mardi 29 avril 2008
Boualem Sansal : Le Serment des barbares - Gallimard
samedi 26 avril 2008
Hommage à Najia Abeer du 22 avril 2008 à l'Espace Noûn (Alger)
Najia Abeer est venue à la littérature avec des romans à caractère autobiographique .Elle a tenté de tout dire pour comprendre et se reconstruire : des blessures affectives à la maladie, du refus des tabous à l'amour, de la quête de soi aux problèmes socio-politiques du pays. Vie personnelle et problèmes de l'heure constituent la trame de ses trois romans : Constantine et les moineaux de la murette (2003), L'albatros (2004), Bab el Kantara (2005). Elle a également écrit des nouvelles, des poèmes et des articles de presse. Son œuvre est construite autour de quelques thèmes récurrents : Constantine, la ville de son enfance, les relations familiales dans la maison paternelle ou dans son foyer, la difficulté d'être une femme et la solitude.
Son premier roman s'ouvre sur un long monologue dans lequel la narratrice explique son passage à l'acte d'écrire. Elle veut mettre fin à un état d'errance et démêler les fils d'une énigme qui a trait à son passé. La recherche de la vérité, d'une clef, d'un indice vont lui permettre de se retrouver. Et c'est tout naturellement vers Constantine qu'elle va se retourner, l'interpellant et faisant d'elle un personnage, objet d'amour et de souffrance : « Constantine, tu me fais souffrir, est-ce que tu le sais ?» Constantine va servir de moteur à la fiction et les pages blanches décrites au début du roman vont se noircir, restituant l'enfance de la narratrice Joumana pendant la guerre de libération, l'ambiance de la Souika, vieux quartier où elle est née, la vie familiale, la guerre et la relation aux pieds-noirs et enfin l'indépendance. « L'écriture de Constantine…ne pouvait être que poétique et heureuse car elle a été conçue dans la tendresse de l'enfance et l'expression d'un amour pour une ville fascinante. Celle de L'Albatros est froide, parce que pleine de douleur et vide d'amour » avoue–t-elle dans une interview (Rachid Mokhtari, Le Nouveau Souffle Du Roman Algérien, Chihab Editions, 2006).
Les photos sont de Mébarek Mouzaoui
A droite, Amina Bekkat, animatrice de la discussion
A droite, Christiane Achour
A droite, Lounès Ramdani, le "papa" de DzLit, en compagnie de Djamel Mati, à gauche
A la librairie Mille-Feuilles , Mébarek Mouzaoui, un des principaux artisans de la rencontre, à gauche de Rachid Boudjedra, Sidi-Ali, le libraire, en compagnie de Lounès Ramdani, à droite
A droite, Samia Chikh, éditrice de Najia Abeer (Ed Apic)
jeudi 24 avril 2008
Germaine Tillion : une grande dame au service de la paix (2)
L’Algérie au coeur
24 Avril 2008
Fin novembre 1954, Germaine Tillion retourne en Algérie après le déclenchement de l’insurrection à la demande de Louis Massignon. En novembre 1954, elle apprend le déclenchement de la Révolution. De décembre 1954 à février 1955, Germaine Tillion parcourt le massif, constate l’effondrement économique. C’est à Batna qu’elle apprend ce que furent les événements de Sétif de 1945. Les 45.000 morts qui ont enlevé à la population jusqu’à l’idée même de révolte. Pour un temps, pour dix ans. Car en 1954, la révolte a éclaté de nouveau. Dans l’Aurès, les vieux Chaouia lui racontent comment un militaire maniaque torture de simples suspects. Germaine Tillion ignore tout du problème colonial. Etant reçue par Soustelle son ancien collègue ethnologue comme elle, elle bouillonne: «Croyez-moi monsieur le gouverneur, même un Ben Boulaïd qui a été arrêté est respectable. Je connais bien sa famille. Je l’ai vu tout gosse à Batna. Mostefa est un patriote et non un criminel de droit commun.»(1)
La mécanique des exécutions
