adresse à nouveau au ministre de la justice et cette fois, il adresse une copie à l’ambassadeur d’Algérie en France.

Il insiste pour dire combien son questionnement n’a pas varié et surtout combien sa motivation de devenir citoyen algérien s’est renforcée, à l’occasion des derniers évènements.

Il précise enfin qu’il sera à nouveau sur le territoire algérien en septembre prochain, à l’occasion de son retour annuel à Constantine. Il sera tout à fait à même de se rendre à Alger pour satisfaire à toute démarche administrative.
Il obtient un courrier du Consul d’Algérie duquel il dépend qui lui rappelle le cadre législatif algérien en vigueur. Il ne se décourage pas et rédige un nouveau courrier pour attirer son attention sur ce type de demande, afin peut-être de favoriser l’émergence future d’un nouvel article au code de la Nationalité, dans le cas d’une révision future. Sans doute n’est-il pas assailli de demandes de ce type et pourtant, dans le contexte actuel difficile des relations entre la France et l’Algérie, celle-ci prend une résonance particulière : dans la perspective d’une réconciliation des peuples des deux rives, dans le cadre d’une Histoire commune enfin reconstruite et assumée pleinement, ce type de décision pèserait vraiment en faveur d’une Algérie moderne, libre et reconnue comme une grande nation du Maghreb, partenaire incontournable de la France et de la communauté européenne. Il espère bien que ces éléments de réflexions entreront un jour en jeu et favoriseront un aménagement du code de la nationalité.

Pour l’heure, il continue d’espérer pouvoir acquérir la nationalité de SON pays de naissance. Selon l’article 10 du code de la nationalité, l’alinéa 1 précise « D’avoir sa résidence en Algérie depuis 7 ans au moins au jour de la demande. », l’alinéa 2 stipule « D’avoir sa résidence en Algérie au moment de la signature du décret accordant la naturalisation ».

Il lui demande donc comment, dans le cadre légal actuel, il est possible de satisfaire à ces deux conditions, étant donné que les visas touristiques sont accordés pour un mois et que le mieux qu’il puisse espérer est un visa culturel d’une durée maximale de trois mois. Ses 58 ans, lui permettent d’espérer avoir le temps de remplir les conditions.

La seule possibilité imaginable est la carte de résident renouvelable tous les deux ans. Mais où sont les textes législatifs qui régissent ce cas et quelles sont les formalités à accomplir pour l’obtenir ainsi que les conditions d’obtention ?

Enfin, des mois plus tard il reçoit une réponse du Consul qui le renvoie à la Wilaya de Constantine, seule habilitée à traiter des cartes de résident. Par contre, il ne sait toujours pas quelles conditions remplir !

Ce passeport pour son propre pays, qu’il est difficile à obtenir ! Comment faire comprendre les choses au-delà du seul aspect réglementaire ? Cet attachement au sol natal que tous les humains ressentent est-il si contraire aux lois ?

« Tu vois, Ksentina, j’en ai ramené des souvenirs et des enseignements ! Je ne cesserai de faire ta promotion, car vois-tu, chère amante, tu es et tu resteras à jamais la plus belle ville du monde, perchée sur ton rocher, s’offrant à la vue de tous et réservant tes douceurs pour l’invité. Attends-moi ! »
Yahia de Constantine (Jean-Michel Pascal)
De son exil en France, le 25 août 2008

jeudi 4 août 2011

Un moment fort, exceptionnel

Un moment fort, exceptionnel

L’Avant-Scène-Cognac, 7 mars 2005, avec Léa Dant
Ce jour là, je me rends au théâtre de Cognac pour rencontrer Léa qui, pour la Compagnie Théâtre du Voyage Intérieur, va m’interviewer sur ce qui est pour moi un tournant de ma vie. Parmi de très nombreux témoignages, elle en sélectionnera six qui constitueront son spectacle « Je cheminerai toujours » .

Même si ma relation ne figure pas parmi les textes retenus pour le spectacle, j’ai eu l’immense joie de vivre une soirée inoubliable lorsque, quelques temps après, les comédiens sont venus spécialement pour nous restituer nos récits. Un spectacle privé en quelque sorte et un moment de partage extraordinaire avec la Compagnie du Théâtre du voyage intérieur et l’équipe de l’avant-scène, lors du repas qui a conclu la soirée.

