Pour un premier roman, c'est un coup de maître !
C'est l'histoire d'un flic, un flic intègre qui cherche la vérité dans un monde totalement corrompu et instrumentalisé. L'inspecteur Larbi enquête sur la mort d'un anonyme, obscur gardien de cimetière chrétien à Rouiba qui gardait des caveaux abandonnés et bourrés de drogue et d'armes. Dessous ce trafic, le GIA. A l'occasion de cette affaire, Larbi tombe sur une affaire parallèle, celle de Moh, riche entrepreneur de Rouiba également qui avait des relations mafieuses. Cette histoire algérienne, sur fond de corruption généralisée, de meurtres islamistes à tout va, de barbus, de tangos, permet de remonter aux années de lutte pour la libération de l'Algérie, au règne sans partage du FLN qui s'est imposé comme seul acteur de la révolution.
Toute passionnante qu'elle est, cette intrigue n'est qu'un prétexte à la dénonciation implacable d'un système algérien généralisé qui tue toute espérance démocratique. C'est la loi de la jungle, le règne de l'argent, la dictature de la corruption. là est le véritable sujet du livre, d'autant qu'il permet à Sansal de s'attaquer à l'institution FLN qui a noyauté la guerre d'indépendance, au prix de luttes intestines sans aucune complaisance. Les éliminations brutales de cette époque pour imposer une seule voix, n'ont pas empêché, après la guerre de libération de remettre sur le devant de la scène les factions. C'est ainsi, nous dit Boualem Sansal que ce pays s'est enfoncé dans l'absurde et la violence.
Boualem Sansal s'explique sur la naissance de cette oeuvre : "Elle a été enfantée à une époque sombre de l'Algérie, en 1984, au plus fort du terrorisme. Ça l'est toujours. J'occupe de hautes fonctions dans l'administration et cela a fait de moi un observateur privilégié. La situation en Algérie est étonnamment complexe. Les négociations menées par le FIS, le GIA se sont soldées par un processus de réhabilitation des terroristes... Le pouvoir, s'il le veut, peut mettre un terme à toute cette violence. L'Algérie, c'est le cauchemar, et sur le plan stylistique je traduis le cauchemar, la peur et la tension permanente. L'administration est cauchemardesque. C'est un régime absurde. Tout part à vau l'eau. Tout n'est qu'illusion. L'illusion fonctionne. Les intellectuels se sont tus trop longtemps. Certains s'expatrient, d'autres se font assassiner. Les intellectuels dits francophones ne sont pas aimés en Algérie. Nous sommes marginalisés."
Le lecteur est confronté à une véritable logorrhée. Un peu comme un combattant qui reste le doigt crispé sur la détente de sa mitraillette. Les mots fusent, ne laissant aucun répit et ne faisant grâce à rien ni à personne. Comme si l'auteur ne pouvait plus maîtriser son débit. Et pourtant il dit avoir "écrit ce livre très calmement, une ou deux pages tous les soirs." On imagine mal ce que ça aurait pu être s'il avait été en colère...
L'écriture est magnifique et, malgré le flot, très maîtrisée. Boualem Sansal est maître dans l'art du point virgule qui lui permet de faire des phrases d'une longueur incroyable. Les paragraphes deviennent des pages entières, d'un seul trait et c'est fascinant, tant l'impression qui s'en dégage en est forte.
Après ce sublime marathon littéraire, on se retrouve comme un sportif vaincu par l'effort et rassasié par la performance. On en redemande, tant on est emporté par la volonté de sortir de ces ornières qui enlisent l'Algérie et son peuple, alors que ce pays mérite de vivre.
1 commentaire:
ce livre me semble plutôt dédié à un public d'initiés connaissant très bien la politique algérienne. Les métaphores dont le récit est truffé du début jusqu'à la fin m'ont paru totalement indigestes et absconses. Dommage, car c'est frustant...à croire que l'exercice de style était plus important que l'histoire elle-même noyée dans ce flot d'images. Rien à voir avec Yasmina KHADRA qui sait rendre ses récits à la fois poignants et accessible à tous...
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