Un an plus tard, elle crée des centres sociaux en Algérie. En 1957, en pleine bataille d’Alger, elle réussit à obtenir pour quelques semaines l’arrêt des attentats contre l’arrêt des exécutions capitales de militants du FLN, après une rencontre secrète avec Yacef Saâdi, chef militaire de la Région d’Alger. En même temps, Germaine Tillion s’élève avec véhémence contre la torture avec l’historien Pierre Vidal-Naquet ou le journaliste Henri Alleg. Le 18 juin 1957, elle participe à la commission d’enquête sur la torture dans les prisons de la guerre d’Algérie. Bien plus tard, toujours aussi interpellée par ses combats pour la dignité humaine, en octobre 2000, à 93 ans, Germaine Tillion a signé l’«Appel des quinze», demandant à la France de condamner officiellement la torture qui a été pratiquée en son nom pendant la guerre d’Algérie.(2)
On a tout dit de la bravoure de Germaine Tillion, de sa façon de défendre les causes justes de liberté et de dénoncer la torture. Germaine Tillion conseillère technique au cabinet de Soustelle, verra en Parlanges, le général commandant les Aurès et chargé de la pacification et des SAS chères à Soustelle, - tout comme les Chaouia -l’homme de la répression. Ecoutons comment elle raconte son entrevue avec lui: «Lorsque je lui ai raconté comment les officiers "maniaques" torturaient des "réputés suspects", j’ai compris la méthode qu’il pratiquait au regard profondément ironique qu’il m’a "accordé". Je me souviens encore de ses mains de garçonnet, sans cesse en mouvement, lorsqu’il parlait avec une évidente satisfaction de toutes les façons possibles d’égorger un homme.» Y.Courrières: p. 83
Elle eut par la suite à revenir en Algérie pour enquêter avec une Commission internationale contre le régime concentrationnaire sur les prisons en Algérie. Bien plus tard, écrit Yves Courrières, elle eut confirmation de ce qu’elle redoutait: «La pellicule agissante et pensante était bien mince chez les Français d’Algérie, j’étais atterrée. Toute l’élite algérienne était en prison. Tous ceux qui chez les Européens et chez les Musulmans pouvaient constituer le premier noyau d’une communauté franco-algérienne étaient incarcérés, torturés. La période coloniale se terminait et on massacrait l’élite algérienne. On l’acculait à nous détester.» Y.Courrières p.464.
On a beaucoup parlé de ses contacts avec Yacef Saâdi, des promesses non tenues et qui ont amené à la guillotine des dizaines d’Algériens conformément aux deux décrets 56-268 et 56-269 signés le 17 mai 1956 par un certain François Mitterrand, qui n’a jamais voulu commuer les peines de mort. Ce même François Mitterrand devenu président qui s’est refait, torturé par le remords durant son premier septennat, abolissait la peine de mort en 1982. C’est dire si les droits des Hommes ne sont pas les mêmes sous toutes les latitudes et les époques...
Étant reçu par le général de Gaulle, qui n’était pas encore revenu au pouvoir, elle lui raconte la mécanique épouvantable des exécutions capitales suivies d’attentats: «Toute la prison qui est mixte, entend les préparatifs. On sait ce qui va se passer. On hurle à la mort. Et la Casbah toute proche reprend le chant de mort. Elle hurle, pleure et prie. C’est une immense communion dans le supplice.» Germaine Tillion raconte ensuite la torture. Elle tenait les récits de la bouche de ses amis qu’elle avait pu visiter en prison grâce à son titre officiel. Y.Courrières p.468.
Elle ne s’arrête pas là dans la défense de son pays, puisque, dès le déclenchement de la guerre d’indépendance, Tillion dénonça la torture. Germaine Tillion crée les centres sociaux pour les ruraux musulmans déplacés dont elle dénonce la «clochardisation». Ces mêmes centres qui, le 15 mars 1962, virent six enseignants - trois Algériens et trois Français (dont Max Marchand et Mouloud Feraoun) - dirigeants des Centres sociaux éducatifs être exécutés par un commando de l’OAS. Germaine Tillion analyse les dysfonctionnements de la société coloniale, les Ennemis complémentaires, enquête sur la torture et les lieux de détention des moudjahidine...Elle était l’une des Françaises les plus décorées. Germaine Tillion fait sortir les femmes des Aurès de l’anonymat en publiant des photos mémorables qui datent de 1934, dans un ouvrage intitulé L’Algérie aurasienne.
