Les * renvoient aux explications en fin de poésie
Dans l'ombre bleue de tes ruelles
Sommeillent mes rêves
Glissent mes pas
De Sidi Rached à Sidi Bouannaba
Sillonne mon sourire dans les méandres d'un rire
Cuivré
Blotti au fond d'un atelier
Enjouement d'un maillet danseur
Sur le bord d'un s'ni*
Ruisselle l'eau de fleur d'oranger.
Oranges amères
Roses perlières
Gouttent d'un distillateur
Rouge cuivré.
Mousse rose de mon enfance
A une gouttière cendrée
Suspendue
Lèvre rose souriante.
Toits rouges de désir
De soleil et d'azur, voici :
Un pan de firmament
Entre deux minarets, coincé
Sidi Lakhdar, embaumé.
Voilà
Un chaud rayon débrouillard,
Lézard
Cent fois centenaire, toujours étonné
Noyé, heureux, dans le nil* de tes pierres
De plaisir frissonnant
Fier.
Yeux turquoise d'un zélidj*
Du Wast ed Dar*, où, dans le zigzag de son souffle
La fontaine
Chuintements
Murmures
Quiétude intime d'un hammam en fleurs
Henné à l'eau de rose sous le nacre d'un qabqab*
Dans une paume fiévreuse, l'ambre d'un s'khab.*
Yeux vermeille d'un zélidj
D'un arc-en-ciel volé
Du Wast ed Dar
L'arôme poivré d'un café dans la cendre endormie
Brasero en quête de fraîcheur
Ebloui.
Femmes, faites tinter vos r'dif*
Agitez votre khalkhal*
Ce soir, nous irons compter les étoiles
De la fenêtre
Du menzeh.*
Les petites, les grandes
Les plus proches, les plus éloignées
Les filantes, les voilées
Puis, nous irons nous les partager
A égalité.
Que vos rires en cascades roulent jusqu'à la s'qifa*
Que vos velours génois étales
Montrent l'or de vos doigts !
De Sidi Bouannaba à Saïda
Sillonne mon sourire dans les méandres d'un rire
Doré
Blotti au fond d'un atelier
Ballade d'une aiguille trotteuse
Brodeuse
Qattifa annabi.*
Sillonne mon sourire dans le creux d'un rire
En offrande argentée
Pour ce pan de mur
Mille baisers
Milles bras embrassés.
Du Chatt à El Bat'ha
Sillonne mon sourire dans l'éclat d'un rire
En échos
Dispersés.
Sillonne mon sourire dans la joie d'un rire
Aux senteurs de henné
Dans une main câline
Du haut d'un quinquet
Sourire d'une Médine
A ne jamais offenser
Oublier
Amis de Constantine
D'hier
D'aujourd'hui
Entendez-vous ces bruits ?
Cliquetis de chenilles
Les monstres de la nuit.
Pour ce pan de mur nili*
Milles baisers
Mille bras embrassés.
S'arrête mon sourire dans l'agonie d'un rire
Trahi.
Najia Abeer, 11/04/05
* S'ni : grand plateau en cuivre pour les repas
* * Nil : indigo
* Zélidj : carré de faïence mauresque
* R'dif : bracelets en or à tête de serpent portés autour des chevilles
* Khalkahl : autre appellation du r'dif
* Menzeh : grenier dont l'unique fenêtre s'ouvre sur un toit
* S'kifa : entrée d'une maison de la Souika
* Qabqab mules en bois, souvent décorées de nacre, portées dans les hammam
* S'khab : long collier fait de plusieurs rangs de perles d'ambre étranglés par espaces réguliers de tubes en or ciselé
* Wast ed Dar : patio central de la maison
* Qattifa annabi : velours couleur de jujube
* Nili : couleur indigo
Lettre à Constantine
J’ai réussi à rattraper un pan de ton histoire Constantine. Et dire que tu avais failli m’échapper !
Avec tes amis, aujourd’hui, une nouvelle histoire commence.
Ma Belle, de moi, tu n’en auras plus assez.
Cette fois, je promets.
Enfin Constantine, tu m’as rendu mes amis, mes voisins, ma maison.
Mieux encore, tu m’en as offert d’autres.
L’exilée, c’est ainsi que me nomme mon père.
L’exilée, c’est ainsi que je me voyais.
Me reconnaissais.
Je ne le suis plus, enfin !
Depuis que je suis revenue au pays
J’ai compris.
Je t’aime toi, vieux Rocher
Ta barbe couleur rouille, henné, s’en va puiser sa sève dans cet oued qui t’enlace depuis une mémoire aussi profonde que tes gorges.
Ô combien de fois j’ai tenté l’approche, le retour.
Et toutes ces fois tu n’as pas daigné me regarder.
Je ne voulais pas plus d’un bras, d’un simple geste.
Un regard aurait suffi.
Et j’aurais avancé.
Non, pas une fois tu m’as regardée.
Puisque je te le dis !
Ne t’en fais pas ma Belle, ne t’excuse pas.
Je sais.
Tu aimes trop tes enfants.
C’est moi qui cherche à me faire pardonner.
Tu dis m’avoir cru partie pour toujours ?
Et bien, pour une fois, tu te trompes Constantine.
Je t’aime moi aussi, toi, vieux Rocher
Solitaire qui porte mon monde en chapeau.
Je te fais la révérence
Et dépose le reste de ma vie à ton pied.
Najia Abeer
1 commentaire:
Bonjour
Je suis ravie de lire ces vers,je leur trouve une grande sensibilité j'espère qu'un jour les poêmes de Najia Abir seront édités,merci
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