vendredi 15 février 2008

Maïssa Bey : Bleu, blanc, vert

Le ton juste : du quotidien au fonctionnement de la société algérienne

Couverture de Bleu, Blanc, vert de Maïssa BeyBleu, blanc, vert ou la manifestation du patriotisme algérien qui se défait du joug du colonialisme ! Je me suis posé la question de savoir si ce fait avait eu une réalité, mais je pense que c'est plus un procédé littéraire qu'autre chose. J'ai trouvé ce symbole très fort et comme tout le reste du récit, sa force réside dans son caractère anecdotique, quotidien.

En fait, en cette rentrée 1962, ce prof défendait des vraies valeurs, celles que nous avons abandonnées aujourd'hui, malheureusement. Et parce qu'il était attaché à ces valeurs, je suis de ceux qui regrettent que le socialisme ait été aussi mal abordé en Algérie. L'importation brute et massive du modèle soviétique n'a laissé aucune chance pour qu'un autre modèle économique que celui du capitalisme ne triomphe.

Plus loin, dans le récit, Maïssa Bey nous suggère la réflexion sur ce socialisme non ressenti en nous faisant toucher du doigt les conséquence d'une politique du plein emploi ou de la gratuité non partagée par le peuple parce que pas consulté. Elle complète la réflexion en attirant notre attention sur la corruption, les passe droits et tout ce qui va avec qui sont érigés en système. Elle met là le doigt sur de vraies questions qui ont pesé très lourd sur le sort des Algériens et qui continuent de faire des ravages.

A ce propos, je suggère de se pencher sur l'histoire du mouvement de libération algérien qui portait déjà en lui les éléments qui ont conduit à cette situation en Algérie. Par exemple, pendant la guerre de libération, des hauts gradés détournaient l'argent de la révolution, parallèlement à la lutte constante pour le pouvoir. Et je ne parle pas de la confusion entre guerre de libération et révolution. Mohammed Harbi en parle très bien et d'une façon très documentée dans "Le FLN Mirage et réalité des origines à la prise du pouvoir (1945-1962)" aux éditions Jeune Afrique.

Maïssa Bey a trouvé le ton juste et elle atteint son but : comprendre, grâce à toutes ces réflexions du quotidien, des problèmes bien plus complexes. J'ai été très intéressé par ce qu'elle rapporte du rapport des acteurs du roman avec les européens restés au pays. Sans tomber dans la mièvrerie et la complaisance ou au contraire la caricature haineuse, elle traduit avec beaucoup de justesse le fait que les uns et les autres sont de la même terre.

Je trouve aussi qu'elle met bien en lumière également le mélange des cultures et la part de la culture française, vrai particularisme de ce pays. Elle nous permet de mieux appréhender les graves évènements qui ont traversé l'Algérie. Elle a pris le parti de raconter la vie ordinaire, sans tomber dans la démonstration militante habituelle et parvient au but recherché. Le lecteur comprend mieux ce qui est arrivé au peuple algérien, au lendemain de l'indépendance si chèrement acquise. Elle met au premier plan l'héritage culturel alors que le monde change et qu'il y a nécessité pour l'Algérie à s'émanciper.

J'ai trouvé intéressante et efficace la structuration du récit autour d'Elle et Lui. Cette façon de croiser deux sortes de journaux intimes est un beau procédé littéraire, en même temps qu'il permet une vérité assez étonnante.

Ci dessous l'avis d'une amie avec qui j'ai échangé mes impressions :

Un petit bijou, tant par le récit que le style

-Le récit : la double histoire de l’écrivain ( je n’aime pas le mot écrivaine !),analysant sa vie et se mettant à la place d’Ali ! Pas de pleurnicheries, même dans les moments les plus durs, beaucoup de noblesse, d’acuité face à cette occupation pas forcément mal perçue ! Une vie régie par les tabous,la famille, l’amour, le désir ardent de la liberté, et du peuple algérien et de l’être humain tout court ! Bref ! on lit ce roman d’une traite !
-Le style : le registre du langage change à chaque évolution en âge de la narratrice :phrases courtes, vocabulaire simple lorsqu’elle est enfant !
Phrases élaborées, vocabulaire poétique quand elle se raconte, plus pragmatique lorsqu’elle se met dans la peau d’Ali !
Ce roman m’a emballée, d’autant plus que j’étais en Algérie de 1970 à 1973 et que j’ai ressenti son vécu ! Pendant les vacances scolaires, je ne rentrais pas en France.
J’allais à Alger avec une amie algérienne qui me racontait exactement ces choses de la vie après l’indépendance, ses flirts, tout en sachant qu’elle pouvait être mise au banc d’une certaine société conservatrice !
Voilà ! Je ne me suis peut-être pas bien fait comprendre mais je conseille ce livre !

Françoise

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Livre intéressant paraît-il de Maissa Bey. Je dois quand même le lire à fond, avant de l'offrir! L'idée du thème du blog paraît elle aussi novatrice. Même si notre société a beaucoup de mal à rejoindre le train de l'Histoire du changement arabe.

Cela manque un peu de couleur dans ce blog!

Mes amitiés.

Le poète révolté, chercheur obstiné, et traducteur novateur.
www.mostaganem-aujourdhui.com