Germaine Tillion ne s’arrêtera jamais. Signataire d’un appel à la condamnation de la torture durant la guerre d’Algérie (Appel signé par douze personnalités, L’Humanité, 31 octobre 2000.), cette femme, née en 1907, peut témoigner des nombreuses épreuves traversées dans ce siècle, épreuves vécues ou témoignages recueillis. Ethnologue formée par deux maîtres, Marcel Mauss et Louis Massignon, elle part en Algérie en 1937. Elle y accumule des quantités de notes et d’analyses sur l’ethnie berbère des Chaouïa L’idée de résistance s’impose alors, se structure. «Quand j’ai entendu la déclaration d’armistice de Pétain j’ai vomi.» 1940, sa vie bascule. Elle s’engage dans la Résistance. Dix de ses camarades sont fusillés, elle eut «pendant plusieurs mois, parfois plusieurs fois par semaine, l’occasion de dire adieu aux camarades qu’on emmenait au poteau d’exécution». L’Algérie, à nouveau, en 1954, pour une mission d’observation, puis pour la mise en place de centres sociaux, par lesquels elle espère enrayer la «clochardisation» de cette société qu’elle redécouvre. Et cette vision ethnologique si personnelle, «de la plus équitable douceur, la mesure et la raison», comme l’écrit Jean Lacouture, montre qu’aujourd’hui encore d’autres combats restent à mener: les sans-papiers, les minorités ethniques, l’esclavage moderne, etc. Pour le troisième millénaire, il faut «inventer autre chose».(3)
La dame aux mille vies
Sylvain Rakotoarison la décrit de la façon suivante: «Parmi les qualificatifs qui reviennent souvent au sujet de Germaine Tillion, il y a la passion de comprendre, la tendresse sans borne, l’humour, la malice et la dérision. Elle porta la lutte sur tous les fronts de la dignité humaine, notamment dans les prisons françaises où elle a encouragé l’enseignement et en Algérie, où elle s’est opposée à la torture, à la condition déplorable des femmes et à la ‘‘clochardisation’’ du peuple algérien avec la construction de centres sociaux. Elle l’expliqua ce terme dans son livre La Traversée du mal : "La clochardisation, c’est le passage sans armure de la condition paysanne (c’est-à-dire naturelle) à la condition citadine (c’est-à-dire moderne). J’appelle ‘‘armure’’ une instruction primaire ouvrant sur un métier. En 1955, en Algérie, j’ai rêvé de donner une armure à tous les enfants, filles et garçons.". C’était un peu cela la ‘‘méthode Germaine Tillion’’: une recherche pertinente de diagnostic des maux qui rongent la société, et surtout, la mise en pratique de solution concrète. Germaine Tillion est l’honneur de la République et l’honneur du XXe siècle.»(4)
Difficile de retracer les «mille vies» de Germaine Tillion. Ajoutons sans être exhaustif, son combat permanent pour les droits de l’Homme, question essentielle à ses yeux, donc la défense des minorités, de toutes les minorités. N’oublions pas sa contribution majeure à la cause des femmes et son livre magistral Le Harem et les cousins. Ajoutons encore sa participation, dès 1969, à la défense mondiale de la santé publique contre la pollution des eaux, et l’atmosphère aux côtés de René Cassin, prix Nobel de la Paix. Tout cela en poursuivant son enseignement à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Ehess, et ses recherches, comme directrice au Cnrs. Ceux qui connaissent Germaine Tillion s’accordent sur deux traits essentiels de cette humaniste inflexible: sa passion de comprendre et «sa tendresse sans borne qu’elle a toujours porté à ses semblables». Comment se définit-elle? Comme «une patriote de la justice, de la vérité, de la vie.» En 2004, pour le soixantième anniversaire du programme du Conseil national de la résistance, avec d’autres résistants dont Lucie Aubrac, elle signa «l’Appel des résistants aux nouvelles générations».(5)
Son combat contre la torture n’allait pas s’arrêter après la fin de la guerre d’Algérie. Elle a continué, tout au long de sa vie, à demander, aux gouvernements français de gauche comme de droite, de reconnaître la torture, qu’au nom de la République, les tortionnaires ont infligée aux Algériens. «Des deux côtés de la Méditerranée, la mémoire française et la mémoire algérienne resteront hantées par les horreurs qui ont marqué la guerre d’Algérie tant que la vérité n’aura pas été dite et reconnue...La torture, mal absolu, pratiquée de façon systématique par une armée de la République et couverte en haut lieu à Paris, a été le fruit empoisonné de la colonisation et de la guerre, l’expression de la volonté du dominateur de réduire par tous les moyens la résistance du dominé...» C’est là un extrait de «l’appel à la condamnation de la torture durant la guerre d’Algérie» lancé au moment où Massu et Aussaresses reconnaissaient, persistaient et signaient leurs crimes. Cet appel au président Chirac et à son premier ministre Jospin était lancé et signé par: Germaine Tillion, aux côtés de Henri Alleg, ancien directeur d’Alger Républicain et auteur de «La Question», Pierre Vidal- Naquet, historien et auteur de «La torture dans la république»; elle s’associera aussi à d’autres intellectuels et lance un autre appel contre la torture en Irak.