Je livre au lecteur ce récit que j’ai remis en forme d’après la bande magnétique que m’a gentiment remise Léa. Cette remise en forme, nécessaire pour une lecture facilitée, a consisté à gommer les traces du langage oral qui parasite considérablement la compréhension.

« Ce passage de ma vie, il est encore en cours de fabrication (rires)… Parce qu’en fin de compte, il démarre. J’avais quatorze ans, et je n’étais pas en métropole, j’étais en Algérie.

Donc je suis un enfant d’Algérie, français qui a été obligé de partir et qui ne l’a pas choisi. Ce départ, il a eu plusieurs vécus après. Parce qu’à quatorze ans, on est encore un gamin. On ne se rend pas encore tout à fait compte de ce qui se passe. On part… Bon, c’était la guerre, et l’indépendance arrivait. l’Algérie n’était plus française, mais, on ne voit pas tout ce que l’on voit quand on est un adulte bien entendu.

Et je suis donc parti avant mes parents, au mois d’août 62, une date que tout le monde connaît. Enfin, tout le monde… Ceux qui sont dans mon cas. Je me suis retrouvé en France, dans un internat, en Charente-Maritime, pas loin d’ici et ma vie de déraciné à commencé. J’ai eu une deuxième vie. J’en ai eu conscience très tôt. Même si j’étais déjà venu en France en vacances, là, j’ai réalisé que j’entamais une autre vie, ne serait-ce que parce que je me sentais complètement décalé dans cet internat. Il y avait des expressions d’ici que je ne comprenais pas forcément. Par exemple, il y avait quelque chose de très drôle (rire) : moi j’avais toujours entendu parler de pion dans les lycées, dans les collèges. J’arrive devant le grand ponte du lycée, premier contact et puis je lui parle de pions, je ne vous dis pas la tête qu’il a fait ! Des choses comme ça, des choses toutes bêtes… évidemment, des différences de mœurs, d’habitudes, etc…

Et puis, très vite, comme j’ai vécu quand même dans une atmosphère très influencée par l’extrémisme de droite (l’énorme majorité des gens en Algérie soutenait l’OAS), je me suis retrouvé évidemment tenant de l’Algérie française, avec tout ce que ça comportait, y compris l’inadmissible, mais c’est comme ça… Je fais partie des enfants manipulés puisque, au collège, nous transportions des tracts dans nos sacs. Nous étions instrumentalisés, bien entendu. Ça n’est pas seulement le fait de cette guerre-là, c’est le fait de toutes les guerres, où tous les moyens sont bons pour parvenir à ses fins. Puis je suis allé à Paris. Là encore, je me suis retrouvé dans une métropole, dans un truc immense, avec des habitudes, des mœurs complètement étrangères à mon vécu. Et puis ça m’a poursuivi longtemps, y compris lorsque je suis devenu enseignant. Je ne me suis jamais senti à ma place. Mais je ne mesurais pas encore. Alors, pendant mes années de lycée, j’ai eu la chance de tomber sur des profs extraordinaires qui m’ont compris, qui ont su me prendre par le bon bout. J’ai eu la chance de vivre mai 68, qui est encore un tournant ! Mais ça n’est pas de lui dont je veux parler.

Je suis tombé sur un prof de français qui avait une intelligence extraordinaire. Un grand militant, d’un grand parti de gauche et il m’a fait comprendre ce qui se passait, par le biais de la culture. L’attachement à la culture que j’ai aujourd’hui, je la lui dois. Je crois que je lui dois beaucoup. Il m’a aidé à comprendre qu’en fin de compte j’avais été utilisé, manipulé, que les idées que j’avais dans la tête par rapport à mon pays, ça n’était pas forcément ça, qu’il y a des choses qu’on m’avait cachées, etc… Petit à petit, je me suis fait une conscience politique, sans qu’il me dirige. Je me suis retrouvé engagé dans les évènements de mai 68, mais du bon côté de la barrière ce coup-là.

Parce que je crois qu’y a un bon et un mauvais côté de la barrière. Je me suis battu avec les forces de gauche, et puis j’ai eu une carrière de militant et politique et syndical etc… etc…

Mais je n’avais pas encore la conscience de ce qui me gênait dans ma vie. Aux alentours de la trentaine, il a fallu que j’arrive vers les trente ans à peu près, après avoir divorcé, j’ai fait une pause qui a été propice à une réflexion plus prolongée sur moi-même.

