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LA PORTE DU VENT (Bab-er-Rouah) à CONSTANTINE ET SON ACCÈS
Un journal local,
On nous permettra d'apporter, nous aussi, notre modeste contribution à l'histoire anecdotique de la ville, en citant quelques lignes d'un livre peu connu, mais qui mérite pourtant qu'on le feuillète, car il relate des souvenirs remontant à 1838 et 1839, c'est-à-dire au lendemain de la prise de Constantine (2).
Voici ce que nous y avons lu, pages 112 à 114, à l'occasion d'une promenade accidentée narrée par l’auteur :
« Une partie des officiers cheminait à un étage inférieur de l'escarpement. Nous les rejoignîmes non sans peine ... mais bientôt le chemin dégénéra en un sentier très étroit où l'on pouvait à peine mettre le pied ... Le sol était formé d'un roc glissant; à droite s'élevaient des rochers à pic et à gauche on côtoyait un précipice d'une effrayante profondeur... Tout à coup le chef de file fut arrêté par un obstacle. Le sentier était obstrué par un amas de terre fraîchement remuée, qui formait un talus raide ... L'examen des lieux nous fit découvrir bientôt que ces terres meubles provenaient de fouilles faites pour dégager une ancienne poterne romaine pratiquée dans un mur dirigé suivant la pente de l'escarpement. Ce mur, établi pour barrer le passage, était construit en belles pierres de taille placées par assises régulières, dont les joints étaient dégarnis ... Nous le franchîmes. »
« On raconte qu'après la prise de la ville, Ben Aïssa échappa aux vainqueurs en descendant cet escarpement. Tous ceux qui, tentèrent cette périlleuse entreprise ne furent pas aussi heureux, bien qu'ils se servissent de câbles pour faciliter leur descente, car on trouva dans le précipice les cadavres d'un certain nombre de kabyles. »
Voilà donc expliqué, et ramené à des proportions vraisemblables, l'épisode légendaire des fuyards abandonnant Constantine prise d'assaut et se faisant descendre par grappes, au moyen de câbles, au pied des escarpements compris entre la Casbah et les moulins Lavie.
Mais comment se fait-il que le général Cadart, à propos de son aventure, ne rappelle pas la surprise des volontaires dont parle M. Joseph Bosco? C'était pourtant l'occasion d'en dire deux mots!
Dans tous les cas, ce petit récit précise bien cinq points importants : la viabilité relative du sentier en corniche en 1837, l 'existence d'une poterne romaine dont l'usage était abandonné, la continuité du sentier au-delà de la Grotte des Pigeons, la présence d'un mur romain dont il ne reste plus qu'une seule assise (vis-à-vis du pont suspendu), enfin les détails de la fuite de Ben Aïssa.
Constantine et ses Antiquités, publiée par la Société archéologique dans son Annuaire de 1853, sous la signature de M. A. Cherbonneau.
Pages 113 el 114 :
« Il y avait jadis six portes à Constantine. Deux de ces portes : Bab-er-Rouah et Bab el-Heninecha, avaient été supprimées longtemps avant la conquête ... Bab-er-Rouah (la Porte du Vent) regardait le nord; on n'y montait qu'avec une grande difficulté par les pentes naturelles: « el medaredj ». Si Ahmed ben el Mobarek... assigne comme position à cette poterne la partie du rempart qui domine les thermes de Sidi-Mimoun (sur la droite et un peu au-dessus des moulins Lavie).
« L'authenticité de ce renseignement est d'autant moins contestable, qu'elle est justifiée par une note très détaillée, dont je dois la communication à M. le commandant Foy et que je reproduirai en substance:
« Bab-er-Rouah était une poterne ouverte au-dessus du bain, dans un mur romain construit en ce point pour fermer une large fente de l'étage supérieur des escarpements qui formaient de ce côté la défense du Capitole. De l'intérieur, on arrivait à la poterne par un escalier en pierres de taille, et au dehors à Sidi- Mimoun, soit par des rampes tracées dans les talus qui séparent les étages successifs, soit par une série de marches étroites taillées dans le rocher et dont on retrouverait encore "aujourd'hui les traces. Le Génie militaire a fait déblayer, en 1838, l 'escalier donnant accès à la fausse porte. Tout cela a été remplacé par le mur de fortification qui constitue l'enceinte de l'hôpital à l'ouest. »
Terminons en faisant connaître qu'un affaissement récent des remblais vient, encore une fois, de mettre à découvert l'entrée de la poterne dans la cour de la Casbah. Nous en avons vu nous même le cintre, remanié, au-dessous du mur de séparation de l'arsenal, en novembre 1917.
CAPITAINE L. JACQUOT,
Rapporteur au Conseil de Guerre
(1) 4 juin 1917.
(2) Souvenirs de Constantine. Journal d'un officier du Génie, rédigé en 1838-39 et coordonné, en 1893, par le général Ch, Cadart, Paris, Firmin-Didot et Ci, 1894.