«Germaine Tillion, c’est un regard. Celui de l’ethnographe qu’elle fut, mais pas seulement. Toute sa vie, elle a regardé les hommes vivre, ´´amicalement et gentiment´´, dit-elle: les paysans pauvres des Aurès, dans les années 1930, où la mène son premier travail de terrain; les mêmes, en 1954, clochardisés, laissés-pour-compte de l’économie européenne; les femmes, d’abord celles qu’elle forme dans les centres sociaux d’Alger, et plus tard, celles qu’elle rencontre en Mauritanie, au Niger, en Haute-Volta, en Libye, au Moyen-Orient, en Inde, lors de ses missions scientifiques; les sans-papiers à Paris en 1996, les Maghrébins de France, les jeunes de banlieue, les harkis, les pieds-noirs...Est-ce son expérience du Mal, ou la fréquentation de ses maîtres en ethnologie - Marcel Mauss, Louis Massignon? Elle semble porter en elle toute l’histoire du monde, tissant ensemble avec une évidence confondante les temps immémoriaux et l’urgence du présent.»(6).
En définitive, Germaine Tillion fait partie de cette armée de l’ombre, celle des Justes qui ont fait, en leur âme et conscience, leur devoir. Elle ira rejoindre André Madouze, Pierre Vidal-Naquet, voire Aimé Césaire qui, à leur façon, ont porté haut et fort les valeurs de dignité humaine et qui, au quotidien, ont prouvé par leur engagement, certaines fois au péril de leur vie, que la justice était un combat sans compromis ni compromission. Assurément, cette Algérie qui peine à écrire son histoire devrait montrer que celles et ceux qui se sont battus pour elle, appartiennent à la famille des Justes et méritent toute notre reconnaissance.
(*) Ecole nationale polytechnique
(*) Ecole d´ingénieurs Toulouse
1.Yves Courrières: La guerre d’Algérie: le Temps des léopards. P.37. Editions Arthème Fayard 1969, 2001 Ed.Casbah 2005. Alger.
2.Jean Lacouture: Le Témoignage est un combat. Le Seuil 2000,
3.Violaine Ripoll. Les combats de Germaine Tillion Le Monde diplomatique janvier 2001
4.Sylvain Rakotoarison: Germaine Tillion: AgoraVox 21 avril 2008
5.Patrice Le Borgnic, Bon anniversaire madame U2R, Auray le 30 mai 2007.
6.Catherine Portevie. Germaine Tillion:Télérama 2 Juin 2007
lundi 21 avril 2008
Germaine Tillion : une grande dame au service de la paix
DÉCÈS DE GERMAINE TILLION
Le respect de l’autre
Un siècle de vie, c’est une baraka, diraient les femmes et les hommes de l’Algérie profonde, qu’elle a connus, étudiés et aimés. La plus grande ethnologue du XXe siècle, qui a fêté ses cent ans le 30 mai dernier, est morte ce 19 avril.