J’ai eu cet appel des racines. C’était confus, diffus, au tout début et puis ça s’est précisé, d’autant que j’ai trouvé une compagne qui était tout à fait étrangère à ça. Mais dans les idées, tout à fait prête à accepter ça.

Et puis, petit à petit, j’ai découvert que ce qui me manquait. C’était cette terre !

Je n’arrivais pas à me faire une vraie identité, malgré le fait que j’étais un militant, que j’étais engagé, que j’avais des responsabilités, que je faisais un métier engageant puisque enseignant donc un métier à responsabilité et qui demande quand même de développer sa personnalité, il me manquait ça. Mais je ne voulais pas y retourner tout seul parce qu’y aller tout seul ça se raccrochait tellement à un vécu difficile…

Il y avait le vécu heureux, mais aussi celui de la guerre. Donc, il y avait les peurs quand même. Il faut savoir que moi, jusqu’à l’âge de vingt-cinq, peut-être vingt-six ans, je me retournais dans la rue, la nuit, pour savoir si je n’étais pas suivi… Á Constantine, ma ville natale, je dormais à côté d’une ruelle qui était entre la prison et le cimetière musulman qui servait de refuge aux combattants qu’on appelait des fellagas. C’était donc des combattants de la liberté de l’Algérie. Je les entendais à travers les persiennes. Pour un enfant qui a entre six et quatorze ans, ça ne rassure pas.

De plus, il y avait des activistes de l’OAS qui passaient par là, qui manipulaient des armes, des grenades, des charges de plastic etc… Je peux vous dire que je » balisais sec » . En France, pendant des années, j’avais des hallucinations la nuit. Je voyais les poignées de porte tourner, quelqu’un rentrer, quel que soit le lieu où je me trouvais. C’était terrible. Encore aujourd’hui, je ne peux pas entendre d’explosions. Par exemple, je m’engueule régulièrement avec les gens qui balancent des pétards dans les manifs. Je leur dis « vous ne savez pas ce que c’est qu’une vraie explosion ? » Quand vous le savez, quand vous l’avez vécu, vous hésitez à le faire. C’est vrai que ça n’est pas forcément juste, la réaction que j’aie, mais elle est plus forte que moi.

Donc, voilà, j’avais tout ça, j’avais tout ce vécu et j’ai quand même réussi à trouver le moyen de connaître quelqu’un qui était devenu un grand, grand ami. C’était un parent d’élève d’ailleurs et ma façon de gommer la peur c’était d’être avec quelqu’un d’autre et puis quelqu’un qui était de la même année que moi. Il était arabe, enfin Algérien, je précise Algérien, parce qu’ils n’aiment pas qu’on dise arabe. Ils considèrent qu’ils ne font pas partie du monde arabe. Donc, Algérien musulman, même âge que moi. La seule différence entre lui et moi c’est qu’il habitait Alger et moi Constantine et que lui évidemment était de l’autre côté. Il était du côté des opprimés, comme moi j’étais du côté, entre guillemets, des dominateurs. Je n’étais pas un colon, bien sûr, mais bon, n’empêche que les Français étaient les dominants. C’est comme ça. Le colonialisme, c’est ça. Et donc, il m’a proposé qu’on y aille ensemble. J’ai emmené ma petite famille là-bas : mes enfants de mon premier mariage, mon fils qui avait trois ans et ma femme.

Nous voilà partis en vacances pendant un mois. Ça a été mon premier contact, depuis 1962, avec mon pays. Alors on a débarqué à Alger et ensuite, je suis allé à Constantine avec ma famille en voiture. Ça a été extraordinaire, même si une semaine c’est un peu court, bien entendu. Séjour constantinois un peu perturbé parce que mon fils avait une otite, mais aussi parce qu’il faisait très chaud, ma femme ne supporte pas les grosses chaleurs. Il n’empêche que j’avais repris contact et que surtout, quand je suis arrivé dans MA rue j’ai retrouvé mon ancien voisin, vingt ans après. Le pire, c’est quand il a vu arriver la voiture : il est descendu et alors que je l’avais connu gamin, plus jeune que moi, je me suis entendu dire « Toi, je te connais ! » . J’avais la barbe, les cheveux longs, frisés et je me suis dis « Comment peut-il me reconnaître ? » Et il me lance « T’es Jean-Michel. » , et alors là, je suis tombé des nues et, par déduction, comme je voyais qu’il venait de la maison en face de la mienne, de la nôtre à l’époque, j’ai soudain réalisé « C’est pas vrai… t’es pas Mourad ? » « Et si, je suis Mourad… » . C’est extraordinaire, vingt ans après, je n’imaginais pas qu’il pouvait habiter au même endroit, d’autant qu’on était dans une partie du quartier qui était assez vieille. Avant de revenir, je pensais que c’était détruit et j’étais étonné de retrouver la maison.