L’engagement de Germaine Tillion a contribué à la décolonisation des esprits. Cela peut se résumer en sa croyance inébranlable en l’autre. Nous, les Algériens, ne dirons jamais assez notre reconnaissance à notre grande et fidèle amie Germaine Tillion.
jeudi 17 avril 2008
Autour du livre de Boualem Sansal "Le village de l'Allemand" (2)
Les faussaires et le débat
Jeudi 17 Avril 2008
Par Mohamed Bouhamidi
En introduisant son dossier, paru dans la dernière livraison du quotidien Algérie News, sur le Village de l’Allemand, le dernier livre de Boualem Sansal, Arezki Louni, signant l’édito du dossier «Sansal» et indiquant ainsi clairement que le journal prenait position, annonce l’existence d’une polémique qu’il qualifie aussitôt de cabale dont il monte immédiatement le procès en procureur informé et soucieux des pièces à conviction.
Le relativisme idéologique
M. B.
Copyright © 2000 Omnium Maghrébin de Presse - La Tribune . All Rights Reserved.
vendredi 11 avril 2008
Rencontre avec les amis de Dzlit à l'Espace Noûn (Alger)
Rencontre avec les amis de Dzlit (le site de la littérature algérienne)
9, rue du Colonel Chabani (ex Rabah Noël) Alger
15 h 00 :
- Mot de bienvenue par les libraires : Nacéra Saidi (et ou Arezki Tahar)
- Mot de l'invité d'honneur : Lounes Ramdani
- Mot de l'animatrice : Amina Bekkat
Première Partie
Hommage à Najia Abeer
15 h 05 :
- L'Oeuvre romanesque de Najia Abeer.
Par Fatiha Nesrine.
15 h 15 :
- Lecture de poèmes inédits de Najia Abeer.
Par Samia Chikh.
15 h 30 :
- Lectures d'extraits de textes (Max et Jean-Michel) contenus dans la page web du site Dzlit dédiée à Najia Abeer.
Deuxième PartieDzlit: Site web de la Littérature Algérienne
15 h 35 :
- Présentation de Dzlit
Par Lounes Ramdani
15 h 45 :
- "Littérature algérienne"
Une discussion entre Christiane Chaulet Achour, Bouba Tabti, Afifa Bererhi et Tayeb Achour.
16 h 10 :
- Débat avec les présents.
17 h 00 :
- Mot de la fin
dimanche 23 mars 2008
Assia Djebar : Femmes d'Alger dans leur appartement - Albin Michel - 2002
L'enfermement de la femme est un thème central de cette œuvre et il n'est pas étonnant que l'auteure ait saisi cette occasion artistique pour en faire le fil conducteur des 8 nouvelles de l'ouvrage.
Boualem Sansal : Harraga (Roman) - Éditions Gallimard, 2005
Ce roman m'a dérouté, un bout de temps. Le temps de m'aclimater au style de Sansal. Le temps de bien comprendre ce que sont ces fameux "brûleurs de route" - traduction littérale du titre du roman - et l'extrapolation qui en est faite par l'auteur.
Cet ouvrage est bien plus qu'un roman. C'est au-delà de cette Algérie des années islamistes. Il s'agit bien du destin de deux femmes différentes et par l'âge et par le caractère. Mais il s'agit aussi de deux femmes seules dans une société marquée par la prééminence de l'homme.
Chérifa, jeune Oranaise de 16 ans, est libre et vit dans son époque. Elle est paumée parce qu'abandonnée. Les circonstances de la vie l'amène à Alger pour chercher refuge chez Lamia, pédiatre et vieille fille, sur les conseils de Sofiane, son frère. Ce dernier a de son côté disparu pour rejoindre la France, comme tant de jeunes harraga.
mercredi 19 mars 2008
Salon du livre de Paris : la polémique
J'ai mis du temps, avant de publier ce message. Non pas parce que je ne savais pas où était ma conviction, mais parce que les dés sont pipés et que le terrain est miné. Sur des sujets comme celui-là, on ne peut plus, aujourd'hui se contenter de son intime conviction; il faut se garder des interprétations, des procès d'intention, des faux-semblants, des prétextes, des lobbies, de l'air du temps, bref pour une grande part de la désormais sacro-sainte communication !
C'est aussi pourquoi, je commencerai par des préalables, afin d'espérer être compris. Je le constate, il est bien fini le temps où la sincérité du propos suffisait. Il y a quelques années, je n'hésitais pas, sur un tel sujet, à livrer un avis tranché. Aujourd'hui, ça n'est plus possible et je le regrette.
Je prends tout de même la précaution de dire avec force combien je suis étranger aux propos intellectualistes, somme toute faciles et surtout soucieux de donner une certaine image de celui qui les exprime, lorsque ça n'est pas pour brouiller les pistes. Pour autant, je ne conteste pas, loin de là, aux intellectuels le droit, voire le devoir, d'alerter l'opinion.
Il m'apparaît comme très important de distinguer la réaction d'un occidentaml de celle d'un ressortissant arabe. Lorsque l'on vit le conflit, quelle que soit la façon dont on se place, on n'est pas du tout dans les mêmes conditions de réflexion que lorsqu'on y est extérieur. Ma qualité d'"Algérien-Français" me permet de le dire et c'est comme cela que je réagis moi-même, au premier abord. Combien les débats de salon sont relativisés par une telle remarque !
Je dois également à l'honnêteté d'exprimer ma très grande gêne par rapport à la position exprimée par les pays arabes, en général. Sentiment de malaise parce que le boycott prôné est en totale contradiction avec la façon dont ils règlent leurs problèmes intérieurs, notamment au niveau des libertés, et de la faiblesse de leur soutient à la Palestine.
Enfin, puisque ce sujet est très sensible, au regard du contexte historique et international et de l'exploitation qui en est faite, j'affirme que je ne mélange pas peuple israélien que je respecte et pouvoir israélien et je me garde bien de faire l'amalgame avec le sionisme ou le problème juif qui sont d'autres domaines de débat. De la même façon, je ne confonds pas islam et islamisme, peuple des pays arabes et gouvernement.
J'ai beaucoup lu sur le fait de savoir s'il fallait ou non boycotter le salon du livre de Paris. Plus pour mieux y réfléchir et ne pas risquer de me fourvoyer que pour déterminer ma conviction sur le sujet qui est que OUI le boycott organisé et accompagné par des actions fortes, concertées est la plus honnête des positions, si l'on veut bien considérer la question uniquement sous l'angle de la conviction profonde, indépendamment du reste, de tout ce qui touche aux calculs et aux apparences. En d'autres temps cette démarche de conviction m'aurait été plus spontanée et non susceptible d'aménagements, comme c'est la cas aujourd'hui puisqu'il me faut bien admettre que pour être efficace, il faut désormais prendre en compte les approches communicantes, les méthodes modernes qui régissent le débat public qui est souvent loin de l'échange d'idées et au plus près des intérêts étroits des individus, des groupes ou des institutions.
La polémique qui a accompagné la tenue de ce salon est là pour soutenir ce que je viens d'exposer. C'est pourquoi, je pense que, malheureusement, le boycott ne pouvait pas être une réponse capable d'éclairer les choses et que la manipulation politique, politicienne, l'étroitesse des motifs ne pouvaient que conduire à le vider de son véritable sens et de son authentique pouvoir : influer sur l'opinion internationale, interpeller les peuples pour que cesse enfin le martyre du peuple palestinien.
Dans ces conditions, il fallait organiser la riposte à ce qui m'apparaît comme une provocation, au vu du contexte israélo-palestinien. Cette nécessité s'imposait aux états arabes comme aux intellectuels de ces pays, à commencer par les écrivains, afin de délivrer un message clair et de faire de cet évènement une tribune pour la cause la plus noble qui soit : la PAIX et l'affirmation que le peuple palestinien a le droit d'avoir un pays qui se développe dans le respect de ses voisins et dans l'affirmation de son identité. Quant à nos intellectuels, il aurait été bienvenu que leur position soit concertée et sans rapport avec les intérêts personnels de tel ou tel !
Force est de constater que malheureusement cette démarche n'a pas prévalu. Le résultat sera donc que le débat a été dévié et que la cause du peuple palestinien comme celle de la paix n'aura pas avancé.