Ça a été un choc émotionnel extrêmement fort. J’ai revu ma maison et nous sommes rentrés en France. Mais j’étais frustré, parce que je n’avais pas retrouvé mes sensations, certains lieux, certaines heures etc.…

Tout ça on ne le sait pas avant, on le réalise après. Et donc, dès ce retour, j’avais toujours dit : » Je retournerais, premier voyage à ma retraite, je retournerais, mais tout seul » . Tout seul, tout seul, un mois tout seul, parce que j’ai besoin de ça. Ce sont mes enfants qui m’ont offert le voyage pour ma retraite et j’y suis donc retourné en mai 2004. Je n’ai pas eu le même choc. J’ai retrouvé l’Algérie après la décennie noire , avec cette montée, cette flambée d’islamisme qu’y a eu, avec, les massacres et tout ce qui a suivi. À présent, on revient à une situation un peu plus normale, même si tous les problèmes ne sont pas réglés. Donc, j’ai pu retrouver des sensations, j’ai revécu des situations. La première nuit je l’ai passée à l’hôtel et après je suis allé chez l’habitant. Ça ne m’a pas posé de problèmes. J’ai vécu comme si je n’en étais pas parti. Je me suis remis aux habitudes de là-bas. Alors, j’ai goûté avec un délice extraordinaire le fait de pas aller au supermarché, parce qu’il n’y en a pas. Donc, de faire mes courses comme je les faisais dans mon enfance, chez l’épicier du coin, tout simplement. De passer par le marché, lors d’une ballade, pour prendre une babiole était fantastique. J’ai retrouvé tout ça naturellement et j’ai perçu à nouveau des choses que j’avais oubliées qui sont revenues sans peine.

Et lors de ce voyage, j’ai rencontré beaucoup de gens : des universitaires, des gens du peuple, des ouvriers, des gens de toutes les catégories, beaucoup d’intellectuels, des enseignants. Et, à peu près au milieu de mon séjour, j’ai dit aux amis qu’étaient avec moi : « Voilà, ça y est : je suis dans l’Algérie de demain ! » .

Le « contentieux » que j’avais venait d’être réglé comme ça. J’avais réussi à m’en défaire. C’est à dire toute la partie mélancolie, nostalgie, pas toujours très saine même si on est du bon côté de la barrière. Il y a quand même des choses comme ça. Je me rappelle que lors de mon premier séjour, j’avais dit à ma femme, alors qu’elle voulait rester dans la voiture parce qu’elle était fatiguée : « Tu ne restes pas seule, à cet endroit-là, avec Julien.» . Ce que je ne lui disais pas, c’est que j’avais peur qu’on lui fasse du mal ! J’étais ENCORE dans le passé. C’est extraordinaire : alors que je défends l’Algérie algérienne que je suis ravi que mon pays soit indépendant, ne soit plus sous le joug colonial etc.… j’avais peur !

J’ai été rassuré, parce que Bedos a eu la même impression lorsqu’il est retourné en Algérie, à l’occasion du tournage d’une émission de télévision. Lui aussi retournait pour la première fois et il a eu le même sentiment de peur. Il a tourné ça en disant « Y a qu’des arabes ! » , mais bon, ça c’est son humour que l’on connaît bien. Mais… derrière il retrouvait des sensations de peur, qu’il avait du temps de la guerre, tout simplement. Ça m’a rassuré et je me suis dit : « Ça n’est pas tout à fait anormal, en fin de compte » . Il est vrai que ça interpelle quelque part quand même…

À partir de là, je me suis resitué dans la perspective de cette Algérie nouvelle et non plus dans ce que j’avais vécu ou pas. Ç’était réglé, j’avais retrouvé ce que je recherchais. J’avais remis les choses à leur place correctement.