Nous avons donc assisté à l'exposé d'arguments qui n'avaient pour but que de légitimer des choses peu avouables. Fallait-il inaugurer ce salon avec le chef de l'État israélien ? Non, au regard du symbole qu'il supposerait. Était-il normal de privilégier les écrivains de langue hébraïque, alors qu'initialement le projet était autre ? Encore NON et résolument NON, si l'on veut bien admettre qu'aucun choix n'est innocent. En l'occurrence celui-ci était lourd de sens et la France n'avait pas du tout l'obligation de suivre Israël sur ce terrain ! L'ayant fait, elle ne s'honore pas comme ne s'honorent pas ceux qui se réfuigent derrière la césure entre homme de plume et citoyen...
Personne ne me persuadera que la légitimité du boycott est à géométrie variable : vrai, par exemple pour l'Afrique du Sud en son temps et injuste, voire hérétique pour la désapprobation de la politique israélienne aujourd'hui. J'ai vraiment le sentiment qu'aujourd'hui "le marché", les contrats tiennent lieu d'éthique et c'est tout bonnement insupportable.
Enfin, je ne peux terminer ce billet sans dire deux mots par rapport aux positions défendues par deux écrivains que je respecte et que je lis avec admiration. Maïssa Bey qui distingue sa qualité d'auteure et de citoyenne et Boualem Sansal qui Pense que la littérature ne doit pas être concernée par cette histoire. Je suis en désaccord avec eux et je ne doute pas que leur jugement n'a rien à voir avec de quelconques intérêts personnels. Mais je suis aussi surpris si je me réfère à ce qu'il défende si bien dans leurs livres.
Cette affaire aura au moins eu pour moi l'avantage de m'inciter à me documenter plus, à commencer par la fréquentation du blog de Ahmed Hanifi qui publie deux articles de la presse algérienne sur le sujet (L'Expression et El Watan) : http://leblogdeahmedhanifi.blogspot.com/. Je ne serais pas complet si je ne signalais pas l'excellent site de Lounès Ramdani, référence pour tout ce qui concerne la littératrure algérienne : http://dzlit.free.fr/ ainsi que le forum qu'il anime : http://groups.yahoo.com/group/dzlit/ où la discussion a été très enrichissante.
Yahia
En clin d'œil, voici un article parlant lui du salon du livre... Algérien !
Culture : 7e EDITION DU SALON NATIONAL DU LIVRE Nous sommes tributaires de notre histoire !
Paradoxe. Comment envisager une quelconque ouverture de l’esprit culturel en Algérie lorsque l’accès au Salon national du livre se fait par un passage obligé et halte au stand dédié au président Bouteflika ? Quelle image offre cette manifestation dont les éditeurs ont choisi de boycotter le Salon international du livre de Paris parce que Israël en est l’invité principal ?
Difficile de croire que la thématique choisie pour ce salon «Ecriture et crise : esthétique ou engagement ?!» reflète la réalité.
Impossible de croire aussi que Mohamed Tahar Guerfi, président du Syndicat national des éditeurs et organisateur du salon, n’était pas au courant de cette initiative. Au-delà, il aurait pu estamper ce miroir qui nous renvoie vers l’amère vérité d’un pays soumis au diktat. Rattraper le coup et placer ce stand de la vénération parmi les autres, au mieux au dernier niveau de la Bibliothèque nationale du Hamma aurait été possible.
Le Salon national du livre à son 7e rendez-vous n’a finalement rien changé au cours de notre histoire. Nous sommes tributaires de cette identité qui à chacune de ces manifestations se retrouve dans la tourmente de la soumission politique. Parvenir à dissocier son appétit politique de celui de la lecture est apparemment impossible. Sinon comment justifier une adoration en grand format du président de la République !
Aller plus loin, avancer dans les allées du Salon du livre ne servirait presque à rien du tout puisqu’au final, la sortie se fera encore par le stand du président Bouteflika. Un stand où deux livres pour une seule écriture flashe le visiteur. Une écriture qui s’apparente à celle d’un vizir pour son roi. Il est donc plus facile d’afficher une position ferme lorsque ça concerne un autre pays.
Au premier niveau, le débat fait rage
Et là, il ne s’agit pas de cautionner ou pas le Salon international du livre de Paris, mais d’une rencontre entre journalistes spécialisés en culturelle et éditeurs. D’ailleurs, la question n’a même pas été envisagée lors de ce rendez-vous précieux.
Cependant, deux camps se sont affrontés dimanche dernier au premier étage de la bibliothèque du Hamma. Des antagonistes qui se rejoignent malgré tout dans un seul objectif : la culture de la lecture. Pour Fodil Boumala, l’animateur de cette manifestation, il est d’abord question d’envisager une solution au manque de communication promotionnelle entre les éditeurs et les journalistes.
Beaucoup de choses ont été dites. Beaucoup de problèmes ont été posés. Chacun y est allé de sa version. De ses convictions et de sa parfaite maîtrise de la chaîne de l’édition freinée par le manque de promotionnel. Le lecteur était cet après-midi-là au centre de toutes les préoccupations. Editeurs et journalistes ont livré franco leurs contraintes et notamment leurs craintes. Ils ont partagé leur désir commun de voir le champs culturel s’épanouir. Certains des présents ont rappelé le confinement intellectuel à celui de l’engagement économique. Le livre a un prix. La promotion aussi. L’un ne pouvant se passer de l’autre, des efforts ont été fournis et des promesses de concessions ont été faites.
De la bande de Gaza à la bibliothèque du Hamma
Ce sont des échos d’une sale guerre qui frissonnent dans un coin de la bibliothèque du Hamma. Des images de Gaza, des victimes mordues par des chiens, massacrées dans un coin de Jérusalem. Des enfants périssent sous nos yeux écarquillés. Mais le choc a déjà lieu. Il y a plus d’un demi-siècle que ça dure. Nous avons déjà vu ces séquences et nous les avons déjà condamnées.
La Palestine, un peuple frère est opprimé au quotidien. Et l’Algérie ne peut pas envisager de marcher sur la mémoire piétinée dans le déroulement du 28e Salon international de Paris. Même si son comité d’organisation réfute la célébration de la 60e année de la création d’Israël. Il s’est justifié simplement par l’élection d’Israël en invité d’honneur après six années d’attente. Pour les éditeurs algériens, les Français ont manqué de tact. Ils ont choisi de célébrer la littérature israélite au détriment du malheur palestinien. Ils ont préféré l’oppresseur. Sa littérature, sa culture et son pouvoir. La France par ses auteurs a choisi librement Israël. L’Algérie par ses éditeurs et ses auteurs continue à soutenir la Palestine.
L’histoire retiendra le discours inaugural d’Ariel Sharon. Un discours empreint de mépris à l’adresse des pays arabes. Comme elle retiendra les propos méprisants de Yasmina Khadra, directeur du Centre culturel algérien à Paris. Un vis-à-vis, trompe-l’œil, l’auteur de L’Attentat se fourvoie dans son rôle. Il en oublierait même son passé d’écrivain à controverse.
Sam H. lesoirculture@lesoirdalgerie.com
Source de cet article : http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2008/03/18/article.php?sid=65853&cid=16
dimanche 2 mars 2008
Maïssa Bey : Surtout ne te retourne pas (Roman) - Éditions de l'Aube, La Tour d'Aigues, 2004
Ce roman m'a dérouté, un bout de temps. Il m'a fallu m'y adapter et laisser de côté les idées préconçues. Dès lors, la magie a opéré et j'ai rencontré l'univers de Maïssa Bey.
Amina, devenue Wahida va se lier avec des femmes qui ont toutes une très forte personnalité, à commencer par Dadda Aïcha qui lui sert très rapidement de grand-mère. C'est autour de cette dernière et de Wahida/Amina que Maïssa Bey dresse le portrait de ces femmes courageuses qui ne s'en laissent pas conter et qui sont les premières à prendre possession du camp de réfugiés et à l'organiser. On reconnaît bien là la patte de l'auteure qui plutôt que d'avoir un discours misérabiliste sur les femmes algériennes, préfère les montrer comme elles sont en réalité : des femmes déterminées et combatives.