J’étais certain, à présent, d’être un Constantinois, non pas parce que je le revendiquais, mais d’abord parce que là-bas, tout le monde me disait : « Mais tu es aussi Constantinois que nous ! » et puis que je connais toujours ma ville sur le bout des ongles. On a en effet la chance, eux un peu moins, que cette ville n’a quasiment pas changé dans le centre-ville et dans le quartier dans lequel j’habitais. Elle a beaucoup grossi, c’est une agglomération de huit cent soixante mille habitants. C’est énorme. Il y a une ville nouvelle à côté, les villages autour sont devenus des villes, parce qu’il y a eu une expansion démographique énorme après la guerre.

Je me suis retrouvé projeté dans cette Algérie en construction, avec y compris les perspectives de changements politiques qu’on peut entrevoir à un horizon un peu plus lointain, etc.… En tous les cas, dans une Algérie dynamique, qui se reconstruit, avec un peuple qui revit, qui reprend les choses en main qui récupère sa culture, puisqu’on leur interdisait la culture avec la montée islamique.

J’ai eu la chance de voir « Viva l’Aldgérie » là-bas, dans un cinéma à Constantine, avec un son exécrable mais ça n’est pas grave ! J’étais avec Najia, une amie écrivaine là-bas, originaire de Constantine aussi, qui a le même âge que moi. Avec elle, on a pu partager et en discuter. Ce film-symbole n’est pas neutre et c’était très intéressant.

Et tout ça m’a permis de dire : « Ça y est, maintenant, je sais ce que je veux : la nationalité Algérienne » .

Pour moi, la fin de mon histoire ça sera si j’arrive à l’obtenir.

Je l’ai demandée. En ce moment, il y a le nouveau code de la famille et ils réforment le code de la nationalité. Je peux peut-être espérer. Parce que mon argument c’est de dire : je n’ai pas choisi de partir. Évidemment, j’étais mineur. Mes parents ont choisi pour moi et je ne leur reproche pas, bien entendu, mais le fait est, que je n’ai pas choisi de partir.

Si j’avais été majeur, je ne sais pas ce que j’aurais fait. Je ne peux pas le dire. Mais je n’ai pas choisi de partir. A l’époque, lorsqu’on était majeur, si on voulait rester là-bas, on pouvait le faire. Les Algériens n’ont jamais demandé à ce que l’on parte. Simplement, on pouvait rester en ayant la nationalité algérienne et en gardant la nationalité française. Donc, je demande à avoir l’effet rétroactif, en quelque sorte. Je veux la double nationalité, parce que je suis d’abord Algérien.… Je me sens Algérien. D’autant plus que je suis en pleine phase avec ce peuple qui a conquis sa liberté, qui l’a eue avec toutes les souffrances que l’on sait.

Même si je suis Français, que j’ai eu de la famille massacrée, y compris après la guerre, n’empêche que c’était une cause juste, et que malheureusement, dans ces cas-là, il y a des dégâts pour que les choses se règlent.

Maintenant, je me sens tout à fait à ma place. Mon identité, à 57 ans je la trouve seulement là. Il y a toutes ces années qui sont passées où j’avais l’air très sûr de moi, mais en fin de compte, j’étais sûr de moi sur des idées, sur des choses comme ça, mais par rapport à ma place dans la société, je n’étais pas sûr de moi du tout !

J’ai décidé d’aller tous les ans, au mois de mai, à Constantine. J’y retourne en mai 2005. Je me sens bien, maintenant et je sais que je peux donner quelque chose à mes petits-enfants, à mes enfants. Leur héritage ça sera ça. En mai 2004, j’ai fait un site Internet . C’est le site de mon voyage où j’y ai mis tous les attendus, toutes mes hésitations, mes questionnements, les raisons pour lesquelles je partais, etc.… J’y ai laissé un journal de bord illustré. Ce site, à présent, je n’y touche plus. Même si j’y retourne après, ça n’est plus pareil. Ce site-là, voilà, c’est pour mes enfants, mes petits-enfants. Au moins ils y trouveront des repères, dans leur histoire familiale. Là y a quelque chose de fort parce que je me suis retrouvé.

J’espérais bien que je me retrouverais ! Quand je suis parti, le 1er mai 2004, je ne savais pas si ça marcherait mon truc. Je ne savais que je retrouverais facilement les lieux. Quel effet ça aurait sur moi ? Je craignais que ce soit un coup d’épée dans l’eau, et que je me dirai « Mais tu t’es trop occidentalisé maintenant ! » . Ce ne fut absolument pas le cas

Maintenant, je sais que, jusqu’à ma mort, je serais un authentique Algérien. D’autant que je suis reconnu par les gens de Constantine…

Je suis resté un mois. J’ai circulé dans la ville tous les jours. Évidemment, j’étais souvent à pied, parce que dans cette ville si vous ne circulez pas à pied, c’est une horreur…

Jai été reconnu par un tas de personnes qui me disaient : « Mais pourquoi tu ne rentres pas ? tu es chez toi ! » Ils étaient étonnés que je me rappelle d’autant d’habitudes. Même si je ne parle pas arabe, il y a beaucoup d’expressions que j’ai gardées ou qui me sont revenues une fois là-bas. J’étais étonné de me rendre compte à quel point j’étais incrusté dans cette culture. Surtout à Constantine, qui est une ville un peu particulière. C’est une ville historique, de lettres, d’art. C’est vraiment une ville de culture.

Je suis vraiment en prise directe avec et maintenant, je ne peux plus imaginer ne pas retourner tous les ans et ça m’aide à m’épanouir. Ça me donne du punch.

Ce dont je rêve c’est que l’on arrive un jour à ce que cette période un peu trouble, qu’on ose seulement maintenant appeler guerre d’Algérie, on arrive à en parler sainement, que l’on rende hommage à ceux à qui ont doit rendre hommage, des deux côtés d’ailleurs parce que les deux côtés ont souffert…

Qu’on rende le pays à ceux qui l’ont habité que ce soit des arabes, des juifs ou des français. On a des racines mêlées, tellement mêlées qu’on ne sait plus ce que l’on a d’arabe en nous, de juif, ou de français.

Si vous avez remarqué, je n’ai pas utilisé le terme « pied-noir » dans l’entretien. Ça n’est pas par hasard, parce qu’effectivement c’est un terme qui a pris une connotation extrêmement réactionnaire et que je ne veux pas employer. Quand on l’utilise à mon égard je dis « Non, je ne suis pas pied-noir, je suis un Français-Algérien» .

Ce tournant de ma vie, je l’intitule : « Passeport pour mon pays » , tout simplement.

Site de la Compagnie du Théâtre Intérieur : http://www.theatreduvoyageinterieur.com/

El Watan le 11.07.11 : Souika, une ville séculaire au bord du ravin

La médina de Constantine

Souika, une ville séculaire au bord du ravin

«à tout jamais, ma ville s’est réfugiée derrière l’image qu’on s’en fait. Concédant une attitude et tolérant une silhouette, jalon entre deux infinis, elle veille sur le passé, et, relais du soleil, elle monte la garde au pied des espérances. Elle est une présence, elle est un rêve qui continue.»

Malek Haddad, Une clé pour Cirta, 1965

Pour le commun des Constantinois, l’accès vers le vieux quartier de Souika passe inévitablement par une halte à Bab El Djabia. Un lieu hautement symbolique qui abritait l’une des portes de la ville du Vieux Rocher, où une source émergeait des entrailles de la terre et ramenait l’eau à la cité. Certains trouvent une explication au mot

El Djabia : celle qui apporte l’eau. Comme pour le Tout-Constantine, les odeurs de Souika vous accueillent, vous accompagnent, vous poursuivent, vous prennent à la gorge ; on les reconnaît avant d’avoir fait deux pas, elles vous portent sur les nerfs et vous soulèvent le cœur, pour paraphraser le personnage du roman Ezzilzel (le séisme) de Tahar Ouatar, Cheikh Abdelmadjid Boularouah.

Par ces chaudes journées de juillet, les ruelles étroites de ce «petit souk» offrent une fraîcheur tant recherchée par les amateurs des escapades dans le passé. A la rue principale Mellah Slimane, ex-rue Perregaux (pour les anciens de la ville), le décor n’a pas beaucoup changé depuis les dernières décennies. Les marchands de fruits secs n’ont pas quitté les lieux, en dépit des travaux de rénovation de quelques anciennes maisons. Des travaux qui durent toujours. «Pendant le Ramadhan, ou autres fêtes religieuses, Souika devient La Mecque des Constantinois, ceux désireux de trouver quelque chose d’original, d’authentiquement ancien, ou ceux à la recherche d’occasions rares à des prix intéressants ; mais ses enfants, ceux qui l’on quittée pour d’autres cieux, y reviennent souvent s’y ressourcer, comme pour un vrai et éternel pèlerinage», dira Ammi Saïd, un enfant de cette cité.
Lui, par contre, il n’a jamais pensé un seul jour la quitter. Malgré la concurrence qui lui est livrée par d’autres quartiers, Souika, où chaque pavé a une histoire à raconter, demeure un haut lieu du commerce, où se mêlent, paradoxalement, légal et informel. Sa particularité est cette suite interminable de petites boucheries qui côtoient, sans encombres, depuis Bab El Djabia jusqu’au Chatt, les petites épiceries, les vieilles échoppes où l’on vend de tout, mais aussi les petites boutiques de torréfaction et autres herboristes. Tout le monde y trouve son compte et son espace, y compris les vendeurs d’abats, de merguez, pizza et mahdjouba. Même les bouquinistes et les vendeurs d’antiquités ont une place au soleil. Souika est un véritable petit espace cosmopolite riche par ses lumières, ses ombres, ses anciennes maisons, défiant le temps, et qui descendent en cascades pour narguer le ravin, ainsi que ses innombrables curiosités qui n’échappent pas aux regards «fouineurs».

Sur les traces des saints

Décrite comme une presqu’île originelle sortie des entrailles du rocher, quartier pittoresque en dépit des sévices du temps et de l’ingratitude des hommes, Souika demeure toujours le cœur palpitant de Constantine. Elle puise surtout sa sacralité dans un privilège qu’on ne trouve pas dans d’autres quartiers de la ville des Ponts, privilège attribué par la proximité du mausolée de Sidi Rached, le saint patron qui veille sur la ville, et qui est enterré à quelques mètres, en contrebas du fameux pont éponyme ; cependant, l’histoire et la vie de ce dernier demeurent, à nos jours, entourées de mystères.

Souika, qui attire pèlerins, touristes, simples badauds, chercheurs, artistes et autres curieux et nostalgiques en quête de souvenirs et de repères, est aussi riche en vestiges historiques et architecturaux, qu’en monuments inspirés de la civilisation musulmane et des lieux de culte : la mosquée Sidi Afane (un autre saint de la ville), construite à la fin du XVe siècle, située à quelques mètres de Kouchet Ezziat, une petite placette qui abrite à proximité d’un passage voûté (appelé Sabat) la maison de Daïkha, la fille d’Ahmed Bey, la rue Benzegouta (ex-Morland) en direction de la rue Abdellah Bey, plus connue par Essayeda, en référence à Sayeda Hafsa, dont une mosquée située dans les lieux porte le nom, et aussi un autre lieu de culte, Sidi Moghrof.

Ce dernier est un autre saint dont on ignore aussi l’histoire, et même l’origine de son nom. De là, en traversant le lieudit Zenqet El Mesk, les pas nous mènent forcément vers la mosquée de Sidi Abdelmoumène, une halte inévitable pour les fidèles de ce lieu vénéré, qui côtoie lui-même deux zaouias : Sidi M’hamed Ennedjar, fermée depuis des lustres, et Bouabdellah Cherif, lieu de rencontre préféré des adeptes de la confrérie des Aïssaoua. Au même titre que celles des Taybia, Rahmania, Tidjania et Qadiria, les zaouias sont profondément enracinées dans les traditions des Constantinois. Chaque coin de Souika recèle une histoire tout aussi fabuleuse que la précédente. Comme par superstition, les visiteurs, ici, ne reviennent jamais sur leurs pas : ils traversent le quartier afin de profiter de cette longue venelle, d’un bout à l’autre. Une si longue traversée exige que l’on s’y prépare, il faut donc avoir du temps pour découvrir chaque pan de cette petite cité : ses bains, ses cafés maures, ses fontaines, ses sabats, ses placettes et ses ruelles enchevêtrées. Le visiteur aura toujours le sentiment de vouloir revenir un jour. «A Souika, les gens sont des êtres inassouvis, car ils sont à la recherche de choses enfouies dans la mémoire collective, bien que les anciens et tous ceux qui ont vécu l’âge d’or de ce quartier, le plus mythique des quartiers érigés au cœur de la vieille ville, sur l’un des versants les plus escarpés du Vieux-Rocher, disent aujourd’hui qu’il a perdu son âme et toute la magie d’antan», regrette ammi Saïd.

Arslan Selmane